Les pères japonais paternels victimes de harcèlement au travail
Les pères japonais qui voudraient prendre le congé parental que la loi leur accorde, doivent faire face à un obstacle inattendu : le harcèlement au travail. Comme nombre de femmes avant eux, ils expérimentent la dévalorisation de leur fonction sociale, voient leur carrière freinée, et sont rejetés ou moqués par leurs collègues. Un sondage commandé par la Confédération nationale des syndicats japonais, jette une lumière crue sur leur souffrance.
Papas poules dans des crèches au pays du soleil levant - Japan Times
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Parodiant la chanson « Etre une femme libérée c’est pas si facile » de Cookie Dingler Joëlle Kopf , qui fit un tabac en France (et au delà) en 1984, on pourrait fredonner, trente ans plus tard, à l’intention des pères japonais : "Ne le laisse pas tomber Il est si fragile Etre un homme libéré tu sais c'est pas si facile" Une étude diligentée par la Confédération des syndicats japonais (Rengo) - et dont la presse nipponne à largement rendu compte - révèle que la condition de père poule au pays du soleil levant est difficile à assumer : plus d’un homme au travail sur dix confie avoir vécu un « harcèlement » lié à leur paternité. Ceux qui ont pris leur congé paternel afin de prendre soins de leurs enfants ont fait face à des obstacles nouveaux dans leur carrière et ont subi l’incompréhension de leurs collègues. Alerté par des remontées syndicales sur ce problème inédit dans l’archipel, Rengo a donc commandé un sondage sur ce sujet auprès de 1000 hommes, âgés de 20 à 59 ans. Lequel a révélé un fossé abyssal entre la volonté du gouvernement de pousser à un environnement familial convivial et équitable entre femmes et hommes, et la confrontation au réel. Rendre vigueur à un pays vieillissant Le Premier ministre nippon Shinzo Abe (libéral au sens économique du terme) arrivé au pouvoir voilà plus d’un an, en décembre 2012, avait promis de relancer la 3ème économie mondiale (derrière les Etats-Unis – 1er – et la Chine – 2ème). L’un des poids du Japon serait sa pyramide des âges, qui à terme entrainera un déséquilibre en défaveur de la population active. Le gouvernement japonais a donc lancé des réformes afin de promouvoir le travail féminin, réservoir immense de capacité professionnelle d’un monde dont elles étaient jusque là exclues : élimination des listes d'attente pour les crèches, en ouvrant 200 000 établissements à horizon 2015, puis 200 000 supplémentaires d'ici 2017 ; permettre à 30% des postes à hautes responsabilités, dans l'administration comme dans les entreprises d’être attribués à des femmes d'ici 2020, dont une au moins nommée aux conseils d'administration des grandes entreprises ; et surtout application de la refondation du congé parental décidé voilà plus de trois ans par son prédécesseur...
Dans cette culture où les soins et l’éducation des enfants sont encore considérés presque unanimement comme relevant des mères, l’éphémère (juin 2010 à septembre 2011) Premier ministre social démocrate Naoto Kan avait provoqué une petite révolution en permettant aux pères japonais de prendre des congés, jusqu’à six mois consécutifs, après la naissance d’un enfant. Par ailleurs leurs employeurs devaient désormais réduire les journées de travail effectif de leurs employés pères d’enfants de moins de 3 ans, à six heures. Cette politique est appliquée avec succès à Yokohama, l’une des mégalopoles du pays. Sans doute parce que son maire Fumiko Hayashi, est une femme… Expérimenter la condition de mère... En attendant que Yokohama devienne le mètre étalon de la société japonaise, les résultats du sondage sont édifiants sur la difficulté à faire évoluer la culture et à s’extraire des héritages. 11% des hommes interrogés avouent avoir été victimes de harcèlement en raison de leur attention paternelle, et 5% ont vu leurs demandes de congés paternité refusées. 3,8% ont entendu leur patron leur dire que s’ils prenaient ce congé, leur carrière en pâtirait. 10,8% admettent avoir assisté à la souffrance de leurs collègues masculins, en raison de leur paternité, et de leur désir d’y accorder du temps. C’est d’ailleurs sans doute le pire : la majorité de ces pères en souffrance sont victimes de l’incompréhension de leurs pairs. Comme nombre de femmes avant eux, ils expérimentent le regard dévaluant sur leur être social. D’autant plus que beaucoup d’entre eux restent ignorants de leurs droits en la matière. Si 69% de ces hommes interrogés affirment connaître la législation du congé parental, ils ne sont plus que 2,6% à l’avoir effectivement pris… Alors que le gouvernement s’est fixé comme objectif d’atteindre 10% des pères avant 2017. La ligne d’horizon s’éloigne, semble-t-il…