C'est une petite fille une rareté dans la bd, surtout à l'époque. Elle est féministe Mafalda ? Tout à fait ! Elle va voir sa mère et elle lui dit : "tu as passé des diplômes, mais pourquoi faire ? La mère répond : j'ai eu un enfant, etc. Alors Mafalda lui lance : mais tu as gâché ta vie parce que tu as eu des diplômes qui ne servent à rien !" Mafalda ce qu'elle veut c'est devenir interprète à l'ONU et changer les rapports entre les gens qui se battent et leur transformer leurs mots pour réaliser la paix. Elle se donne une mission pour améliorer le monde. Elle monte sur sa petite chaise et elle dit : "Je fais un appel à la paix mondiale. Comme le pape, comme les Nations unies. Ca ne sert à rien, mais on se sent mieux."
Quand elle joue à former un gouvernement avec ses copains, elle veut toujours être la présidente.
Mais elle n'arrive pas à convaincre Suzanita de changer, sa copine que ne pense qu'à devenir femme et mère au foyer… Ahhh Suzanita, elle représente la bourgeoisie un peu bête. Elle dit : "je ne comprends pas pourquoi ici les ouvriers sont sales et méchants, alors qu'aux Etats Unis, ils sont blonds aux yeux bleus…" Il y a plusieurs personnages intéressants autour de Mafalda, le rêveur Felipe, un autre qui ne pense qu'à l'argent, le capitaliste de la bande Manolito, Miguelito l'anarchiste critique, ou Liberté, la gauchiste très petite en taille - "aussi petite que le niveau de vie, ou encore la tortue Bureaucratie, un condensé de toutes les composantes de la société argentine, en particulier de sa classe moyenne, "moyennement riche ou moyennement pauvre ?" comme s'interroge Mafalda.
Elle est chef de bande, et pourtant il n'y a pas de macho autour d'elle… A l'envers de l'Argentine, non ? Les femmes ont manqué à certains moments de l'immigration en Argentine. C'est même pour ça par exemple que le tango au début se danse entre hommes. Ensuite, les femmes en Argentine ont quand même joué des rôles importants, comme Evita Peron par exemple…
C'est vrai que chez Mafalda, le père est doux, il cultive des plantes, la mère est femme au foyer, et voilà qu'il leur est arrivé une petite fille complètement révoltée. Mafalda vient voir son père et elle lui demande de lui expliquer ce que c'est que la philosophie. Le lendemain ses copains lui demandent ce qu'il lui a répondu. Elle leur montre qu'il est toujours plongé dans les livres. Alors pour le soulager, elle lui propose : "bon Papa, raconte moi la philosophie mais sans les parties pornographiques…"
Et 50 ans après ?Elle n'a pas pris une ride. Je relis toujours Mafalda. Et j'ai toujours des réflexions mafaldesques pour tous les instants de la vie. Et ce pauvre Quino a vraiment souffert avec Mafalda, il le raconte, ce n'était pas très enrichissant au niveau du dessin et tous les jours il lui fallait trouver une idée… Cela l'a même conduit au bord du divorce… Mais le monde entier s'est accaparé Mafalda, découpait pour les garder ses histoires comme en Argentine, les coller à la devanture des banques ou des magasins, chacun-e s'y retrouvait. Quino n'a jamais eu d'enfant, mais il a enfanté Mafalda, devenue la petite fille de tous les Argentins, et même de tous les humains. Aussi universelle que l'est devenu le tango.