En Espagne, il n'y a donc pas encore de réelle laïcité. Dans le pays, le terme d’État
"aconfesional" (aconfessionnel c'est-à-dire hors confession) est généralisé et inscrit dans la Constitution de 1978. L’Église reste très influente et continue de jouir de
privilèges économiques. Eduardo Cuna Paz, journaliste espagnol installé en France et membre de l'association
"Espana en Paris", présent à la manifestation à Paris contre la loi sur la réforme de l'avortement, confirme les liens entre l’État et l’Église, en particulier, les relations entre la religion et les politiques. Mais il va plus loin pour expliquer les raisons de l'adoption du projet de loi sur l'avortement .
"Après le pouvoir économique, l’Église espagnole, c'est aussi l'Opus Dei qui prime, tous les ministres espagnols sont passés par là. Presque tous appartiennent à ce groupe religieux ", affirme-t-il. Les liens entre l’Église, l’État et le PP, parti d'ailleurs fondé en 1976 par un ancien ministre franquiste, est un héritage de la dictature militaire de
Francisco Franco (1939-1975) dont l'idéologie se basait sur les anciens principes de l’Église catholique. Ce régime avait justement interdit en 1939, lors de l'arrivée au pouvoir de Franco, l'avortement, qui avait été légalisé pour la première fois en Catalogne en 1936.
Face à la contestation des opposants à la contre-réforme sur l'avortement, l'actuel gouvernement espagnol n'envisage pas de revenir sur son projet de loi. Le gouvernement de Mariano Rajoy cherche même à porter le débat sur l'avortement au niveau européen. Le ministre espagnol de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon, a annoncé qu'il se rendrait à Bruxelles,courant janvier, pour défendre son texte. Un cap qui pourrait faire basculer l'Union européenne du côté des défenseurs du droit à l'IVG ou de ceux du "droit à la vie",
tant le flou règne concernant l'avortement. Alors qu'il
avait été voté par le Parlement européen, puis retiré par la même assemblée, et qu'il figurait dans la première rédaction de la
Charte européenne des droits fondamentaux, il en a été expurgé lorsque celle-ci a été annexée au Traité constitutionnel européen, sous l'impulsion de José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne, homme politique portugais où l'IVG reste très restreinte.
Si les Espagnols étaient entendus, l'émancipation des Européennes s'en trouverait fort malmenée...