Fil d'Ariane
C'est une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux qui a mis le feu aux poudres. Elle date du mercredi 21 juin 2017- les musulmans sont alors encore en période de ramadan. Assis au fond d'un minibus, un homme se lève, comme s'il voulait descendre, mais il se met à frappe une femme assise devant lui. Asena Melisa Saglam, 21 ans, bondit de son siège pour tenter de se défendre, mais il la repousse violemment et elle tombe à terre, tandis qu'il descend du bus. Filmée par une caméra de surveillance et diffusée par un média turc, la scène a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux :
One woman's outcry spread across Turkey.
— dwnews (@dwnews) June 30, 2017
Here's how #MelisaSaglamYalnızDegildir pic.twitter.com/szCFYOIK2R
Arrêté trois jours plus tard, l'homme affirme avoir été "provoqué". Le jour même, il sera relâché.
Pour les organisations féministes, cette libération est une menace pour toutes les femmes. "Nous porterons ce que nous voulons, où nous voulons. Nous ne renoncerons pas à nos libertés !", "Portons des minijupes maintenant plus que jamais !" ou "Ne te mêle pas de notre tenue !" lisait-on sur Twitter, où l'agression était parmi les sujets les plus discutés (#melisasaglamyalnizdegildir - "Melisa Saglam n'est pas seule" en turc).
► Dans Terriennes, lire le dossier : Femmes de Turquie aux avant-postes
L'incident a aussi suscité une bordée de messages agressifs sur les réseaux sociaux pour condamner la tenue de Melisa : "Tu as méritée la râclée" ou "Les femmes en short, je les tabasse" :
Melisa Saglam a contesté la remise en liberté de son agresseur, qui se trouve déjà être en détention pour délits fiscaux et encourt des poursuites pour trafic de stupéfiants. L'audience de la jeune femme au tribunal est fixée au 15 août prochain.
Une affaire similaire avait déjà provoqué l'indignation d'associations féministes l'année dernière : un homme avait asséné un coup de pied au visage d'une femme de 23 ans, à bord d'un bus d'Istanbul, parce qu'elle portait un short. Dans ce procès, toujours en cours, l'agresseur risque jusqu'à neuf ans d'emprisonnement.
► Dans le film Mustang, sorti en 2015, la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven raconte l'émancipation de cinq soeurs adolescentes en Turquie.
Depuis l'arrivée du parti islamo-conservateur AKP d'Erdogan au pouvoir, en 2002, la violence contre les femmes va croissant, en Turquie. Si le droit turc est parmi les plus libéraux de la région pour les femmes, il reste ignoré par les autorités et la jurisprudence. Dans Têtes de Turques, Erdogan et la condition féminine (éditions Lemieux), la journaliste Laurence Monnot dresse le portrait de ces femmes turques qui ont acquis des droits bien avant une partie des Européennes, et dont le corps reste aujourd’hui l’enjeu de toutes les batailles. Elle est l'invitée de TV5MONDE :