Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence : la cause LGBT entre en scène

Drôles, iconoclastes, et volontairement provocatrices, les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence prônent la bonne parole des droits LGBT. Même si les hommes restent majoritaires dans leur mouvement, sur scène, le féminin l’emporte toujours sur le masculin. Leur crédo ? Prévention contre le sida, PMA pour toutes et lutte contre l'homophobie. Rencontre à la Fête de l'Huma.

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Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence sur la scène du Zebrock à la fête de l'Huma, le 13 septembre 2019 à La Courneuve, pour délivrer la bonne parole : liberté sexuelle, prévention contre le VIH et droits LGBT.
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Que la messe soit dite ! Elles étaient cette année parmi les têtes d'affiche de la Fête de l'Huma. Coiffées de leur cornette, maquillées à outrance et en bas résille, inutile de préciser que ces nonnes sont les porte-parole d'un ordre "pas très catholique".
 

Sur la scène Zebrock, connue pour son action en faveur des groupes musicaux émergents, que les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence du Couvent de Paname y sont allées de leur refrains, prônant prévention sexuelle et droits LGBT.

 
Nous sommes le miroir de la tolérance de l’autre.
Soeur Zora
 
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Soeur Vulvérine
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Sœur Vulvérine et Sœur Zora des Pâquerettes ont reçu la « graisse divine » il y a environ 3 ans. « J’ai pleuré en assistant à la messe des Sœurs à l’occasion des Solidays », nous confie la première. « La vocation m’est tombée du ciel lors d’une sortie à rollers dans le Marais », avoue la seconde.

Une fois leurs vœux perpétuels prononcés, nos bonnes nonnes s’en sont allées mettre leur crédo en pratique. « Il s’agit d’être à l’écoute, d’orienter notre public vers de bonnes pratiques de prévention sexuelle, sans le moindre jugement moral », confie Sœur Vulvérine. « Nous n’entendons pas hiérarchiser les priorités de notre action : VIH, homophobie, grossophobie, viol, harcèlement, drogues, prostitution : tous les systèmes d’oppression se combinent et nous entendons participer à toutes les luttes », précise Sœur Zora, qui rappelle que leur modèle à toutes est probablement Sœur Quéquette, grande militante communiste à la face de l’Eternel(le ?).

« Les personnes rencontrées se confient plus facilement sur leurs pratiques, leurs questionnements, leurs difficultés face aux personnages que nous incarnons, à l’anonymat que nous garantissent nos maquillages. Pas question pour nous de convertir, d’évangéliser. Le seul prosélytisme que nous pratiquons est celui du bon goût », rassure Sœur Vulvérine dans un éclat de rire.

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Soeur Zora
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« Les débats qui ont eu lieu il y a quelques années à propos du mariage pour tous ont ouvert, en boomerang, un boulevard aux propos homophobes, y compris sur les plateaux de télévision » estime Sœur Vulvérine. Et les bonnes sœurs de rappeller l'actualité autour des actes homophobes dont les stades de football sont régulièrement le théâtre. Leurs sorties les confrontent d’ailleurs à des réactions très diverses, parfois hostiles. « Nous sommes le miroir de la tolérance de l’autre », résume Sœur Zora.

La loi de bioéthique en discussion sur la PMA intéresse tout particulièrement Soeur Vulvérine, qui se souvient d’un certain Manuel Valls annonçant, en 2014, à l’occasion d’une visite au Vatican, que le sujet serait exclu de la loi sur la famille. Une trahison pour le mouvement LGBT, qui, aujourd’hui, fait preuve encore de quelques divergences ou de nuances sur le sujet, mais qui, dans l’actuel projet de loi gouvernemental, tient à l’égalité de traitement entre hétérosexuels, homosexuels et transsexuels ; et qui est attentif au volet de la filiation. « Nous tenons aussi beaucoup à ce qu’il n’y ait pas d’amalgame avec la GPA, au risque de faire reculer le dossier de la PMA. », ajoute-t-elle.

Un mouvement né à San Francisco

La révélation, les soeurs l’ont connue pour la première fois, à San Francisco en 1979. Il est des militant.e.s LGBT, aujourd’hui, pour y voir la main de la chanteuse Judy Garland, icône des gays par excellence, dont les obsèques avaient été suivies, à New York, des émeutes de Stonewall. La charge « de trop » de la police avait alors conduit la communauté homosexuelle à ne plus se cacher et à revendiquer ses droits, rejointe par des stars comme Shirley MacLaine.

En 1991, la France ralliait le mouvement américain. Des couvents voyaient aussi le jour au Canada, en Australie, au Royaume Uni, en Irlande, en Argentine…

Il s’agit pour nos nonnes, habitées par la  « foi », de promulguer la joie éternelle, mais surtout d’être à l’écoute. Prévention, information, défense des droits se mêlent aux grandes causes humanitaires, l’homophobie n’éclipsant pas le racisme, l’exploitation d’autrui, la préoccupation du climat. Les sœurs, épaulées par leurs gardes-cuisses, partent en maraude dans les lieux à risque et se produisent dans des festivals comme Solidays ou lors des Marches des Fiertés. Certes, l’esprit potache leur sert de carburant quand elles en appellent à Saint Latex et à Saint Gel à Queue « pour protéger, envelopper et enduire les pêcheurs que nous sommes, avant de nous conduire sur les chemins de l’extase », mais elles se préoccupent aussi de questions juridiques liées à l’avortement, le mariage pour tous, la PMA, la GPA, depuis leurs couvents de Lille, d’Aix-en-Provence, de Lyon.

Réunis en Chapitre, en inter-couvents, en Concile, en Conclave, les couvents sont généralement des Associations loi 1901 et font appel à des dons et des subventions pour mener à bien leurs actions caritatives. On évoquera les séjours de ressourcement, dits « de jouvence », organisés deux à trois fois par an, à l’intention des personnes touchées ou concernées par le VIH.

Pourquoi le personnage de la Sœur ? Parce que « dans l’inconscient collectif, elle reste une figure de bonté, d’amour et de don de soi. Nous ne cherchons en rien à les ridiculiser. Et les Soeurs en habit que nous rencontrons dans la rue ou dans le métro ne nous ont jamais jeté de pierres ».

Soeurs et communisme

Que pensent nos dignes représentantes du Couvent de Paname à propos des élus communistes et plus généralement des « paroissien.ne.s » qu’elles croisent à la Fête de l'Huma ?
 
Les Sœurs choisissent l’irruption iconoclaste pour faire passer leurs messages.
Eugénie Barbezat, Humanité Dimanche
Nos Soeurs disent avoir vécu ici une divine surprise. Pour le public de la Fête, « les marques d’intérêt, les questions, la capacité à s’abstraire des clichés homophobes ouvrent de nouvelles voies de sensibilisation aux problématiques qui nous occupent » .
 

Un point de vue que confirme Eugénie Barbezat, journaliste à l’Humanité, ainsi que chroniqueuse à Radio Aligre : « A la rédaction de l’Humanité, on prend conscience qu’il faut aller chercher la parole des femmes. Ne pas parler à leur place ». Pour faire avancer la société, est-il bon de mêler le drame et la dérision, comme le font les Soeurs ? « Les Sœurs choisissent l’irruption iconoclaste pour faire passer leurs messages. J’aime bien cette capacité de la Fête de l’Huma à inventer de nouvelles actions. L’année dernière nous avions organisé le procès du Code du Travail. Les questions LGBT, telles que portées ici, procèdent du même registre », ajoute la journaliste.
 

Seuls les esprits chagrins leur demanderont, peut-être, d’expier pour avoir terminé leur messe en invoquant Sainte Rita, la Sainte des causes désespérées et donc… « des hétérosexuels » (sic) !