Fil d'Ariane
Cela commence avec une phrase, celle de Frantz Fanon, citée au début de l'essai de Tania de Montaigne : "Pour nous, celui qui adore les Nègres est aussi 'malade' que celui qui les exècre."
Puis vient une anecdote et ces mots: "J’essaie de me souvenir du temps où je n’étais pas Noire, mais seulement noire, sans majuscule. Ce temps où noire était un adjectif, pas un nom. Une couleur. C’est un exercice en soi. Je passe en revue les souvenirs, la cité, les copains, l’école, les colos, le bac, la prépa, les chagrins d’amour, les premiers boulots, les concours… Mais dans toutes ces images, je suis déjà Noire."
Venue sur la plateau de TV5MONDE, la romancière a ainsi expliqué cette assignation à être Noire qui l'a toujours poursuivie et mis l'accent sur le racisme parfois inconscient qui s'y rattache... "Tout le monde est travaillé par ce racisme", a-t-elle déclaré. "C'est vraiment comment on invente une identité, basée sur la nature, et non sur la culture."
"Le racisme, c'est une réponse à ce qu'on ne connaît pas. Si on accepte de jouer le jeu du livre et donc de ne plus croire à cette majuscule (ndlr: "Noirs"), il faut accepter que quand on voit quelqu'un, on ne peut pas savoir ni qui il est ni d'où il est. Et ça c'est vertigineux mais je crois que c'est un beau défi", a-t-elle noté.
La romancière rappelle ainsi les différences sociales et culturelles au sein d'un groupe de noirs, et que l'idée de "Noirs" avec un "N" majuscule n'existe pas. "La seule chose que je dis, c'est que ma couleur de peau ne dit pas qui je suis. Et qu'entre Michelle Obama et une migrante erythréenne, il n'y a aucun lien, si ce n'est la couleur. Ce n'est pas la même chose", a-t-elle souligné.
"Entre avoir de l'argent et ne pas en avoir, ce n'est pas la même chose. Avoir des papiers ou ne pas en avoir, ce n'est pas la même chose. Parler la langue d'un pays ou ne pas la parler, ce n'est pas la même chose et cela n'est pas une histoire de couleur", a-t-elle ajouté, avant de conclure: "donc je pense qu'il y a plus de liens entre un migrant syrien, un migrant érythréen et un migrant afghan, qu'entre Michelle Obama et une migrante erythréenne!".
Son livre fait déjà le bonheur des réseaux sociaux, pour une fois intelligents...
"Aucune couleur de peau n'autorise à faire son marché dans l'histoire. Car être #français, ce n'est pas une affaire de couleur." @demontaignetan
— 8ill (@eightbill) 25 mai 2018
Tania de Montaigne débute sa carrière à Canal J en 1995. Ensuite c’est la chaîne Canal + qui la sollicite pour l’émission Nulle Part Ailleurs puis viendront France 2, France 3, France 5, Paris Première,… où elle participera à différentes émissions aux côtés de Michel Field, Jean-Luc Delarue, Serge Moati ou Bernard Rapp.
À la radio, après avoir rejoint l’équipe du Fou du roi de Stéphane Bern, elle crée et anime pour France inter, Ouvert la nuit, magazine culturel quotidien.
C’est en 2001 que paraît son premier roman Patch, suivront Le quart d’heure islandais (2002), Geneviève et la théorie du cinq (2004), Tokyo c’est loin (2006), Les caractères sexuels secondaires (2009) qui obtient le prix des Arts afro-caribéens, Toutes les familles ont un secret (2014). Noire, son septième livre paraît aux éditions Grasset en 2015 et remporte le prix Simone Veil. Son dernier livre vient de paraître dans la même maison d'édition : L'assignation, Les Noirs n’existent pas.
C’est à la suite de la lecture de ses romans qu’un comédien lui commande sa première pièce. Ce sera Le plus beau jour, créée au festival d’Avignon en 2013, interprétée par Xavier Thiam, parrainée par Jacques Weber et mise en scène par Anne suarez et Remi Bichet.
> Pour plus de détails sur la carrière et les oeuvres de Tania de Montaigne, voir son site officiel ici.