Les résolutions de Gérald Darmanin pour lutter contre les féminicides

En dévoilant le bilan officiel des "morts violentes au sein du couple" recensées en 2020, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin annonce de nouvelles mesures pour endiguer ce fléau de société. Des mesures pas vraiment nouvelles, mais qui manquent de moyens financiers pour être vraiment mises en oeuvre, objectent les associations féministes.

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Gérald et Marianne

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin, le 25 mai 2021, lors d'une conférence de presse à Paris.

©AP Photo/Michel Euler
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1er août 2021, 70e féminicide de l'année en France : une femme de 48 ans, résidant dans l'Aveyron, à été tuée à l'arme blanche par son compagnon sur un chemin communal. Son compagnon a tenté de se suicider avec l'arme du crime ; il est actuellement hospitalisé.

Le même jour, dans un entretien au quotidien Le Parisien, le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin dévoile le bilan des violences au sein du couple pour 2020 : 102 femmes - et 23 hommes - ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint ou ex. C'est le chiffre le plus bas depuis quinze ans avec, pourtant, deux confinements pendant l'année. Baisse des homicides de 28%, mais aussi des tentatives d'homicides (238 au lieu de 268) par rapport à 2019, année noire, où 146 féminicides avaient été recensés.

 

Les violences intrafamiliales sont en train de devenir le premier motif d'intervention des policiers et gendarmes.
Gérald Darmanin, ministre français de l'Intérieur

Malgré les améliorations, poursuit Gérald Darmanin, "le nombre d'interventions de la police et de la gendarmerie pour violences intra familiales reste très élevé : plus de 400 000, soit 45 interventions par heure... Il ne se passe pas une journée sans que le GIGN ou le Raid aille libérer une femme ou des enfants pris en otage..." Le ministre note que les violences intrafamiliales "sont en train de devenir le premier motif d'intervention des policiers et gendarmes". 

Pallier les manquements

Gérald Darmanin tire les leçons du féminicide de Mérignac, le 4 mai 2021, particulièrement atroce, pour lequel il avait demandé une mission d'inspection. Cette mission avait conclu dans son rapport à une multitude de manquements qui avait conduit à ce que Chahinez, 31 ans, soit brûlée vive dans la rue par son ex-conjoint, après qu'il lui avait tiré dans les jambes pour la faire tomber. 

Gérald Darmanin avait demandé à la mission d'inspection un nouveau rapport pour identifier les responsabilités. Le rapport remis la semaine dernière au Premier ministre n'a pas été rendu public, alors que le Canard enchaîné révélait qu'un policier ayant pris une des plaintes de Chahinez avait été lui-même condamné pour violences conjugales et était en attente d'un passage en conseil de discipline.

Le ministre qualifie cette situation d'"inacceptable". Il annonce avoir demandé au patron de la police nationale de saisir l'IGPN, la "police des polices", qui devra remettre son rapport dans 6 semaines. Le ministre demande en outre que les conseils de discipline se réunissent "sous trois mois maximum" dans ce type de cas et que le policier concerné ne soit "plus en contact du public" dans l'attente d'une décision du conseil.

Un responsable national, des officiers spécialisés et une appli

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin annonce le traitement prioritaire des plaintes pour violences conjugales et la désignation d'un officier spécialisé dans ces violences dans chaque commissariat et chaque brigade de gendarmerie. Dès la fin août, un responsable national sera nommé auprès du Directeur général de la police nationale (DGPN), du Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) et du préfet de police "sur le modèle de ce qui existe en matière de terrorisme et de drogue". Enfin, pour briser le silence qui entoure souvent ces drames, une application est en développement pour permettre à tous les témoins de violences conjugales de les signaler.

Contrôle des armes

Un tiers des femmes étant tuées par arme à feu, le ministre souhaite que le fichier des personnes mises en cause pour violences intra conjugales soit connecté à ceux des possesseurs d'armes et d'interdits de port, et que les forces de l'ordre les consultent "systématiquement". "Cela permettra, dit-il, de vérifier si un mis en cause" pour de tels faits de violences "est détenteur d'une arme et donc de la lui retirer, sans même le témoignage de sa conjointe".

Plus de mains courantes, mais des dépôts de plainte

Pour assurer un meilleur suivi de ces situations, le ministre met l'accent sur la consigne donnée aux policiers et gendarmes de faire "un signalement au procureur", l'objectif étant que "100% des constatations se transforment en plainte ou signalement". Pour faire face à un nombre accru des procédures (193 000 en 2020), Gérald Darmanin promet de favoriser le recrutement d'officiers de police judiciaire.

En outre, le ministre souhaite que dans chaque département, il y ait "des équipes spécialisées dans la lutte contre les violences conjugales", comme des brigades de protection des familles en zone police ou des maisons de protection des familles en zone gendarmerie.

1 victime sur 5 avait porté plainte

Près d'une femme sur cinq, parmi les 102 qui ont perdu la vie en 2020 en France sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, avait porté plainte contre lui pour des violences. David Le Bars, secrétaire général du SCPN, le Syndicat des Commissaires de la Police Nationale, a réagi au micro de franceinfo"Il n'est pas acceptable que des femmes qui sont déjà allées dans des services de police ou de gendarmerie ne voient pas leurs plaintes traitées et leur cas réglé, dit David Le Bars. "Il existe des marges de progression très importantes" dans la lutte contre les féminicides, reconnaît-il, mais "cela exige des moyens".

35 % des féminicides sont survenus alors que les victimes avaient déjà subi des violences, qu'elles soient physiques, psychologiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint.
18% du total des victimes avaient déposé plainte après ces faits.
86% des faits se sont déroulés au domicile, de la victime ou de l'auteur. 
24% ont lieu dans le contexte d'une séparation non acceptée.
Dans 52% des cas, de l'alcool, des stupéfiants ou des médicaments psychotropes ont été consommées par l'auteur ou sa victime.
82% des auteurs sont des hommes de nationalité française
43% des agresseurs sont âgés de 30 à 49 ans et 22% de plus de 70 ans
66% des auteurs sont sans emploi ou retraités
40% des femmes décédées sont de 30 à 49 ans et 21% ont plus de 70 ans. 
Pour les victimes âgées (16% ont plus de 80 ans), la maladie et la vieillesse sont la cause principale du passage à l'acte.

Critiques et mises en cause

Venant d'un ministre de l'Intérieur lui-même sous le coup d'une accusation de viol, les propositions de Gérald Darmanin n'ont pas manqué de faire réagir.

Les associations féministes, elles, dénoncent des politiques qui ne sont toujours pas à la hauteur du fléau, pourtant déclaré grande cause national du quinquennat du président Macron, et, surtout, leur mise en oeuvre lacunaire, faute de moyens. Elles soulignent que le fait de refuser les mains courantes pour privilégier les plaintes en matière de violences conjugales est déjà une consigne donnée aux commissariats. Ou encore que des équipes spécialisées sur le sujet dans tous les départements sont déjà prévues depuis 2005, mais qu'elles ne sont pas effectives par manque de moyens financiers. De fait, les moyens pour appliquer les "annonces" du ministre sont en réalité les grands absents de son entretien au Parisien. Et sans moyens, difficile d'initier un changement majeur.

Les associations féministes appellent, comme chaque année depuis 2018, à manifester fin novembre contre les violences faites aux femmes à l'initiative du collectif #NousToutes :