Fil d'Ariane
Née Marie Jana Korbelova à Prague le 15 mai 1937, Madeleine Albright, enfant d’une Europe déchirée par la guerre, est contrainte avec sa famille de fuir son foyer à plusieurs reprises.
«Lorsque la fin de la guerre froide a inauguré une nouvelle ère d’interdépendance mondiale, elle est devenue la voix de l’Amérique à l’ONU, puis a pris la barre au Département d’Etat, où elle était une force passionnée pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme», a poursuivi Bill Clinton.
Thank you Secretary @Madeleine Albright for your incredible lifetime of leadership and public service.
— Clinton Foundation (@ClintonFdn) March 23, 2022
In 2020, we honored her with the @ClintonGlobal Citizen Award for her work advancing peace, partnership, and global prosperity: pic.twitter.com/DV1WfO4EbG
Des études brillantes, dont elle a réalisé une partie en Suisse, et sa forte personnalité ont permis à cette polyglotte d’accéder aux hautes marches du pouvoir.
Surnommée comme Margaret Thatcher «la dame de fer», elle s’est «interdit tout signe de faiblesse pour ne pas conforter les préjugés sur le sexe faible», n’a «jamais pleuré, par exemple, alors que les hommes d’aujourd’hui ont le droit de le faire», illustre l’AFP.
Elle n’admettait aucune barrière aux ambitions féminines. «Albright était une championne des droits des femmes à l’échelle internationale et une ardente défenseure des femmes démocrates dans la politique américaine. Elle a lancé cette phrase célèbre selon laquelle 'il y a une place spéciale en enfer pour les femmes qui n’aident pas les autres femmes'», détaille le magazine Time.
From Kabul to Kyiv and beyond, women and girls are on the front lines in the struggle for freedom and human dignity. On this #InternationalWomensDay my heart is with all those fighting for a better, peaceful and more equal future. #IWD2022
— Madeleine Albright (@madeleine) March 8, 2022
[De Kaboul à Kiev, et au-delà, les femmes et les filles sont en première ligne dans la lutte pour la liberté et la dignité humaine. En cette journée internationale des droits des femmes, je suis de tout coeur avec toutes celles et ceux qui luttent pour un avenir meilleur, pacifique et plus égalitaire. ]
Son parler était franc. Une honnêteté de rigueur pour cette voix d’une Amérique en transition, au lendemain de la guerre froide et à la veille d’un nouvel ordre mondial déclenché après les attentats du 11 septembre.
En 1997, la secrétaire d’Etat rencontre Yasser Arafat, chef de l’autorité palestinienne, à Genève. En marge de cet échange, Madeleine Albright n’avait pas manqué de rappeler à la Suisse son rôle lors de la seconde guerre mondiale. Le pays devait, selon elle, «assumer toute la responsabilité de ses erreurs passées». Elle avait notamment dénoncé «la politique de la BNS qui a permis à l’Allemagne de soutenir son effort de guerre», rapportaient le Journal de Genève et la Gazette de Lausanne.
«C’était une immigrée qui fuyait la persécution. Une réfugiée qui avait besoin d’un abri. Et comme tant d’autres avant et après elle, elle était fièrement Américaine», a salué le président Joe Biden, en rendant hommage à «sa vive intelligence et son esprit perçant».
C’est cet esprit perçant qui la conduira, sans doute, à redoubler d’efforts pour mettre fin à la violence dans les Balkans. «Elle a joué un rôle crucial en poussant Clinton à intervenir au Kosovo en 1999 pour empêcher un génocide contre les musulmans par l’ancien dirigeant serbe Slobodan Milosevic. Elle était hantée par l’échec antérieur de l’administration Clinton à mettre fin au génocide en Bosnie», rappelle CNN avant de partager l’un de ses grands regrets: l’inaction américaine face au génocide des Tutsis au Rwanda.
Son engagement politique et ses convictions étaient sans relâche. A tel point qu’en 2017, la première diplomate américaine s’est dit prête à se faire enregistrer, par solidarité, comme musulmane à l’annonce d’un décret du président Donald Trump contre l’entrée aux Etats-Unis des ressortissants de certains pays à majorité musulmane.
Plus récemment, tandis que les rumeurs sur une invasion de l’Ukraine enflaient, elle signait une tribune dans le New York Times, évoquant «une erreur historique» de Vladimir Poutine. «Jusqu’à la fin de sa vie, Albright a tiré la sonnette d’alarme sur les intentions […] de Poutine et elle a prédit le désastre stratégique et la résistance sanglante auxquels il serait confronté s’il envahissait l’Ukraine», analyse CNN. «Madeleine Albright est décédée au moment même où les forces historiques meurtrières qu’elle avait passé sa carrière à tenter de réprimer font à nouveau rage en Europe, déchaînées par un ennemi juré […] dont elle avait toujours averti qu’il constituait une grave menace pour la paix», conclut le média américain.
«L'Ukraine a droit à sa souveraineté quels que soient ses voisins. A l'ère moderne, les grands pays doivent l'accepter et Vladimir Poutine aussi», écrivait-elle sur son compte twitter un jour avant que ne débute la guerre, un mois jour pour jour avant sa mort.
Ukraine is entitled to its sovereignty, no matter who its neighbors happen to be. In the modern era, great countries accept that, and so must Vladimir Putin.
— Madeleine Albright (@madeleine) February 23, 2022
I write about the current crisis and my earliest encounters with Putin in today’s @nytimes https://t.co/FMYfNbfAhP