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La première directive européenne contre les violences faites aux femmes devrait permettre de mieux lutter contre les mutilations génitales féminines, le mariage forcé et la divulgation d'images intimes. Mais pas contre le viol. Ce qui suscite l'indignation de nombreux eurodéputés qui parlent d'une "demi loi".
Le viol ne figure pas dans la directive européenne qui a pour mission d'harmoniser les lois en Europe contre les violences faites aux femmes. (Manifestation du 25 novembre 2023 à Paris.)
"Il est grand temps que les femmes jouissent de ce droit fondamental qu'est le droit d'être à l'abri de la violence", écrit Ursula von der Leyen sur X. La présidente de la Commission européenne s'est réjouie de l'accord intervenu le 6 février 2024, à l'issue de longs mois de négociations. Un texte qui permet, selon elle, de "garantir une même protection à toutes les femmes, dans tous les pays de l'UE, et dans le cyberespace".
L'Union européenne envoie un message clair indiquant qu'elle prend au sérieux la violence à l'égard des femmes. Frances Fitzgerald, eurodéputée irlandaise
Cette directive criminalise au niveau européen les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le partage non consenti d'images intimes, le cyberharcèlement, l'incitation à la haine ou à la violence en ligne. Ce qui ouvre la voie à des sanctions harmonisées au sein des 27 pays de l'UE. La législation contient aussi des dispositions destinées à protéger les victimes de violences et à leur assurer un meilleur accès à la justice.
"L'Union européenne envoie un message clair indiquant qu'elle prend au sérieux la violence à l'égard des femmes", estime l'eurodéputée irlandaise Frances Fitzgerald (PPE, démocrates-chrétiens), l'une des négociatrices du texte.
Ce texte a fait l'objet d'intenses discussions pendant des mois. La question du viol s'est avérée la plus controversée, en l'absence de consensus sur sa définition juridique. Le projet, tel que présenté le 8 mars 2022 par la Commission européenne, prévoyait dans son article 5 une définition du viol fondée sur l'absence de consentement.
Le Parlement européen et des pays comme la Belgique, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et la Suède étaient sur la même ligne. Mais une douzaine d’États membres, notamment la France, l'Allemagne et la Hongrie, étaient opposés à l'inclusion du viol dans la législation, estimant que l'UE n'a pas de compétence en la matière et que le texte risquait d'être retoqué par la justice européenne en cas de recours.
Les eurodéputés ont déploré que le viol n'ait pas été inclus dans la législation, en raison de l'opposition, pour des raisons juridiques, d'une partie des États membres. La présidente de la Commission européenne a exprimé sa "grande déception" que la question du viol ne soit pas couverte par cette "directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique".
L'eurodéputée française Nathalie Colin-Oesterlé (groupe PPE, démocrates-chrétiens) regrette que cette directive soit réduite à "une demi-loi".
C’est une honte pour notre pays, la France, et une défaite pour les droits des femmes en Europe. Raphaël Glucksmann, eurodéputé français
"C’est une honte pour notre pays, la France, et une défaite pour les droits des femmes en Europe", réagit de son côté l'eurodéputé français Raphaël Glucksmann (groupe Socialistes&démocrates).
Douze ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont récemment accusé les États membres opposés à une harmonisation européenne de la définition du viol de "se retrancher derrière des interprétations juridiques restrictives des compétences de l'UE".
La définition du viol diffère selon les pays de l'UE. La loi suédoise considère par exemple comme viol tout acte sexuel sans accord explicite.
En France, la loi définit ce crime comme une pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. Des voix s'élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition et y intégrer la notion de consentement, tandis que le gouvernement français fait valoir que la loi nationale est l'une des plus répressives en Europe.
Pour la France et l'Allemagne, ce crime n'a pas la dimension transfrontalière nécessaire pour pouvoir donner lieu à une harmonisation européenne. Ce que contestent le Parlement européen et la Commission, qui considèrent que le viol peut entrer dans le cadre de l'"exploitation sexuelle des femmes", qui fait partie des "eurocrimes".
Les tenants d'une définition commune du viol autour de la notion de consentement font aussi valoir qu'elle est conforme à la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, ratifiée par l'UE.
Les eurodéputés ont toutefois obtenu que le texte contienne une "obligation pour les Etats membres d'oeuvrer en faveur d'une culture du consentement, avec des campagnes de sensibilisation", a expliqué Frances Fitzgerald.
Le Parlement et le Conseil devront approuver formellement l'accord. Les États membres disposeront de trois ans pour mettre en œuvre cette directive.
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