Loi "Stop féminicide" en Belgique : une première en Europe

Historique. La Belgique est le premier pays en Europe à adopter une loi pour lutter contre les féminicides. Cette nouvelle législation définit officiellement la notion de féminicide, et permet de reconnaître le phénomène dans ses quatre dimensions : le féminicide intime, non-intime, indirect et l'homicide fondé sur le genre.

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La Belgique adopte une loi "féminicides"

La Belgique est le premier pays en Europe à adopter une loi cadre qui met en place des outils concrets pour lutter contre les féminicides ainsi qu'une définition précise de ces crimes et violences faites aux femmes. 

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"Il s’agit d’un tournant historique dans la lutte contre les violences de genre en Belgique", se réjouit la Secrétaire d’État à l’Égalité des Genres Marie-Colline Leroy dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.

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Le Parlement belge a adopté le 29 juin 2023 à Bruxelles un texte de loi baptisé "Stop féminicide" inédit qui comporte un ensemble d’instruments de protection des victimes de féminicides et de mesure de ces crimes. Le texte a été adopté à l'unanimité, moins l'abstention de la N-VA.

Des équipes ont travaillé pour sortir une proposition qui permet vraiment de gérer ce phénomène, ce mécanisme qui est extrêmement grave, c’est-à-dire l’acte ultime du féminicide, et de faire en sorte de prévenir l’acte ultime. Marie-Colline Leroy Secrétaire d’État à l’Égalité des Genres

Si le terme "féminicide" a été retenu pour conscientiser la société aux violences de genre, c’est parce que les femmes sont aujourd’hui les plus nombreuses à être victimes d’un crime dont le mobile est la haine, le mépris ou l’hostilité à l’égard d’une personne en raison de son sexe, précise le site de la RTBF à propos du vote de cette loi. Mais le cadre de la loi se veut plus large et vise tous les crimes "de genre".

"Des équipes ont travaillé pour sortir une proposition qui permet vraiment de gérer ce phénomène, ce mécanisme qui est extrêmement grave, c’est-à-dire l’acte ultime du féminicide, et de faire en sorte de prévenir l’acte ultime. De faire en sorte qu’on y arrive plus, par des moyens de prévention, de sensibilisation., précise Marie-Colline Leroy sur l'antenne de la RTBF.

Une loi historique, une définition précise

En premier lieu, cette loi cadre propose une définition précise du féminicide et des violences qui le précèdent (violences sexuelles, psychologiques et contrôle coercitif).

Le texte reconnait quatre types de féminicides : le féminicide intime, par un partenaire, le non intime, par un tiers (une travailleuse du sexe par un client par exemple), le féminicide indirect, survenu après des faits de violences (avortement forcé ou mutilations génitales par exemple), et enfin l’homicide fondé sur le genre (un homme transgenre qui meurt dans le contexte de la violence du partenaire).

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Une meilleure protection et écoute des victimes

Les victimes disposeront d'une série de garanties concernant les conditions de leur audition par la police (langue, choix du sexe de la personne qui les interroge, discrétion, informations sur les mesures de protection etc.).

Les policiers et magistrats doivent comprendre les mécanismes à l’œuvre, le cycle de la violence et s’approprier les nouveaux outils de lutte contre les féminicides pour que cette loi produise ses effets. Sarah Schlitz, députée fédérale

« L’évaluation des risques auxquels la victime est exposée sera réalisée systématiquement pour les mettre hors de danger le + tôt possible », précise sur Linkedin Sarah Schlitz, la précédente secrétaire d’État à l’Égalité des Genres et des Chances, et l'une des initiatrices de ce projet.

Une formation spécifique des policiers sera mise en place dans le but de mieux reconnaître les violences qui précèdent le passage à l’acte : « Les policiers et magistrats doivent comprendre les mécanismes à l’œuvre, le cycle de la violence et s’approprier les nouveaux outils de lutte contre les féminicides pour que cette loi produise ses effets. »

"Mesurer, c'est savoir"

Cette loi propose aussi une collecte de données et deux publications dont un rapport quantitatif annuel reprenant les principales statistiques liées aux féminicides, les caractéristiques des victimes, des auteurs et de la relation entre la victime et l’auteur – et un rapport qualitatif sur les féminicides et les homicides fondés sur le genre qui met en évidence leur fréquence, les taux de condamnation, l’efficacité des mesures prises pour mettre en œuvre la Convention d’Istanbul.

« Mesurer, c'est savoir. La collecte et l'analyse des données permettra de mieux connaître le phénomène pour mieux le combattre. », précise l'ancienne ministre de l'égalité, aujourd'hui députée fédérale. 

Un Comité Scientifique d’analyse des féminicides et des homicides fondés sur le genre sur la base de cas individuels sera également créé.

Un cadre légal, et juridique

Le féminicide, c’est l'acte de tuer une femme parce qu’elle est une femme. Si le féminicide figure déjà dans le code pénal d’une dizaine de pays latino-américains, ainsi qu’en Espagne (2004) et en Italie (2013) juridiquement, ce n'est pas le cas en Belgique. Le Code pénal reconnait seulement une circonstance aggravante si une femme est tuée par son compagnon.

Actuellement, une alarme anti rapprochement permet, lorsqu’il y a un problème, avec une personne, un partenaire ou un ex-partenaire se trouvant à proximité, ou lorsqu’il y a un danger, d’appeler la police, via un smartphone, pour qu’elle puisse intervenir très rapidement.

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Une victoire pour les associations féministes

"C’est important la lutte, mais c’est aussi important de célébrer les victoires",  souligne Sarah Schlitz.

De nombreuses associations et militantes féministes s’étaient données rendez-vous ce 29 juin. Après quelques discours, échanges et chants féministes, les personnes présentes le jour du vote se sont dirigées vers la Chambre des Représentants pour entendre la lecture des textes des différents parlementaires. Plus de 80 personnes étaient présentes pour célébrer cette victoire.

Il existe à ce jour trois « plateformes » associatives actives au niveau national dans la lutte contre les violences en Belgique. 

La Plateforme féministe contre les violences faites aux femmes (PFVFF) rassemble des organisations (pas des personnes individuelles) indépendantes des gouvernement et des partis politiques qui se fédèrent autour d’une charte commune, dans une lecture et une approche féministes, pour agir contre les violences faites aux femmes en Belgique en perspective d’une société sans violences sexistes. Depuis 2016, elle a mis en place l'observatoire StopFeminicide qui recense les féminicides en Belgique dans le double objectif de rendre hommage aux victimes et d’en faire un outil militant. 

Mirabal Belgium de son côté se concentre sur l’organisation pratique des actions autour de la date symbolique du 25 novembre (Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes). Enfin, la Coalition « Ensemble contre les violences faites aux femmes » rassemble depuis début 2018 les associations et services de terrain qui participent à la rédaction d’un rapport alternatif sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul en Belgique.

Je regrette seulement qu'il soit trop tard pour empêcher le meurtre de France, Émilie, Daniela, Betty, Nathalie, Roxanne et de toutes les autres. Je voudrais leur dédier ce vote. Sarah Schlitz

Depuis le début de l’année 2023, le blog Stop Féminicide a recensé au moins 17 féminicides en Belgique.

Après avoir détaillé l'avancée que permet cette loi historique, la députée fédérale Sarah Schlitz conclut ainsi son post sur Linkedin : « Je regrette seulement qu'il soit trop tard pour empêcher le meurtre de France, Émilie, Daniela, Betty, Nathalie, Roxanne et de toutes les autres. Je voudrais leur dédier ce vote, et promettre à leurs proches qu’avec cette loi on fera tout pour qu'il n'y en ait #PasUneDePlus ». 

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