Les Nord-Coréennes renvoyées dans leur pays après avoir tenté de le fuir risquent, en détention, de graves violences sexuelles. Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits humains a recueilli le témoignage de celles qui, finalement, ont réussi leur évasion.
Frontière entre les deux Corée à Paju, le 24 juin 2020.
Avant que la Corée du Nord ne ferme ses frontières pour tenter de se protéger de l'épidémie de coronavirus, nombreux étaient les Nord-Coréens qui traversaient la poreuse frontière de 1400 km avec la Chine pour y faire du commerce ou tenter de s'y établir malgré le contrôle très strict que Pyongyang impose à ses citoyens.
Les personnes arrêtées pour avoir illégalement quitté ou tenté de quitter la Corée du Nord risquent des poursuites et la détention. Or la grande majorité des personnes franchissant la frontière sont des femmes, qui profitent d'une plus grande liberté de mouvement que les hommes - eux sont soumis à un contrôle plus étroit du fait du travail que leur attribue l'administration, encore très patriarcale.
A la recherche de sources de revenus ou d'une nouvelle vie à l'étranger, les Nord-Coréennes s'embarquent dans des pérégrinations dangereuses, s'exposant à échouer entre les mains de traficants. Elles sont happées dans des réseaux de travail forcé ou exploitées sexuellement et, parfois, contraintes au mariage. De retour en Corée du Nord, les rapatriées sont arrêtées et beaucoup sont condamnées à la prison sans autre forme de procès ou à l'issue de procédures expéditives.
Dans un rapport du Haut-commissariat des Nations unies, une centaine de détenues en République populaire démocratique de Corée entre 2009 et 2019 témoignent. Toutes ont été rencontrées en Corée du Sud après une nouvelle fuite, cette fois réussie, et ont donné des interviews détaillées aux représentants des droits humains de l'ONU.
Je n'ai pas dormi et travaillé parce que je ne voulais pas être battue. C'était atroce, à tel point que j'ai même tenté de me suicider.
Une ancienne détenue en Corée du Nord
Elles témoignent des violences sexuelles qu'elles ont subies, notamment des viols. Certaines ont été contraintes à avorter. Détenues dans des conditions insalubres, sous-alimentées, elles sont régulièrement soumises à la torture et aux mauvais traitements, sous forme de coups et de punitions personnelles ou collectives. "Je n'ai pas dormi et travaillé parce que je ne voulais pas être battue. C'était atroce, à tel point que j'ai même tenté de me suicider", déclare une femme.
A cela s'ajoutent les sévices spécifiques au genre, comme le refus d'accès aux installations sanitaires et au matériel nécessaire pour répondre aux besoins particuliers des femmes en matière d'hygiène, ainsi qu'une surveillance constante par des gardiens de sexe masculin. Elles subissent régulièrement des fouilles très invasives des agents du ministère de la Sécurité, dénonce Daniel Collinge, l'auteur de l'enquête : "On les soumet à des fouilles qui impliquent qu'elles se dénudent et enchaînent des sauts et des accroupissements afin de vérifier qu'elles ne dissimulent rien dans leurs cavités corporelles", déclare-t-il.
Le droit des femmes à avoir des enfants est également nié, car les avortements forcés sont courants dans ces centres de détention, dénonce le rapport de Daniel Collinge, qu'ils soient provoqués par une opération ou un passage à tabac. De fait, d’après plusieurs témoignages, les gardiens de prison ont cherché à faire avorter des détenues, en les battant ou en leur imposant des travaux forcés. : "Deux femmes enceintes de trois et cinq mois ont reçu de violents coups de pied pour s'assurer qu'elles perdraient leur bébé", raconte une femme.
Les viols aussi, sont répandus, d'autant que les détenues sont soumises à la nudité forcée et à des fouilles corporelles invasives. Certaines femmes témoignent avoir subi des violences sexuelles par des gardiens de prison ou avoir vu d'autres détenues en être victimes, relate Daniel Collinge. Mais aucune n'ose s'en plaindre pour ne pas risquer d'être punie.
Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits humains, a réagi à ce rapport : "Il est déchirant de lire ces histoires de femmes qui ont fui leur pays en cherchant à subvenir à leurs besoins, mais qui ont fini par être punies. Ce sont des femmes qui ont souvent été victimes d'exploitation et de la traite humaine et qui devraient être prises en charge, et non détenues et soumises à de nouvelles violations des droits humains... Ces femmes ont droit à la justice, à la vérité et à des réparations".
From forced abortions to sexual violence: Women in North Korea subjected to ‘heartbreaking’ human rights violations in jail https://t.co/mHTy1sVe3H @mbachelet @UNHumanRights
— Maya Oppenheim (@MayaOppenheim) July 31, 2020
Alors que les Nations unies dénoncent la pratique de la torture et des meurtres extrajudiciaires, ou encore l'existence de camps d'internement en Corée du Nord, Pyongyang balaye ces accusations de violation des droits humains en les qualifiant de propagande de la communauté internationale.