Fil d'Ariane
« La ménopause, c’est une loterie : tu peux piger 2 symptômes, 10 symptômes ou le jack pot : moi j’ai pigé le jack pot !» déclare d’entrée de jeu Véronique Cloutier dans le premier épisode de son documentaire. Le jack pot, c'est sûr car elle, elle a tout eu : bouffées de chaleur, insomnies, démangeaisons de la peau, sécheresse vaginale, perte de libido, troubles digestifs, irritabilité, tristesse, état dépressif, perte de cheveux, rétention d’eau… alouette ! Tout a commencé il y a sept ans. Et à cause de tout ça, elle a même failli divorcer au moins trois fois. Ce qui l’a sauvée, au bout du compte, c’est l’hormonothérapie bio-identique, un traitement qu’elle suit depuis deux ans mais qui est encore peu connu et qui surtout, n’est pas remboursé par le régime d’assurance-santé du Québec.
L’animatrice, très aimée du public québécois, a donc voulu faire le tour de ce dossier encore tabou, trop souvent pris à la légère voire sous l’angle de railleries déplacées à tendance machiste. Plusieurs femmes confient leur expérience et deux médecins spécialistes des hormonothérapies donnent leur point de vue. L'occasion de mesurer à quel point la communauté médicale manque de formation et d’informations par rapport à la ménopause et la périménopause, c'est ainsi qu'on définit l'avant, le pendant et l'après-ménopause, une période qui peut durer plusieurs années.
Toutes racontent à quel point la périménopause les a transformées, tant physiquement que mentalement, et comment ces bouleversements hormonaux sont allés jusqu’à les faire devenir une autre femme. « Je déteste celle que je deviens » dit Véronique Cloutier. La comédienne Hélène Bourgeois-Leclerc ajoute qu’elle n’est plus capable de se gérer : « Je me suis mis à me sentir à côté de mes pompes, à côté de moi-même ». Une autre femme, qui était pimpante de santé, s’est transformée en véritable zombie, et a été traversée d'idées suicidaires sous l’effet de la périménopause, alors qu'elle était à peine quarantenaire. Les exemples ne manquent pas.
Le documentaire se penche aussi sur l’impact de ces transformations sur les proches de ces femmes, avec, en première ligne, leurs conjoints quand elles en ont un. Louis Morissette, le mari de Véronique Cloutier, qu’elle qualifie d’ailleurs de « petit mari patient », témoigne : il raconte comment les dernières années ont été difficiles auprès de sa femme avec ses sautes d’humeur, son irritabilité et son impatience.
Une psychologue spécialisée dans les thérapies de couple estime pour sa part, sur la base de sa pratique, que la périménopause peut expliquer environ une séparation sur deux. Le documentaire explique donc l’importance du soutien du conjoint dans cette étape délicate pour la femme : « Finalement la prescription pour tous, c’est patience, bienveillance et compréhension » explique Véronique Cloutier. Quand on est en couple et qu’on vit cela, il faut jouer en équipe pour passer à travers. « Ça prend un village pour s’occuper d’une périménopausée » croit de son côté Marie-Soleil Michon, une amie de l’animatrice.
Il reste que pour beaucoup de ces femmes qui subissent un ou plusieurs symptômes de la périménopause et de la ménopause, le recours à l’hormonothérapie peut s'avérer plus qu'indispensable voire nécessaire. Pour la Dre Lyne Desautels, médecin de famille spécialisée en hormonothérapie bio-identique, il est criminel de ne pas regarder ces symptômes comme un déséquilibre hormonal : « Il faut aider ces femmes, arrêter de leur dire : ben voyons donc, c’est dans ta tête ». Elle déplore le manque de formation et la méconnaissance généralisée des hormones féminines au sein de la communauté médicale. Un avis que partage la docteure Sylvie Demers, une autre spécialiste en hormonothérapie bio-identique : « Les hormones féminines sont des hormones qui sont sous-estimées en médecine » dit-elle.
Souvent les gynécologues les regardent sous l’angle de la reproduction, et c’est là l’erreur, dit la Dre Demers, car elles jouent des rôles importants dans l’ensemble de notre organisme, le système digestif, la bonne santé de nos articulations, le bien-être mental etc. Les médecins doivent avoir une vue d’ensemble, estime-t-elle : « Les médecins de famille doivent être des leaders en hormonothérapie parce que ce sont eux qui voient les patients pour toute sorte de problèmes ».
Par exemple, combien de femmes, dans la quarantaine ou cinquantaine, se sentant déprimées, vont voir leur médecin et ressortent de leur cabinet avec une ordonnance d’antidépresseurs alors que le vrai problème est plutôt un débalancement hormonal causé par la périménopause et non une dépression ? Et la Dre Demers de s’indigner : « On est dans un système d’aliénation, les femmes sont convaincues que leurs hormones, c’est normal qu’elles leur donnent du trouble ».
En plus de l’hormonothérapie classique, les femmes ont maintenant accès à des traitements avec des hormones bio-identiques, soit des hormones identiques aux hormones des femmes. Mais au Québec, ces traitements d’hormonothérapie bio-identique ne sont pas remboursés par l’assurance santé -ils le sont en France- alors que ceux de l’hormonothérapie classique le sont.
« Ce qui est dommage c’est qu’on soit obligée d’être au privé pour offrir ce genre de traitement et possibilités de traitement à nos femmes. Je souhaite ardemment que les modèles de santé au Québec changent, mais il faut surtout reconnaître que cette forme de thérapie est essentielle, essentielle à ce que les femmes vieillissent en santé » dit la Dre Lyne Desautels. Elle souhaite que ce traitement se généralise dans le système public québécois car pour l’instant, il est surtout offert en pratique privée… donc les femmes doivent payer le médecin et la médication pour en profiter. En France, ces traitements sont couverts par le régime de santé s’ils sont prescrits par un médecin.
Plusieurs études indiquent les bienfaits de l’hormonothérapie bio-identique sur la santé des femmes : elle a une incidence importante sur l’espérance de vie des femmes qui la suivent quand elle est commencée avant 60 ans ou à moins de 10 ans du début de la ménopause, avec une diminution de la mortalité de 30 à 39%. Ces études indiquent également que ces hormones bio-identiques n’augmentent pas les risques associés à l’hormonothérapie classique (incidence possible sur le cancer du sein mais aussi sur les maladies cardio-vasculaires et les risques de thrombose).
Depuis sa mise en ligne le 21 juin dernier, le documentaire « Loto-Méno » a fracassé les records de visionnement de la plateforme TOUT.TV depuis sa création en 2014, ce qui est bien la preuve que cette question de la ménopause intéresse bien des femmes.
Le documentaire se conclut par le lancement d’une pétition en ligne, pilotée par la Dre Sylvie Demers, pour demander au gouvernement québécois de rendre accessible gratuitement et universellement aux Québécoises les traitements d’hormonothérapie bio-identique au même titre que ceux de l’hormonothérapie classique. Ces hormones bio-identiques coûtent entre 50 et 90 dollars par mois.
« L’idée c’est que les femmes aient le choix, mais en ce moment, on n’a pas le choix » dit Veronique Cloutier. « Les femmes, il faut se battre pour avoir une hormonothérapie la plus sécuritaire possible » précise la Dre Demers qui n’en est pas à son premier coup d’essai auprès du gouvernement québécois afin de rendre accessible les hormones bio-identiques. Mais jusqu’à maintenant, aucune de ses démarches n’a abouti. La Dre Demers espère donc que cette fois-ci sera la bonne… Depuis la mise en ligne du documentaire, le 21 juin dernier, plus de 110 000 personnes ont signé cette pétition en ligne.