«?Les femmes font la campagne ensemble. Nous ne sommes pas des concurrentes, la campagne ne doit pas être un motif de division et de conflit? entre nous. Nous avons dépassé cela au Rwanda, nous faisons la campagne entre amies, nous partageons toutes la même vision du pays?» souligne Rose Mukantabana, candidate des femmes de la capitale, élue pour la première fois en 2008 et catapultée directement au poste de Présidente de la Chambre des Députés.
Le pays est entré dans la dernière semaine de campagne mais on s’en aperçoit à peine à Kigali et en province, tant tout au Rwanda, est très structuré par le haut.
«?Les candidates se présentent les unes après les autres devant le public pendant 5 minutes, puis le public peut leur poser des questions?». Pour faire connaissance avec les 21 aspirantes du Nord, il faut compter 2 heures. Si une question est posée à l'une d'entre elles, les 20 autres candidates doivent y répondre aussi. «?La compétition est impossible avec ce type d’organisation. Comment peut-on choisir en 5 minutes ? », se plaint un électeur potentiel, l’un des rares représentants du genre masculin venu suivre la campagne des femmes.
Depuis 2003, la Constitution garantit aux Rwandaises un minimum de 30% de présence au Parlement (24 sièges) dans une liste dédiée, séparée de celles des partis politiques. Les femmes ont donc le choix ou bien de se présenter dans cette catégorie protégée, ou bien de concourir pour les 53 sièges des partis politiques, élus au suffrage universel. C’est précisément grâce à ce mécanisme constitutionnel que les Rwandaises parviennent à plus de 50% des sièges du Parlement, d’autant que les listes des partis doivent aussi présenter un seuil minimum de 30% de femmes.
«?En regardant les listes électorales, je pense qu’il y aura encore une majorité de femmes députées?» continue Mme Mukantabana. «?Cependant, ce quota a encore toute sa raison d’être?: cela ne fonctionne pas partout comme à la chambre des députés, il y a encore des lacunes à combler. Le jour où tous les organes de l’Etat auront atteint leur objectif affiché d’égalité, on supprimera le quota, mais on ne peut pas dire quand cela arrivera?».
La précision d'une juriste
Mme Mukantabana est très connue pour son activisme dans le domaine des droits des femmes au sein de l’association Haguruka («?Lève-toi?»), durant les 15 ans qui ont précédé son entrée au Parlement en 2008. Elégante, d’une voix calme et rassurante, utilisant un vocabulaire précis qui trahit son passé juridique, elle décrit les premiers pas de ce long parcours qui a conduit les femmes au Parlement rwandais.
«?Dans les années de transition,
après le génocide de 1994, nous avions réalisé une étude sur le nombre d'hommes et de femmes présents à différents niveaux des Institutions de l'Etat : le principe d'égalité était bâti en brèches car les femmes n'étaient pas représentées?». Mais il ne s'agissait pas uniquement d'un problème de représentativité déficiente?: «?Les lois du Code Civil et Pénal, celles relatives à la famille et à l’administration locale étaient fort discriminatoires. Nous les avons toutes révisées, et avec l’accord?des différentes forces politiques et civiles, peu à peu elles ont été reformulées ».
C’est donc à partir de la fin des années 1990 que les grandes conquêtes commencent à se concrétiser. Notamment?la loi de la Famille et de la Succession de 1999 qui permet aux femmes d’hériter de leurs maris disparus pendant le génocide de 1994, et d’inscrire les filles dans la lignée de l’héritage : dans la société rwandaise, éminemment agricole, la terre passait traditionnellement de père en fils, en excluant les femmes de toute possibilité d'accès à la propriété foncière.
« Mais c’est avec la nouvelle Constitution du 2003 et son mécanisme de quotas, que «?tout a changé?», s’enthousiasme encore Mme Mukantabana «?parce qu’on a donné aux femmes les possibilités de participer à la prise des décisions. Et c’est à ce moment-là que j’ai décidé d'entrer au Parlement : si notre combat était parvenu à ouvrir ces portes aux femmes, je me devais d’y être afin d'encourager d’autres femmes et d'empêcher les lois discriminatoires de prospérer ».