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Les accusations sont sévères. Et relancent la polémique autour de la «culture du viol» qui prévaudrait sur les campus américains. Après avoir été au cœur d’une controverse cet été, l’université de Standford est désormais dans le viseur du cabinet Equal Rights Advocates, qui a déposé plainte lundi devant une Cour de San Francisco. Elle est accusée de négligences répétées en ayant ignoré des plaintes de victimes d’agressions sexuelles et, pire, d’avoir laissé agir un «prédateur sexuel connu» pendant des années. En clair, d’avoir encouragé une certaine culture du viol, en fermant les yeux sur des pratiques condamnables.
Contactée, l’université de Stanford s’en défend. «Nous sommes en train de préparer notre réponse au tribunal, qui sera déposée ces prochains jours», commente le porte-parole Brad Hayward. Il n’en dira pas plus et renvoie à une déclaration écrite. L’université y stipule avoir de la «sympathie» pour la plaignante, précise disposer d’une équipe de soutien pour les victimes d’agressions sexuelles et prôner une tolérance zéro à l’égard de ces comportements, le «bien-être et la sécurité de tous nos étudiants étant la priorité de Stanford». Mais, poursuit le texte, «nous nous défendrons vigoureusement contre la plainte, car nous pensons que Stanford a agi avec une assiduité et compassion appropriées».
Les femmes n’auront pas un accès équitable à des études réussies tant que cette épidémie de violences sexuelles sur les campus ne prendra pas fin
Rebecca Peterson-Fisher, avocate
La plaignante a commencé à fréquenter un certain X fin 2013, sans connaître sa réputation de prédateur sexuel. C’est sur ce point qu’insiste la plainte: en agissant correctement, l’université aurait pu éviter de nouvelles agressions. Car la plaignante a été violentée en février 2014 pour avoir refusé une fellation à son petit ami. Son agresseur a tenté de la violer, dit-elle.
X sévissait depuis des années, avant que Stanford décide de le bannir du campus pendant dix ans, mesure qu’il n’a d’ailleurs pas respectée. Il a tout de même reçu ses diplômes, alors que ses victimes, traumatisées, peinent à reprendre le cours normal de leurs études. «Les femmes n’auront pas un accès équitable à des études réussies tant que cette épidémie de violences sexuelles sur les campus ne prendra pas fin», dénonce l’avocate Rebecca Peterson-Fisher, de Equal Rights Advocates.
En septembre 2010 déjà, X avait violemment frappé, puis étranglé une étudiante, parce qu’elle avait refusé de se donner à lui. Il l’a ensuite violée et lui a susurré à l’oreille: «Personne ne saura quand tu seras morte». En allant se plaindre à la direction de l’université, la jeune femme s’est entendu dire qu’elle l’avait peut-être un peu cherché en portant un pull laissant dévoiler une épaule nue. Un conseiller lui a même suggéré de «louer une voiture et d’aller faire un tour à la plage». Peu soutenue, elle a renoncé à porter plainte se contentant d’accepter une directive d’éloignement imposée à son agresseur. L’homme s’est montré violent avec d’autres étudiantes entre 2010 et 2015.
Cette affaire fait fortement écho à celle impliquant Brock Turner, une star de l’équipe de natation de la prestigieuse université californienne. Il a été condamné en juin à six mois de prison pour le viol, en janvier 2015, d’une jeune femme et deux autres agressions sexuelles. La légèreté de la peine avait scandalisé. La polémique a enflé le 2 septembre quand le jeune homme est sorti de prison, après seulement trois mois passés derrière les barreaux. Victimes de viols et militantes ont donné de la voix. Le juge Aaron Persky, ancien sportif de Stanford, a justifié la clémence de sa décision en soulignant «l’impact négatif» qu’une longue peine pourrait avoir sur la carrière du nageur.
La victime, 22 ans aux moments des faits, avait lu une lettre poignante de neuf pages devant le tribunal. La soirée avait été très alcoolisée. Sa consommation excessive lui a été reprochée. «Ce n’est pas l’alcool qui m’a déshabillée, pénétrée, qui a laissé le sol écorcher mon visage, mon corps presque nu […]. On était tous les deux soûls, la différence c’est que je n’ai pas enlevé ton pantalon et tes sous-vêtements, je ne t’ai pas touché de manière inappropriée et je ne me suis pas enfuie. Voilà la différence», a-t-elle lu.
A retrouver dans Terriennes :
> Viols sur les campus américains : les Etats-Unis en émoi après une agression à Stanford
La plainte déposée cette semaine contre Stanford remet en exergue la banalisation des agressions sexuelles sur les campus américains. Les chiffres sont effrayants. Selon une étude de l’Association américaine des universités, une femme sur cinq est agressée sexuellement pendant ses études. Cette même étude révèle que la moitié des athlètes universitaires sondés reconnaissent avoir forcé une partenaire à une relation sexuelle. Quand les auteurs sont des champions en devenir, vitrine de leur université, ils deviendraient vite intouchables. Equal Rights Advocates compte bien briser le tabou.
Avec le risque d’aller trop loin? En 2015, dix-neuf professeurs de droit d’Harvard ont, dans une lettre ouverte, dénoncé les dérives possibles, les accusés étant souvent d’abord considérés comme présumés coupables. Des universités ont d’ailleurs déjà dû verser des sommes importantes en dommages et intérêts pour avoir pris des mesures contre des étudiants soupçonnés d’agressions sexuelles. Ces derniers ont réussi à faire valoir qu’ils étaient eux-mêmes victimes de discrimination sexuelle en n’ayant pas droit à un «procès équitable».
Article original paru dans Le Temps et reproduit grâce à un partenariat.