Fil d'Ariane
L’ONU n’a pas fini de se débattre contre les scandales sexuels. Les abus commis par les Casques bleus seraient sous-estimés, selon un rapport dont l’Associated Press (AP) a obtenu la copie. Le document émane de l’office d’audit interne de l’ONU (OIOS), basé à New York. L’an dernier, les enquêteurs onusiens ont interrogé 231 personnes rien qu’en Haïti qui ont révélé avoir été contraintes à des actes sexuels pour obtenir de l’argent, de la nourriture ou des médicaments.
On ignore quand les faits commis en Haïti se sont produits et sur quelle période. L’ONU assurait encore récemment que le nombre de Casques bleus soupçonnés d’abus sexuels était en recul. Le dernier rapport du secrétaire général Ban Ki-moon fait état de 51 cas en 2014, contre 66 l’année précédente.
« En cas de non-paiement, certaines femmes gardaient les badges des Casques bleus ou menaçaient de révéler leur infidélité sur les réseaux sociaux », rapporte l’AP à la lecture de ce rapport. Les enquêteurs de l’ONU se sont rendus en Haïti, mais trois autres missions seraient tout aussi touchées: celles en République démocratique du Congo, au Liberia et au Soudan du Sud. Plus d’un tiers des cas concerneraient des mineurs.
Toujours selon l’AP, le rapport fait état d’une confusion des soldats déployés en Haïti. Ils ne verraient pas la différence entre des rapports sexuels librement consentis avec la population locale, déconseillés mais tolérés par l’ONU, et ce qui relève de la contrainte.
Depuis les révélations fin avril sur des faits similaires commis en 2014 par des soldats français contre des enfants dans un camp de déplacés en Centrafrique, et la suspension d’Anders Kompass, un haut fonctionnaire de l’ONU à l’origine de l’affaire, l’organisation est soupçonnée de couvrir ces abus. Elle a en effet toutes les peines du monde à trouver des pays prêts à fournir des contingents militaires pour les opérations de maintien de la paix, qui se sont multipliées ces dernières années. Près de 125 000 Casques bleus sont actuellement déployés dans 16 pays en conflit. Les premiers pourvoyeurs de troupes sont le Pakistan, le Bangladesh et l’Ethiopie.
La semaine dernière, la mission des Nations unies en Centrafrique a annoncé qu’elle avait ouvert une enquête contre un Casque bleu soupçonné d’abus sexuel sur un mineur dans l’est du pays. Pour couper court aux critiques, l’ONU a cette fois décidé de rendre ce cas public, plutôt que d’alerter confidentiellement l’Etat concerné, comme cela avait été le cas avec la France.
La nationalité de l’auteur présumé n’a toutefois pas été révélée, mais l’ONU a appelé le gouvernement concerné à engager des poursuites contre son soldat. Les Casques bleus ont beau opérer sous commandement onusien, il appartient aux pays de traduire en justice leurs ressortissants. C’est tout le problème. La justice de certains Etats est peu empressée de s’en prendre à des militaires.
Crimes répugnants
S’agissant de la Centrafrique, la justice française avait ouvert une enquête dès l’été 2014, mais elle s’est enlisée. Quant à l’ONU, elle a préféré ne pas dénoncer publiquement cette affaire pour ne pas compromettre les efforts des enquêteurs. « Dans la plupart des cas, c’est l’ONU elle-même qui relaie les accusations d’abus sexuel contre son propre personnel auprès des autorités nationales compétentes. Ces crimes sont encore plus répugnants quand ils sont commis contre des enfants et par les soldats justement envoyés pour les protéger », s’est défendu le Français Hervé Ladsous, le chef des opérations de maintien de la paix, dans une lettre publiée par le New York Times le 29 mai dernier. Anders Kompass accuse le même Ladsous d’avoir réclamé sa tête, ce qu’a toujours contesté l’intéressé. Le 3 juin, Ban Ki-moon a lancé une enquête interne sur la gestion de toute cette affaire par l’ONU.
Article paru dans le Temps, reproduit ici grâce à un partenariat avec TV5MONDE.com