Depuis longtemps Zeina el Tibi a inscrit les femmes au cœur de son oeuvre, aussi bien journalistique que de chercheuse. Née au Liban et vivant en France, elle est de ces personnes passerelles qui tentent de rapprocher cultures et continents. Or depuis, quelques années, en particulier depuis la fin des années 90 et l’irruption en Europe du débat sur le voile, la place des femmes dans l’Islam est instrumentalisée, « jusqu’à l’obsession » écrit l’auteure, aussi bien par les pratiquant(e)s que par les islamophobes.
Dans certains pays, aujourd’hui gouvernés par des théocraties, la religion sert à mettre au pas les citoyennes ; en Europe, en France singulièrement, le rejet viscéral de l’Islam permet d’ostraciser une partie des habitants du continent. « Les musulmans semblent éprouver un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes, et les Occidentaux à les dévoiler », écrivait l’essayiste marocaine
Fatema Mernissi dans Le Harem et l’Occident (Albin Michel, 2001),
cité par la journaliste Mona Chollet, dans un article sur l'islamophobie des Femen publié par le Monde diplomatique, une phrase que ne repousserait sans doute pas Zeina el Tibi, elle qui commence ainsi son essai : « L’incompréhension est sans nul doute le phénomène qui caractérise le plus les relations entre l’islam et le monde occidental. Cette incompréhension est nourrie par l’ignorance et d’innombrables clichés, et par le refus d’admettre les diversités idéologiques, religieuses, culturelles ou autres. Il en résulte une méfiance réciproque qui, instrumentalisée à dessein, risque de conduire au choc des civilisations imaginé et souhaité par les néoconservateurs américains et, plus largement, par toutes sortes d’extrémistes dans les pays occidentaux. » Et malheureusement aujourd’hui, plus largement par des groupes intégrés dans des réseaux qui ne se situent plus aux extrêmes…
L'ignorance, mère de tous les préjugés
En savante, et pour éclairer les ignorant(e)s de tous bords, Zeina el Tibi fait d’abord œuvre d’historienne des religions et de théologienne afin de mettre les points sur les i à propos de la prétendue infériorité des femmes consubstantielle à l’islam : « contrairement à l’idée répandue et aux nombreuses idées toutes faites qui ont cours en Occident, il faut donc répéter que l’islam a donné à la femme un statut qui la respecte et l’honore, tant sur le plan spirituel que sur le plan social. Sur le plan spirituel, il a affirmé l’égalité entre les hommes et les femmes. Sur le plan de la vie en communauté, il a reconnu aux femmes des droits et une protection dûment codifiés, mettant fin à un état d’infériorité. »
A l’intention des gouvernements des pays musulmans, tentés de soumettre la moitié de leur population via des codes vestimentaires, l’enseignante en études islamiques, qu’elle est aussi, rappelle quelques évidences : « L’islam comme toutes les religions, incite à la bienséance dans l’intérêt de la préservation sociale. Cette bienséance s’impose aussi bien aux hommes et aux femmes, notamment lors de l’accomplissement des actes pieux. L’aspect vestimentaire est seulement abordé dans le Coran au regard du contexte de la vie sociale. C’est ici qu’il faut parler du faux problème du voile. En premier lieu, il doit être précisé que le voile ou le foulard n’est pas propre à l’islam, il existait avant l’islam et il existe dans d’autres sociétés que la communauté musulmane. (…/….) Ce lien entre le voile et la dépendance est totalement absent du Coran qui présente au contraire le voile comme un signe de libération : ‘le voile désigne les femmes libérées de l’esclavage parce qu’elles rejoignent la nouvelle religion’. Le voile ne signifie donc pas soumission, mais bien dignité. »
C’est à cette application progressiste des principes de l’islam que propose de revenir Zeina el Tibi.