A Madagascar, une journaliste arrêtée pour avoir critiqué la gestion de la crise du Covid-19

Pour avoir interpellé le président malgache sans mâcher ses mots pour sa gestion de l'épidémie de Covid-19, la journaliste Arphine Rahelisoa a été placée en détention. C'est la première fois qu'une femme journaliste est arrêtée à Madagascar. Depuis, les appels à sa libération fusent.
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carte de presse arphine
Carte de presse 2019 d'Arphine Rahelisoa, journaliste au Ny Valosoa, à Madagascar.
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Arphine Rahelisoa est directrice de la publication du trihebdomadaire Ny Valosoa et administratrice de la page Facebook du journal ; elle est aussi une proche du chef de l'opposition Marc Ravalomanana. S'il n'est plus diffusé en version papier depuis le début de l'épidémie, le journal continue à paraître en ligne. Et il n'a pas pris de gants pour mettre en cause la gestion de la crise sanitaire par le président en titrant : "Covid-19, confinement, Andry Rajoelina, assassin".
 

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L'un des pays les plus pauvres de la planète, Madagascar recense officiellement, au dernier bilan, 93 personnes contaminées sur son territoire, dont 80 % dans la capitale, mais aucun décès. Andry Rajoelina a ordonné le confinement de la population des deux principales villes du pays, Antananarivo et Toamasina. Une consigne qui n'est pas respectée par de nombreux habitants, contraints de travailler pour assurer leur survie quotidienne. Quant à ceux qui ne peuvent plus travailler, ils prennent la route de l'exode. Les autorités sont dépassées.

Un chaos sanitaire dans lequel florissent toutes sortes de trafics, à commencer par celui de la chloroquine, comme le montre ce reportage :

Arphine Rahelisoa en détention

Après ces mots durs de son journal à l'égard pouvoir et du président, Arphine Rahelisoa a été placée en détention à la maison d'arrêt d'Antanimora, à Antananarivo, la capitale malgache. Chefs d'accusation : diffamation, propagation de fausses nouvelles et incitation à la haine contre le pouvoir.
 
Une femme journaliste jetée en prison... de mémoire, c'est une première dans l'histoire de la presse malgache.
Gérard Rakotonirina, président de l'ordre des journalistes malgaches

C'est le président de l'ordre des journalistes de la Grande île, Gérard Rakotonirina, qui l'a annoncé : "Une femme journaliste jetée en prison... de mémoire, c'est une première dans l'histoire de la presse malgache". L’Union internationale de la presse francophone (UPF), section Madagascar, ne cache pas ses inquiétudes face à la manière dont la justice malgache a tranché l’affaire : "Le Parquet a choisi d’appliquer les dispositions du code pénal (article 91 alinéa 3) pour qualifier l’infraction et pour poursuivre la journaliste, et donc de délivrer un mandat de dépôt le samedi 4 avril, sans possibilité de connaître la date du procès", s'inquiète l'association dans un communiqué publié conjointement avec l’association des femmes journalistes de Madagascar (AFJM) le 5 avril.

Selon l’association des femmes journalistes de Madagascar (AFJM) : "La loi sur la communication médiatisée a consacré la dépénalisation des délits de presse, si délit il y a, à l’égard des journalistes ; Arphine Rahelisoa fait partie des journalistes membres de l’association et la détention provisoire ne doit pas être généralisée, surtout à l’encontre de journalistes et dans l’état d’urgence sanitaire actuel." Dans la foulée, ajoute l'UPF Madagascar, "le législateur a également abrogé les dispositions de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité qui prévoyaient des peines de prison pour les délits de diffamation et d’injure".

A cet égard, la section malgache de l'Union internationale de la presse francophone a dû souligner le statut professionnel d'Arphine Rahelisoa - une des pommes de discorde entre le ministère de la Culture et de la Communication et l’Ordre des journalistes de Madagascar, qui questionne la carte professionnelle d'Arphine Rahelisoa.

La dernière mise en détention de journaliste à Madagascar remonte en 2015.