Un même salaire pour toutes et tous ? Et s’il fallait en passer par la loi… L’Islande l’a fait. Depuis le 1er janvier 2018, toute entreprise de plus de 250 employées et employés qui paie un homme d'avantage qu'une femme pour un même emploi peut se voir infliger une lourde amende. Et ailleurs ? Les comptes ne sont pas bons...
L’Islande, un « petit » pays insulaire de 103 000 km2 et d’environ 330 000 habitant.e.s mais un "Grand" pays précurseur sur le terrain de l’égalité femmes/hommes.
Depuis 9 ans, les Islandais.es caracolent en tête du classement mondial établi par le Forum économique mondial (WEF), The Global Gender Gap Report, qui mesure l’égalité des genres en matière, notamment, de participation économique, d’influence politique, de santé et d’éducation. L'Islande figure comme l’une des nations les plus respectueuses des droits des femmes, affichant l’un des plus faibles écarts de salaire entre les femmes et les hommes, entre 14% et 16 % en 2017. Une Islandaise sur cinq gagne moins de 400 000 couronnes (3 200 euros - à titre indicatif le coût moyen d'un trois pièces en centre ville à Reykjavík, la capitale, est de 2215.89 €).
Insuffisant malgré tout pour les autorités de Reykjavik, qui décident de prendre les devants. Le 8 mars 2017, le Premier ministre islandais, Bjarni Benediktsson, crée la surprise à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, en soumettant le projet de l’égalité salariale, lors de la conférence #HeforShe à New York.
L'histoire a montré que si nous voulons le progrès, il faut l'imposer
Thorsteinn Viglundsson, le ministre des Affaires sociales
De la promesse à l'acte, l'Islande n'a pas attendu longtemps. Dès le mois d’avril, un projet de loi est présenté par le gouvernement de centre-droit, avec le soutien de l’opposition. Le mois suivant, le Parlement islandais, le Althing, composé, faut-il le préciser, de quasi la moitié de femmes, donne son aval. "L'histoire a montré que si nous voulons le progrès, il faut l'imposer", déclare alors Thorsteinn Viglundsson, le ministre des Affaires sociales, comme le rappelle Le Monde à l'automne 2017.
L'Islande, ce "grand" pays féministe
La loi entre en vigueur le 1er janvier 2018. L'Islande devient le premier pays au monde à rendre obligatoire l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Si dans les autres pays où des lois défendent les femmes au travail, (comme le Luxembourg, voir plus bas ndlr), c’est aux victimes de prouver que leur entreprise discrimine ses employées féminines, en Islande, c'est aux entreprises d'apporter la preuve de leur bonne foi. Celles qui ne respecteront pas cette parité se verront financièrement sanctionnées.
Ainsi, l'Islande se fixe 2022 pour atteindre l’égalité parfaite.
Comment fonctionne cette loi ?
Un bureau de contrôle est chargé de veiller à la bonne application de la loi par les entreprises, et ce même bureau a pour mission de leur décerner un certificat de bonne conduite, valable trois ans uniquement et donc à renouveler.
Dans le détail, le calendrier est différencié selon la taille de l'entreprise. Comme le décrit
l'Association islandaise pour la défense des droits des femmes, les entreprises de 250 salarié.e.s et plus ainsi que les ministères devront, les premières, être certifiées dès cette année 2018.
Viennent ensuite les entreprises de 150 à 249 employé.e.s, ainsi que les entreprises publiques ou à participation publique, qui ont l'obligation de s'y conformer d'ici au 31 décembre 2019. Celles entre 90 et 149 salarié.e.s et celles qui en comptent entre 25 et 89 obtiennent des délais supplémentaires, jusqu'à, respectivement, fin 2020 et fin 2021.
"Je pense que maintenant les gens commencent à réaliser que ce problème systématique doit être combattu par de nouvelles méthodes" déclare sur
Aljazeera.com, Aradottir Pind, membre de l'Association islandaise de défense des droits des femmes.
Cette loi devrait permettre à l'Islande de rester en tête des pays où les inégalités salariales entre hommes et femmes sont les plus faibles. À titre de comparaison, la France ne figure qu'en onzième position, gagnant six places en 2017 par rapport à l'année précédente.
A quand les autres ?
Alors à quand la France s’interrogent nombre d'internautes ? L’an dernier encore, le média féministe Les Glorieuses appellait les Françaises à arrêter de travailler le 3 novembre à 11h44, moment symbolique où à travail et fonction identiques, elles ne sont plus payées par rapport aux hommes.
En moyenne, en France, la différence de salaire net entre un homme et une femme est de 3525 euros par an. Une étude de la Fondation Concorde publiée en octobre 2017, démontre que si les femmes étaient payées comme les hommes, l'économie française en serait profondément modifiée. Sans inégalités salariales hommes-femmes, l'Etat empocherait même 33,6 milliards d'euros par an !
Au Luxembourg, une loi existe depuis 2016, et élève l’inégalité salariale au rang d’infraction. Cela signifie qu’à partir du moment où une différence de salaire ne peut plus se justifier pour des raisons objectives et qu’elle est fondée sur des considérations de genre, l’employeur se voit infliger une amende allant de 251 à 25.000 euros. En cas de récidive dans le délai de deux ans, les peines prévues peuvent même être portées au double du maximum. L’employeur incriminé devra donc, pour un même travail ou un travail de valeur égale, allouer un même salaire à ses salariés, indépendamment de leur sexe.
Publier pour plus d'égalité
D'autres pistes sont en cours. Exemple en Allemagne où une toute nouvelle loi vient d'être promulguée, le 6 janvier 2018, "
pour favoriser la transparence en matière de rémunération", rapportent
Les Échos. Ainsi, une salariée est en droit de demander à son employeur combien gagnent ses collègues masculins. En Allemagne, la différence de salaire entre les hommes et les femmes est de 21%.
En Grande-Bretagne, une loi sensiblement du même type est en vigueur depuis 2 ans. Elle oblige les grandes entreprises à publier les salaires de ses employé.e.s. L’an dernier, le «grand déballage » des salaires des stars de la BBC avait provoqué une véritable onde de choc au sein l’illustre et prestigieuse télévision britannique. Sur une liste de plus de 200 noms (recevant un salaire annuel de plus de 169 000 euros), un tiers seulement étaient des femmes, avec des salaires très inférieurs aux sommets atteints par leurs homologues masculins. Le directeur général de la BBC, Tony Hall, avait alors promis d’aller « plus vite et plus loin »…
Pas assez loin, pas assez vite pour cette journaliste en poste depuis trente ans à la BBC, qui a décidé de démissionner ce lundi 8 janvier 2018 pour protester contre cette différence salariale. Sur son
blog, Carrie Gracie, rédactrice en chef Chine, dénonce une «
culture salariale secrète et illégale » au sein de la télévision publique britannique.
« La BBC vous appartient (…). Vous avez le droit de savoir qu’elle enfreint la loi sur l’égalité et résiste aux pressions pour établir une structure de rémunération équitable et transparente. Je ne demande pas plus d’argent. Je pense être déjà très bien payée (…). Je veux simplement que la BBC se conforme à la loi et valorise hommes et femmes de manière égale », écrit dans sa lettre la journaliste, qui est également intervenue sur l'une des antennes de son ex-maison.
En France, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé aussi ce 8 janvier 2018 qu'"
un plan dur et concret" sur l'égalité salariale devrait voir le jour d'ici "
quelques semaines ou mois". Elle a expliqué vouloir faire "
de la pédagogie, de l'explication, de l'accompagnement aux entreprises, notamment des PME", mais aussi mettre en place "des sanctions". Sans toutefois donner plus de détails.
Selon les projections du WEF, pour voir les femmes obtenir un salaire égal à travail égal avec leurs homologues masculins, hormis l'exception islandaise, il faudrait donc encore attendre 217 ans.
#yaduboulot