Le Parlement tunisien a voté mercredi 26 juillet 2017 une loi visant à en finir avec les violences faites aux femmes. Un texte "historique" selon la ministre de la Femme et salué par l'ensemble des défenseur-e-s des droits des femmes en Tunisie.
Elles sont fières, heureuses et soulagées. Après une décennie de lutte et quatre jours de débats intenses, les militantes pour la défense des droits des femmes ont enfin obtenu gain de cause en Tunisie. Mercredi 26 juillet 2017, le Parlement tunisien a voté une loi pour lutter contre les violences faites aux femmes, un texte qui renforce la protection des victimes et abolit des dispositions jugées rétrogrades.
Une adoption qui a été accueillie dans la liesse par les parlementaires comme le montre la vidéo de l'annonce du vote ci-dessous. Publiée sur le site du ministère des Droits des femmes de Tunisie, en arabe, elle se passe de traduction tant elle est jubilatoire.
Après de longs débats et tractations, la législation a été adoptée à l'unanimité des 146 députés présents (sur 217 élus). "C'est un moment très émouvant et nous sommes fiers en Tunisie (...) d'avoir pu nous réunir autour d'un projet historique", a déclaré la ministre de la Femme, Naziha Laabidi.
"On les a eus au corps, comme on dit", sourit pour sa part Sana Ben Achour, militante des droits des femmes et présidente de l'association Beity pour les femmes en difficulté. "C'est magnifique. Pour moi, c'est plus qu'une décision historique. Cela faisait tellement longtemps qu'on y travaillait, depuis 2004, et cette loi n'arrivait pas !"
Abrogation du très controversé article 227 bis
La législation votée mercredi vise effectivement à
"en finir avec toutes les formes de violences contre la femme". La loi prévoit notamment une assistance juridique et psychologique aux victimes et instaure des programmes spécifiques pour ancrer
"les principes des droits humains et de l'égalité entre les genres" dans l'enseignement.
Elle modifie également l'article 227 bis, très controversé, du Code pénal, supprimant la disposition qui prévoit l'abandon des poursuites contre l'auteur d'un acte sexuel
"sans violences" avec une mineure de moins de 15 ans s'il se marie avec sa victime. "
On a fait tomber l'article 227 bis qui était une honte... On a fait admettre l'inceste. Il y a une redéfinition du viol à l'encontre des mineurs filles ou garçons", se rejouit Sana Ben Achour, militante des droits des femmes et présidente de l'association Beity pour les femmes sans domicile.
"Cette loi va mettre fin à des textes archaïques du Code pénal. On a fait tomber les lois de l'ordre public patriarcal." Sana Ben Achour, dans un entretien à TV5MONDE
Satisfaction des militantes des droits des femmes
La Tunisie est considérée comme une pionnière en matière de droits des femmes dans le monde arabe et la nouvelle Constitution adoptée en 2014 stipule que les
"citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs". La législation promulguée est aussi considérée comme une victoire et un texte fondateur pour les défenseur-e-s des droits des femmes
"dans le Maghreb et dans le monde arabe", souligne Sana Ben Achour.
Mais en Tunisie comme ailleurs dans le monde, les femmes restent victimes de discriminations dans de nombreux domaines et, tout en se félicitant du vote de cette loi, plusieurs militants des droits des femmes appellent à s'atteler maintenant à faire évoluer les mentalités. Près d'une femme sur deux en Tunisie dit avoir déjà subi
"une ou plusieurs formes de violences", selon une étude réalisée par un établissement public.
La loi votée mercredi entrera en vigueur six mois après sa publication au Journal officiel.
"C'est formidable. C'est émouvant. Il y a encore des choses à faire, mais l'essentiel y est", conclut Khadija Chérif, figure historique de la société civile tunisienne.