Les violences conjugales du footballeur américain Ray Rice : une affaire d'Etat

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Les violences conjugales du footballeur américain Ray Rice : une affaire d'Etat
Ray et Janay Rice, en conférence de presse le 23 mai 2014, à Owing Mills, dans le Maryland (est des Etats-Unis).  (ROB CARR / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
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Les coups assénés par Ray Ryce, vedette du football américain, sport culte aux Etats-Unis, à sa future femme Janay Palmer en février 2014 dans un ascenseur, ont envahi les médias et le monde politique aux Etats-Unis en cette fin d'été. C'est la diffusion de la vidéo de surveillance sur un site d'information “people“ qui a allumé la mèche. Réseaux sociaux, télévisons, sanctions, interpellations publiques - le pays entier se mobilise autour de cette affaire, jusqu'au président Obama qui s'est déclaré “choqué“.
Le plus étonnant, c'est le calendrier. Plus de six mois se sont écoulés entre les faits et leur explosion, jusqu'à envahir les médias américains - quotidiens, audiovisuels, sites internet -, et les réseaux sociaux. Avec ce point culminant du dimanche 14 septembre 2014, lorsque Denis McDonough, le Secrétaire général de la Maison Blanche, concède cet aveu extrême dans la mythique émission "Meet the press" de NBC : "le président Obama est choqué par la vidéo qui montre le joueur Ray Rice en train de mettre un coup de poing à sa future femme. (Ils se sont mariés depuis, ndlr)" L'enchainement sémantique est essentiel : choqué par la vidéo qui montre. Et pas directement par le coup de poing. Connu depuis plus de six mois...

Plan séquence

Le 8 septembre le site internet spécialisé dans l'information people TMZ lâche sa bombe sur la toile : les images de la caméra de surveillance installée dans l'ascenseur d'un casino d'Atlantic City et prises le 15 février sont diffusées en ligne à grand renfort de marketing. La vidéo dure exactement 3'35 et ce n'est pas spécialement une production hollywoodienne. On y voit Ray Rice et sa fiancée Janay (à l'époque Mlle Palmer) en train de se diriger vers un ascenseur et c'est vrai qu'ils n'ont pas l'air de très bonne humeur. Contrechamp, intérieur jour artificiel dans la cabine, sans son : elle s'approche de son futur époux, pas contente du tout, il la repousse, et lui balance un coup de poing. KO immédiat.

L'ascenseur s'arrête à l'étage demandé : le footballeur empoigne le corps inanimé de sa compagne, le tire (avec difficulté ce qui étonne pour un grand gaillard comme ça) dehors, aux pieds, et donc sous les yeux, d'un vigile qui ne vient pas en aide au monsieur, ni en aide à la dame lorsqu'elle retrouve ses esprits, se contentant de téléphoner sans doute pour dire "on a un problème chef..." Et puis on voit Ray ramasser, non pas sa petite amie, mais les chaussures de celle-ci. Jusqu'à ce que quelqu'un, que l'on devine être une femme, s'agenouille, entoure les épaules de la belle violentée et finisse par la relever. Ray tente un geste d'apaisement, que Janay repousse aussitôt - c'est bien le moins...
 


Le 10 septembre, l'équipe des Baltimore Ravens annonce qu'elle met un terme au contrat de son joueur phare. Ray Rice avait déjà fait l'objet d'une suspension de deux matches par la NFL pour cette agression. La National Football League (Ligue nationale de football - l'américain pas le vulgaire soccer européen) est l'une des institutions les plus puissantes des Etats-Unis, autant que la NFA, national rifle association, celle du lobby des armes.

Trainée de poudre

L'incendie peut alors se propager, en particulier par le biais les réseaux sociaux, et un salutaire débat sur les violences conjugales s'engage à travers tout le pays via le mot clé #WhyIStayed (Pourquoi je suis restée). Avec ces réponses édifiantes : "Parce que je pensais que l'amour triompherait", "pour que mes enfants aient leur père", "parce que j'étais enceinte", "Parce qu'il m'a dit qu'il me tuerait", "parce qu'il me faisait comprendre que je ne valais rien et qu'il prendrait mon fils", "parce qu'il aurait fallu expliquer mon départ et j'avais honte", "parce que je voulais croire qu'il y avait quelque chose de bien en lui", "parce que je n'avais nulle part où aller".

Ou encore comme ces deux cris ci-dessous : "Parce que j'étais confuse, honteuse, et que je pensais que cela allait changer" ; "Parce que je pensais que personne d'autre ne m'aimerait comme lui".



Une vie dorée brisée

A ces réponses, on pourrait y ajouter celle de Janay Rice, malgré elle. Sur son compte Instagram, à peine la suspension de son mari prononcée, elle y jette : "Je me suis réveillée ce matin, comme si j'avais fait un épouvantable cauchemar, comme si je pleurais la mort de mon plus proche ami." Mais le cauchemar n'est pas d'avoir été battue. L'horreur est de voir sa vie d'épouse d'un homme richissime et célèbre, exploser en plein vol. "Personne ne peut comprendre la peine que les médias et les réactions du public font à ma famille. De nous faire revivre un moment de notre vie que nous regrettons tous les jours, est une chose horrible. (.../...) MAIS C'EST NOTRE VIE ! Pourquoi ne nous fichez vous pas tous la paix ? Si votre intention c'est de nous blesser, de nous plonger dans la solitude et la confusion, de nous ôter notre bonheur, alors vous y réussissez à tous les niveaux. Mais sachez que nous allons continuer à montrer au monde entier, ce qu'est le véritable amour !".

 
Les violences conjugales du footballeur américain Ray Rice : une affaire d'Etat
“Nous allons montrer au monde entier ce qu'est le vrai amour“ dit Janay Rice sur son compte Instagram

Je t'aime moi non plus

Comme dans un scénario bien ficelé, le feuilleton ne retombe pas. Voici que les collègues de Ray viennent au secours du couple : l'Association des joueurs de la Ligue de football américain (NFL) fait appel le 17 septembre de la suspension de Ray Rice pour violences conjugales. "Cet appel est destiné à faire respecter la présomption d'innocence de chaque joueur. De nombreux éléments dans ce dossier montrent que la procédure n'était ni juste ni impartiale", proclame la dite association. Qui réclame la mise en place d'une commission indépendante, afin de "donner une seconde chance au joueur". Et aux Baltimore Ravens de conserver leurs sponsors et flot de dollars généré par Ray Rice...

Il faut dire que la NFL doit faire à deux autres cas de violences domestiques : Adrian Peterson, l'un des joueurs-vedettes des Minnesota Vikings, est accusé d'avoir corrigé son fils de quatre ans à coups de branche d'arbre tandis que Ray McDonald, défenseur des San Francisco 49ers, a été interpellé  le 14 septembre pour avoir frappé sa compagne enceinte, ce qui ne l'a pas empêché d'affronter Chicago le soir même...

Ils aiment tellement leur petit camarade (un peu brutal mais bon...) les joueurs de la NFL qu'ils ont fait pression sur la chaine CBS pour qu'elle annule le show de la chanteuse Rihanna le 11 septembre dernier, attendue pour y chanter le morceau "Run This Town", lors du match opposant Pittsburgh Steelers aux Baltimore Ravens.  "CBS vous avez annulé ma chanson la semaine dernière, et maintenant vous voulez la diffusé ce jeudi ? NON,  Allez vous faire foutre ! Vous allez regretter de m’avoir pénalisée" leur a-t-elle envoyé via son compte Twitter.


C'est que la très populaire Rihanna a elle-même fait face à la violence conjugale en 2009, exercée par son compagnon, le musicien Chris Brown (là aussi les photos de la vedette défigurée avaient fait le tour de la planète cybernétique). Et donc ouh là là, ça tombait mal, en pleine affaire Ray Ryce, a expliqué le patron des sports de CBS, Sean McManus, qui voulait "une couverture avec un ton adéquat" pour son événement. Depuis le tweet rageur de Rihanna, CBS s'est ravisée et entend diffuser la chanson…

Doit-on rappeler que Rihanna et Chris Brown, eux aussi, filent toujours l'imparfait amour ? #WhyIStayed ? Réponse en attente...

De la côte Est à la côte Ouest, tous les journaux en parlent, des plus sérieux aux plus trash