Ma fille, tu ne finiras pas princesse !

Image
Ma fille, tu ne finiras pas princesse !
©Laurence DUTTON/AFP
Partager5 minutes de lecture
Des "métiers masculins", des "métiers féminins" ? Catherine Dufour en a assez de ces stéréotypes qui influencent les choix professionnels des jeunes filles. C'est pour leur tordre le cou que cette romancière vient d'écrire le "Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses". En France, quand on y regarde de plus près, encore peu de métiers sont vraiment mixtes.
Tous les métiers sont accessibles et possibles aux femmes. C'est le message de Catherine Dufour. Cette ingénieure en informatique et auteure de romans vient d'écrire le "Guide de métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses" (Fayard, 2014). Le titre est explicite. L'auteure cite 50 métiers jugés "masculins", c'est-à-dire autrefois ou encore dominés par les hommes. Parmi eux, "chef d'orchestre", "agent secret", "hackeuse", "mathématicienne", "chercheuse d'or", "cosmonaute", "femme d'affaire", "surfeuse", etc. Une diversité de métiers dangereux, passionnants, intéressants, controversés même, ou encore très rémunérateurs où des femmes y ont trouvé leur place, malgré les difficultés.

Ma fille, tu ne finiras pas princesse !
Les microbiologistes Mary Anning (à gauche) et Nicole le Douarin (à droite) ©Inserm
"Donner des modèles"

Pour cela, Catherine Dufour a déclaré vouloir "donner des modèles" aux jeunes filles. Contrairement aux idées reçues, dans ces professions, des femmes s'y sont illustrées brillamment en étant parfois même à l'avant-garde. C'est à partir de leur histoire à chacune d'entre elle que Catherine Dufour a élaboré ses "fiches pratiques". Classées par ordre alphabétique, les professions citées par l'auteure commencent par deux biographies : celle d'une femme d'autrefois et celle d'une femme d'aujourd'hui. Leur point commun ? Le talent. Elles ont excellé dans leur domaine. Par exemple : Mary Anning, grande paléontologue britannique du début du XIX°s. Des exemples qu'elle a voulu privilégier au profit d'informations pratiques à la fin des portraits. Courts et généralistes, les conseils donnés sont originaux, mais pointilleux. Par exemple : "rémunération", "expérience de vie", "études à suivre", "qualités à avoir".



Briser le cliché "Qu'est-ce que les femmes ont inventé?"

Au même titre que le "Dictionnaire universel des créatrices", le guide de Catherine Dufour instruit sur le nombre impressionnant de femmes dans l'histoire ayant excellé dans leur domaine : des scientifiques, des découvreuses, des romancières, des historiennes, etc. Des personnalités souvent oubliées des manuels d'enseignement scolaire. Et au-delà des métiers, on constate à travers le parcours de chacune de ces femmes, les nombreuses difficultés rencontrées par ces dernière. Certaines ont été évincées ou leurs découvertes volées par des hommes : la microbiologiste, Rosalind Franklin, auteure de la première photographie d'un brin d'ADN. Un cliché présenté et volé par Watson qui reçoit le prix Nobel. Ou bien, elles subissent le machisme ambiant ou les jalousies suscitées par les hommes voire par les femmes de leur temps. C'est le cas pour la peintre Elisabeth Vigée-Lebrun. Leurs armes face à cela : leur talent, leur passion, leur persévérance et leur … humilité.

Ma fille, tu ne finiras pas princesse !
(De gauche à droite) Gabrielle Petit, espionne belge et Joanna Rutkowska, hackeuse. Source : eecue
Femme aussi "tortionnaire", "mafieuse" ou "agent secret"

L'ouvrage fait preuve aussi d'honnêteté. Les femmes citées n'ont pas toutes fait des choses remarquables. Et ça, l'auteure le souligne. Certaines ont exercé des "métiers" controversés voire dangereux. Exemple : tortionnaire. "90% des faits de grande criminalité sont commis par des hommes. Ce qui laisse quand même aux femmes 10% de la violence la plus noire, souligne dans son ouvrage Catherine Dufour qui ne veut pas tomber dans la caricature de la femme vertueuse. Il peut paraître nécessaire de jeter un œil dans cette fosse puisque, avec un peu d'entraînement et les circonstances adéquates, nous pouvons toutes tomber dedans". Dans l'Histoire, l'auteure cite Irma Grese, gardienne SS dans les camps de concentration nazis en Allemagne et connue pour son comportement particulièrement cruel à l'égard des prisonniers.

Honnêteté aussi vis à vis à de la réalité de certains métiers comme celui d'agent secret. Catherine Dufour cite le cas de Gabrielle Petit, espionne belge qui a fini par être fusillée en 1916 à l'âge de 23 ans. "Elle n'a pas parlé", écrit-elle. Catherine Dufour cite aussi Alice Legoff (le nom a été changé), française qui a travaillé plusieurs années à la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) avant de changer complètement de métier pour des raisons éthiques : "pour travailler là bas, il faut quand même assumer qu'on tire sur des cibles, que toi, tu désignes. Tu fais partie de cette énorme machine de guerre", raconte-t-elle à Catherine Dufour.



17% des métiers complètement mixtes

Le but de ces histoires : casser les stéréotypes qui continuent de restreindre le choix professionnel des jeunes filles. Car, en France, seul 17% des métiers sont complètement mixtes, selon le rapport du gouvernement français "Lutter contre les stéréotypes filles-garçons". Plusieurs raisons sont avancées dans cette enquête. Malgré des meilleures réussites scolaires que les garçons, les filles choisissent en général des filières moins sélectives et moins valorisées. Six filles sur dix se dirigent vers une filière Scientifique, contre huit garçons sur dix pour la même voie.

Cette forme de "ségrégation" professionnelle en fonction du sexe est plus visible dans l'enseignement professionnel proposé après la classe de troisième. Parmi eux, des CAP ou BEP garagiste, peintre en bâtiment, maçon, carrosserie, coiffure-esthétique, secrétariat, où moins de 30% des élèves sont de l'autre sexe. Quelques-unes de ces professions sont citées à la fin du guide. Catherine Dufour a voulu ainsi prouver aux femmes qu'elles peuvent exercer tous les métiers ou presque. Car, certaines professions restent encore fermées aux femmes comme celui de sous-marinier.

 

“J'espère vraiment leur donner des modèles car les femmes que je cite font quelque chose qui les passionnent et qu'elles arrivent à en vivre“

17.03.2014


Combattre les stéréotypes, un autre livre

Combattre les stéréotypes, un autre livre
Elise Eliot, neurobiologiste américaine, démontre dans son livre, que les cerveaux des filles et celui des garçons présentent très peu de différences sur le plan biologique. En terme d'aptitudes, les différences se feraient au sein d'un même sexe.

ELIOT, Elise, Cerveau rose, cerveau bleu. Les neurones ont-ils un sexe ?, Robert Laffont, 2011, Paris.