Fil d'Ariane
Deux ans de prison avec sursis pour complicité d'assassinat de masse : le tribunal d'Itzehoe (Allemagne) a rejeté l'appel d'Irmgard Furchner. Aujourd'hui âgée de 99 ans, elle a été, durant la Seconde guerre mondiale, la secrétaire du camp nazi de Stutthof (Pologne), l’un des premiers camps nazis installés hors des frontières allemandes, où environ 65.000 personnes périrent.
Irmgard Furchner, ici lors de son premier procès en Allemagne, en décembre 2022.
Elle a toujours assuré "ne rien avoir su de l’existence des chambres à gaz" et avoir exercé "un travail de bureau comme un autre, comme dans une banque".
La justice allemande en a décidé autrement. "L'appel est rejeté (...) le verdict est définitif", a annoncé ce 20 août 2024 la juge de la Cour fédérale à Leipzig (est), Gabriele Cirener.
[traduction : L'appel a échoué : BGH confirme le verdict contre le secrétaire du camp de concentration (99) Irmgard F. a déjà comparu à plusieurs reprises devant le tribunal, comme ici en décembre 2022 au tribunal régional d'Itzehoe.]
Avant la tenue de son procès en 2021, Irmgard Furchner avait annoncé à l'avance qu'elle ne souhaitait pas comparaître devant le tribunal et avait demandé au juge de ne pas s'attendre à ce qu'elle le fasse. Elle avait fait savoir par courrier qu'elle le boycotterait, le jugeant "dégradant". Fin septembre 2021, quelques heures avant le début de son procès, elle quitte la maison de retraite de Quickborn où elle habite et prend un taxi jusqu'à la station de métro Norderstedt Mitte. Le président de la chambre criminelle délivre alors un mandat d'arrêt. Irmgard Furchner est rapidement interpellée, avant d'être libérée sous condition jusqu'à la première audience le 19 octobre 2021.
En 2022, l'ancienne secrétaire du camp de concentration nazi de Stutthof (Pologne) est condamnée à une peine de deux ans de prison avec sursis pour complicité de meurtres dans plus de 10.000 cas, au terme de l'un des ultimes procès sur l'époque nazie en Allemagne. Irmgard Furchner décide de faire appel.
Irmgard Furchner, le jour du verdict lors de son procès en décembre 2022, en Allemagne.
Une condamnation conforme aux réquisitions du parquet. Celui-ci avait alors souligné la "signification historique exceptionnelle" de ce procès, avec un jugement avant tout "symbolique". Ses deux avocats avaient en revanche demandé un non-lieu. Selon eux, le procès n'avait pas prouvé qu'elle avait connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof. Mais pour le tribunal, l'accusée se trouvait à proximité immédiate des prisonniers, "l'odeur des cadavres était omniprésente", considérant "inimaginable que l'accusée n'ait rien remarqué".
L'intéressée s'était alors déclarée "désolée pour tout ce qui s'est passé" et avait dit "regretter d'avoir été à Stutthof à ce moment-là".
[traduction : Irmgard Furchner était une ancienne secrétaire des camps de concentration. Lorsqu’elle travaillait pour les nazis, elle était adolescente. Lorsqu’elle a été inculpée de complicité de meurtre de masse, elle avait plus de 90 ans.]
Âgée au moment des faits de 18 à 19 ans, Irmgard Furchner était employée en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp de Stutthof, un camp proche de Gdansk (Dantzig à l'époque), Paul Werner Hoppe. Accusée d'avoir participé par ses fonctions administratives au meurtre de 11412 personnes, elle y a travaillé jusqu’en avril 1945, soit un mois avant la libération du camp par les alliés.
Irmgard Furchner
Il s’agissait d’un des premiers camps nazis installés hors des frontières allemandes. Environ 65.000 personnes y périrent dans une chambre à gaz, sous la torture ou les assauts du typhus. Des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques ont été systématiquement tués. C’est aussi dans ce camp qu’avait été créée une fabrique de savons à base de graisse humaine, l’une des nombreuses abominables expérimentations de la barbarie nazie.
Photo datant du 18 juillet 2017 d'une des portes en bois à l'entrée du camp de concentration nazi de Stutthof à Sztutowo, en Pologne.
Soixante-dix-neuf ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, l'Allemagne continue de rechercher d'anciens criminels nazis encore en vie, illustrant la sévérité accrue, quoique tardive, de sa justice.
La jurisprudence de la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un gardien du camp de Sobibor en 1943, à cinq ans de prison ferme, permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers de meurtres n'importe quel auxiliaire d'un camp de concentration, du garde au comptable. En juin 2022, un ancien gardien du camp de concentration de Sachsenhausen (nord de Berlin), âgé de 101 ans, a été condamné à cinq ans de prison.
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