Les Turques défendent la Convention d'Istanbul contre les violences faites aux femmes

Des milliers de femmes sont descendues dans la rue dans plusieurs villes de Turquie pour s'opposer aux velléités du gouvernement de dénoncer la Convention d'Istanbul. Dans un contexte de hausse des féminicides, elles veulent défendre ce traité international qui les protège des violences.

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manif istanbul
Manifestantes à Istanbul, le 5 août 2020 (capture d'écran)
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Plusieurs milliers de femmes ont manifesté ce 5 août 2020 à travers la Turquie pour demander au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan de ne pas se retirer de la Convention d'Istanbul. Adopté en 2011 par le Conseil de l'Europe, qui rassemble 47 pays dont la Turquie, ce traité international est le premier outil supranational à fixer des normes juridiquement contraignantes en vue de prévenir la violence sexiste. La Turquie était le premier pays à ratifier cette convention, en mars 2012, qui mènera au vote de la loi n° 6284 sur la prévention des violences faites aux femmes.

Or depuis quelques semaines, associations et médias conservateurs turcs demandent au président Erdogan de dénoncer ce traité, arguant notamment qu'il "nuit aux valeurs familiales" et "banalise l'homosexualité". Des responsables de l'AKP, le parti conservateur au pouvoir, s'en sont fait l'écho en évoquant aussi la possibilité d'un retrait. Parmi les associations de défense des droits des femmes, l'inquiétude monte.
 


Toutes les femmes turques, sans distinction politique, ont besoin de cette convention.
Benazir Coskun, manifestante à Istanbul

Pour les militant.e.s des droits des femmes, un retrait de la Convention d'Istanbul serait un coup dur porté à la lutte contre les violences conjugales et familiales. A Istanbul, plusieurs centaines de manifestantes sont descendues dans la rue pour défendre le traité. "Ils sont en train d'attaquer les droits que les femmes ont gagnés de haute lutte. Mais nous sommes dans la rue, sur les places, pour défendre nos droits. Nous ne lâcherons rien", assure Sinem Ozkan, une manifestante 31 ans. "Toutes les femmes turques, sans distinction politique, ont besoin de cette convention", estime Benazir Coskun, 31 ans, elle aussi venue manifester à Istanbul. "Nous sommes convaincues que si les femmes sont unies, nous parviendrons à empêcher ce retrait".

Les manifestant.e.s scandaient des slogans réclamant que les femmes soient maîtresses de "leurs vies" et de "leurs décisions" :

Les militant.e.s brandissaient des pancartes proclamant que "les femmes ne pardonneront aucune violence" ou portant des noms de victimes - Melike, Hülya, Emine...

D'autres rassemblements ont eu lieu dans les principales villes du pays, comme dans la capitale Ankara ou Izmir, sur la côte Ouest, où une dizaine de manifestantes ont été interpellées par la police, selon l'association Femmes solidaires NAR.

Les militant.e.s accusent en outre les autorités de ne pas appliquer avec assez de fermeté les lois votées après la ratification du traité en 2012, ce qui expliquerait la hausse du nombre de féminicides ces dernières années. Selon la plateforme Nous mettrons fin aux féminicides : 474 femmes ont été tuées en Turquie en 2019, contre 440 en 2018 et 180 en 2010.

En juillet, le meurtre brutal d’une jeune étudiante de 27 ans, Pinar Gültekin, a provoqué une onde de choc dans ce pays miné par les violences faites aux femmes. Peu après, l’influenceuse turque et américaine, Zeycan Rochelle lançait un appel sur son compte Instagram :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

As #challengeaccepted continues to trend, here is some more information on the origin of the post & how it became suddenly popular out of nowhere❕ . It began to spread first in Turkey as millions of us here grieve the deaths of several women, this week alone, who have garnered a lot of media attention as victims of Femicide. . As the Turkish government looks to back out of the Istanbul Convention, which is made to protect the high number of domestic abuse cases against women, people are angry & banded together to show solidarity against this action. . Your beautiful black & white photo is yes, meant to empower other women as your sister, but because so many men disregard & dispose us of our worth. . I urge you to google Femicide and read the horrific accounts some women have faced. Violence against women anywhere is a tragedy! Share with purpose ✨ . #Femicide #womenempoweringwomen #sisterhood #kadınaşiddetehayır #istanbulsözleşmesiyaşatır #Feminism

Une publication partagée par Zeycan Rochelle YILDIRIM (@zeycan_rochelle) le 27 Juil. 2020 à 7 :10 PDT


Voici peu, c'est la Pologne qui annonçait son retrait de la Convention d'Istanbul, où le Premier ministre a demandé à la plus haute juridiction du pays de statuer sur la constitutionnalité du traité. Le gouvernement turc, lui, doit prendre une décision la semaine prochaine.