Fil d'Ariane
Les autorités locales sud-africaines ont ordonné, à l'occasion de la rentrée scolaire en Afrique du Sud, en cette fin d'été 2016, à un prestigieux lycée de Pretoria, essentiellement fréquenté par des élèves de familles blanches, de suspendre son règlement intérieur en matière de coupes de cheveux, des lycéennes noires affirmant avoir été traitées de "singes" à cause de leurs cheveux portés au naturel. Après d'autres humiliations et intimidations racistes.
Le Lycée pour filles de Pretoria, un établissement huppé privé, dispose de 21 jours pour revoir sa politique jugée raciste, alors que des élèves ont déclaré avoir été contraintes de lisser artificiellement leurs cheveux et ne pas porter de coupes afro.
Le ministre de l'Education de la province du Gaunteg, Panyaza Lesufi, s'est même rendu dans l'établissement pour discuter avec le personnel et les élèves.
Des enseignants leur disent qu'elles ressemblent à des singes ou ont des nids sur la tête
Panyaza Lesufi, ministre de l'Education du Gaunteg
Des jeunes filles "ont le sentiment de ne pas être autorisées à porter des coupes de cheveux de Noirs, comme les coupes afro. Spécifiquement, la politique de l'établissement limite la longueur de la coupe", a déclaré le ministère de l'Education dans un communiqué.
"Des enseignants leur disent qu'elles ressemblent à des singes ou ont des nids sur la tête, a-t-il ajouté. Le règlement intérieur (...) doit être revu et dans l'immédiat, le paragraphe sur le style de cheveux doit être suspendu."
Lors de leur rencontre avec les autorités provinciales, des élèves ont aussi affirmé ne pas être autorisées à parler dans l'établissement leur langue locale et être victimes de discrimination de la part d'enseignants et d'élèves blancs.
Le ministère a également dénoncé l'attitude du lycée qui a fait appel à la police et à des gardes armés lors d'une manifestation d'élèves noires coiffées de coupes afro et de tresses.
Il reste des traces de l'héritage colonial dans notre système
Koketso Moeti - Amandia Mob
Vingt-deux ans après l'avènement de la démocratie, les tensions raciales restent très élevées en Afrique du Sud, où sont régulièrement proférés des commentaires racistes notamment dans les médias sociaux.
La classe politique s'est rapidement emparée de ce débat brûlant : Mmusi Maimane, chef du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), s'est ainsi demandé si sa fille, qui arbore une coiffure afro, serait autorisée à suivre les cours dans cet établissement.
Mme Koketso Moeti de l'ONG Amandia Mobi n'est pas étonnée : "Cela montre qu'il reste des traces de l'héritage colonial dans notre système. On a pensé que mettre nos enfants noirs à l'école suffirait. Mais on n'a pas pensé que ces écoles avaient été conçues pour des blancs, avec de très vieux codes de conduite."
Le lycée accueillait seulement des Blancs jusqu'à la fin officielle du régime raciste d'apartheid en 1994. Depuis, les élèves noirs et métis y sont admis.
C'est plus grave qu'une question de coiffure
Mishka Wazar, ancienne élève
Une ancienne lycéenne, Mishka Wazar, qui a quitté l'établissement l'an dernier, a expliqué à l'AFP que le lycée connaissait depuis plusieurs années des "problèmes sur des sujets similaires".
"Nous avons écrit des lettres, et nos doléances ont été généralement ignorées", a déclaré cette étudiante de 19 ans.
Elle a affirmé avoir vu des jeunes filles réprimandées pour leurs cheveux. "L'enseignant leur disait de (...) lisser leurs cheveux (...). Certaines de ces règles sont très difficiles à appliquer si vos cheveux n'ont pas une certaine texture."
D'anciennes élèves du lycée ont également écrit à un journal universitaire en ligne pour dénoncer le "racisme, les intimidations et les humiliations, manifestement basées sur la race, infligées par le personnel" de l'établissement aux jeunes femmes noires. "C'est plus grave qu'une question de coiffure, lance une ancienne pensionnaire de l'établissement. Dans ce lycée lorsqu'ils remettent une récompense à une jeune fille noire, ils organisent une cérémonie à part", conclut l'une d'entre elles.