Libye : polémique sur l’obligation du voile pour les femmes

Une diatribe du ministre de l’Intérieur du gouvernement intérimaire libyen sur les moeurs dans le pays et la nécessité de légiférer pour imposer une série d'interdictions et d'obligations aux femmes suscite la controverse. Les Libyennes n'entendent pas être contraintes, ni à porter le voile dès l'âge de 9 ans, ni aux autres restrictions de leurs libertés annoncées par le ministre. 

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Lybie femmes voilées

Capture d'écran reportage JTA TV5MONDE.

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C’était le mercredi 6 novembre dernier, lors d’une réunion ministérielle sur le suivi de la crise du carburant et du gaz. Le ministre de l’Intérieur du gouvernement intérimaire libyen a fait une digression qui n'avait rien à voir ni avec l'ordre du jour de la réunion, ni avec ses fonctions. Il a abordé un sujet qu'aucun officiel jusque là n'avait jamais abordé, en se lançant dans un véritable réquisitoire sur les mœurs de la société libyenne. Le voile islamique doit être imposé par la force de la loi pour les femmes libyennes, a-t-il déclaré, ajoutant que ceux et celles qui veulent vivre librement n’ont qu’à aller vivre en Europe ! 

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En plus du port obligatoire du voile pour toutes les femmes et filles dès l'âge de 9 ans, y compris dans les écoles, Imad Trabelssi veut interdire aux Libyennes de voyager sans être accompagnées d'un homme ou sans l'autorisation d'un homme de sa famille. Le ministère de l'Intérieur a aussi annoncé l'interdiction de la mixité dans les cafés et les lieux publics. Les mesures touchent également la façon de couper les cheveux ou de s'habiller afin de respecter la "spécificité de la société libyenne", justifie le ministre.

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"Il faut que la femme sorte voilée"

“La Libye est un pays de bonnes mœurs, et nos femmes sont pudiques, dans sa grande majorité, mais il y a une petite minorité qui nous porte préjudice, et nous allons nous en occuper. Il faut que le chef du gouvernement et le ministre de l’Éducation imposent le voile complet, pas uniquement le foulard, mais un vrai voile complet. Il faut que la femme sorte voilée," explique le ministre de l'Intérieur libyen.

Il faut amener les jeunes filles à aimer le voile plutôt qu’elles grandissent en le détestant parce que quelqu’un leur a imposé de le porter. Rawia Aboukhachim

Des propos qui ont déclenché une polémique dans tout le pays. Car même si la plupart des femmes libyennes portent le voile ou le foulard, la déclaration du ministre est loin de faire l’unanimité, même parmi les femmes qui portent déjà le voile. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le caractère liberticide des déclarations du ministre de l’Intérieur Imad Trabelssi, notamment sur l’obligation du port du voile pour les fillettes à partir de 9 ans.

“Personnellement, je suis pour le port du voile pour les femmes, mais pas avec un discours menaçant, pas à travers la force et pas en usant du pouvoir. Cela doit venir à travers les cours religieux et les conférences organisées par le ministère des Affaires religieuses ou la Maison des Fatwas, ce qui peut amener les jeunes filles à aimer le voile plutôt qu’elles grandissent en le détestant parce que quelqu’un leur a imposé de le porter," explique une jeune fonctionnaire, Rawia Aboukhachim.

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Pas sans le Parlement

De son côté, Abderahman Adel, du parti Paix et Prospérité :“Je pense que ce n’est pas du ressort du gouvernement. Nous sommes une société avec nos différences, et c’est quelque chose de normal, car il n’y a pas de société unifiée dans tous les aspects. Je ne crois pas que pousser les gens qui sont différents à partir ailleurs soit une solution, car la société est gérée par des lois bien définies.”

Ce qu’a fait le ministre de l’Intérieur Imad Trabelssi est illégal, car il n’a pas cette prérogative. S’il veut imposer le voile, il doit faire passer une loi par le ParlementKhalifa El Maadani

Or en Libye, aucune loi qui impose le port du voile, comme l'explique Khalifa El Maadani : "Il y a des lois de bonnes mœurs et de bonne conduite, et ce qu’a fait le ministre de l’Intérieur Imad Trabelssi est illégal, car il n’a pas cette prérogative. S’il veut imposer le voile, et je suis d’accord avec lui, il doit faire passer une loi par le Parlement”

Quant au président de la Commission nationale des droits humains, Ahmad Hamza, il souligne lui aussi les violations de la loi des déclarations du ministre de l'Intérieur : "Ces déclarations contredisent totalement la Déclaration constitutionnelle intérimaire, garantissant les droits et les libertés en Libye. Sans compter que cela viole les lois et la législation nationales en vigueur", dénonce-t-il auprès de nos confrères de RFI

Il pointe également la tutelle que Imad Trabelssi veut imposer sous couvert de religion sur la société et qui, selon lui, "constitue une insulte et une déformation, car la société libyenne est ainsi présentée comme moralement décadente. Ce qu'il avance dans ses déclarations constitue un dangereux précédent en termes du comportement et du langage d'un responsable face aux questions de droits de l'homme, de libertés publiques et fondamentales et de droits de citoyenneté."

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