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Reportage de nos partenaires RTBF au camp d'Al-Hol, en Syrie, le 7 décembre 2020.
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Les revenantes : ces femmes djihadistes rapatriées en Europe

C'est un sujet controversé que celui du retour en Europe des femmes parties combattre ou se marier en Syrie, cédant à l'appel du djihad. L'opinion publique est méfiante, tandis que les associations invoquent des raisons humanitaires. L'Allemagne et la Finlande ont commencé à rapatrier des femmes djihadistes, avec leurs enfants.
Depuis la chute du "califat" autoproclamé de l'Etat Islamique, en mars 2019, les autorités kurdes appellent les pays concernés à rapatrier les djihadistes et leurs familles qu'elles détiennent ou à créer un tribunal international pour les juger. En janvier 2020, l'ONU faisait écho à cette demande en appelant au rapatriement des enfants de djihadistes. Les associations, elles, soulignent que "il est dans l'intérêt des enfants que les mères soient rapatriées avec eux".

Pour ces raisons, humanitaires, certains pays ont commencé à faire revenir des enfants de djihadistes, comme la France, qui a rapatrié 28 mineurs depuis la chute de l'État islamique. En tout, près d'une centaine d'enfants sont rentrés de Syrie dans un Etat de l'Union européenne. 
 

Les enfants et leurs mères 

C'est aussi d'opération "humanitaire" que le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a qualifié l'initiative qui s'est déroulée à bord d'un avion charter spécialement affrété le 20 décembre dernier. L'Allemagne et la Finlande ont annoncé avoir rapatrié du nord de la Syrie cinq femmes, dont certaines sont visées par des poursuites judiciaires dans leur pays pour appartenance à l'organisation Etat islamique, et dix-huit enfants. L'Allemagne a acheminé trois femmes et douze enfants, parmi lesquels certains des leurs.

Les camps du Nord-Est de la Syrie constituent un risque de sécurité sur le long terme, plus les enfants y resteront sans protection ni éducation, plus il sera difficile d'empêcher la radicalisation.
Ministère finlandais

Dans le cas de la Finlande, il s'agit de 6 enfants et de deux femmes, selon le ministère allemand des Affaires étrangères. Le ministère finlandais explique : "Les camps du Nord-Est de la Syrie constituent un risque de sécurité sur le long terme, plus les enfants y resteront sans protection ni éducation, plus il sera difficile d'empêcher la radicalisation", ajoutant qu'il n'est pas possible légalement de ne rapatrier que des enfants sans leurs mères.

Ce rapatriement est une nouveauté pour l'Allemagne et la Finlande qui, jusqu'ici, n'avaient effectué de rapatriements que via la Turquie.

Des femmes en "très mauvaise santé" 

Le groupe rapatrié résidait dans un camp de réfugiés sous contrôle kurde dans le nord de la Syrie. Les trois femmes de nationalité allemande remises aux autorités de leur pays sont "des épouses de djihadistes" de l'Etat islamique "et sont en très mauvaise santé", déclare Kamal Akif, porte-parole de l'administration kurde pour les relations internationales. "Elles ont été transférées à cause de leur état de santé qui exige un traitement à l'étranger", ajoute-t-il. Selon la presse allemande, l'avion charter, parti d'Irak, a dû faire une escale imprévue à Vienne car un enfant souffrait de fortes crampes.

Les trois Allemandes, âgées de 21, 24 et 38 ans, sont toutes visées dans leur pays d'origine par des poursuites judiciaires pour participation à une organisation terroriste. Ces trois femmes ont gagné la Syrie à partir de 2014. Deux d'entre-elles pour rejoindre des membre du groupe Etat islamique déjà sur place et se marier avec eux, la troisième pour accompagner son partenaire en Syrie, qui a fini par être tué, selon les médias allemands.

Rapatriées ou fuyardes

L'un des trois Allemandes a été interpellée à son arrivée à Francfort et placée en détention, précise de son côté le parquet anti-terroriste allemand, les deux autres étant laissées en liberté dans l'immédiat.

C'est l'un des arguments en faveur du retour de Syrie des femmes djihadistes : plus elles s'éternisent dans les camps, plus elles risquent de s'échapper. En mai 2020, 13 Françaises se sont évadées de camps sous contrôle kurde. Parmi elles se trouvait Hayat Boumeddiene, la veuve d'Amedy Coulibaly, auteur de l'assassinat d'une policière et de l'attaque de l'Hyper Cacher en janvier 2015 à Vincenne. Toujours introuvable, elle vient d'être condamnée à 30 ans de prison à l'issue du procès des attentats du 15 janvier 2015.

Esclave yézidie

Outre la participation au groupe Etat islamique, une jeune femme allemande incarcérée a été identifiée comme Leonara M.. Agée de 21 ans, elle est soupçonnée par la justice de son pays d'avoir, avec son époux, utilisé une jeune femme yézidie comme esclave à Raqqa. Son mari était un membre des "services secrets" du groupe, avec qui elle a eu deux enfants, selon le parquet allemand. Elle avait quitté son pays pour rejoindre la Syrie à l'âge de 15 ans. 

Selon le quotidien allemand Bild, il reste encore environ 70 adultes de nationalité allemande dans des camps sous contrôle kurde dans le nord de la Syrie, ainsi que quelque 150 enfants de nationaux allemands. Environ 15 enfants et une dizaine de femmes de nationalité finlandaise sont toujours internés dans des camps du nord-est de la Syrie, selon le ministère finlandais.

enfants camp
Enfants au camps d'Al-Hol, en Syrie.
Capture d'écran reportage de nos partenaires de la RTBF.

Ce sont plus de 6000 enfants et autour de 3000 mères de nationalité étrangère, dont entre 600 et 700 enfants et plus de 300 femmes venant de pays de l'Union européenne, qui se trouvent dans les camps du nord-est de la Syrie, notamment Roj et d'Al-Hol, où étaient regroupées depuis 2019 beaucoup d'anciennes combattantes du groupe État islamique. La France est la première concernée, avec environ 250 enfants sur place. Viennent ensuite l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et la Belgique, avec  une quarantaine d'enfants retenus. La moitié des enfants ont moins de cinq ans. 

Philippe Vansteenkiste est directeur d'une association de victimes du terrorisme en Belgique. Comme le soulignait le procureur français François Molins en 2017, déjà, "Le retour concernant un certain nombre de femmes, le plus souvent des veuves avec des enfantsla notion du cas par cas est une approche pragmatique et pleine de bon sens". Philippe Vansteenkiste préconise lui aussi un traitement au cas par cas des ressortissant.es de l'Union européenne qui souhaitent revenir. Il était l'invité du 64' de TV5MONDE pour répondre aux questions soulevées par le retour des femmes djihadistes : Qu'en faire ? Qui pour les juger ?