Mahsa Amini, deux ans après sa mort : "Plus rien ne sera comme avant"

En mémoire de Mahsa Amini, elles - et ils- ont été des milliers à défier le pouvoir iranien dans la rue, pendant des mois, pour dénoncer le port obligatoire du voile et le conservatisme religieux. La répression a fait au moins 551 morts et des milliers de personnes ont été jetées en prison, selon des ONG de défense des droits humains.

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Manif Rome Amini

En mémoire de Mahsa Amini, des personnes participent à un rassemblement dans le centre de Rome, le samedi 29 octobre 2022.

©Photo AP/Gregorio Borgia
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C'est depuis la prison d'Evin, près de Téhéran où elle est détenue depuis novembre 2021, que Narges Mohammadi a lancé ce message au monde, pour dire que le combat continue et qu'on n'oublie pas Mahsa Amini. 

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Plus rien ne sera comme avant. Nous sentons qu'un changement est en cours, dans les moeurs, dans la vie de toute la société. Narges Mohammedi, Prix Nobel de la paix 2023

"Plus rien ne sera comme avant. Nous sentons qu'un changement est en cours, dans les moeurs, dans la vie de toute la société. Un changement qui n'a certes pas encore sonné la fin du régime islamique mais qui a dorénavant ébranlé les fondements de son despotisme religieux", écrit depuis sa cellule la Prix Nobel de la Paix dans une lettre lue dans les médias. L'avocate annonce aussi l'entrée en grève de la faim de 34 prisonnières pour "vaincre le despotisme théocratique" et "les politiques oppressives du gouvernement".

"J'appelle les institutions internationales et les peuples à agir. J'exhorte les Nations unies à sortir de leur silence et de leur inaction face à l'oppression dévastatrice et la discrimination perpétrées par les gouvernements théocratiques et autoritaires contre les femmes, en criminalisant l'apartheid de genre", a ajouté la militante, aujourd'hui âgée de 52 ans, qui a passé une large part de la dernière décennie en prison.

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(Re)lire : La militante iranienne Narges Mohammadi prix Nobel de la paix 2023

Une révolte sourde

Exécutions à grande échelle, impunité pour les auteurs, persécution des proches endeuillés : le bilan est sombre, deux ans après une révolte populaire dont beaucoup espéraient qu'elle marquerait un tournant dans l'histoire de la République islamique. Néammoins, qu'ils se trouvent en exil ou derrière les barreaux, les militants antirégime veulent croire que le mouvement de contestation né après la mort de la jeune femme de 22 ans  -  arrêtée en septembre 2022 pour ne pas avoir respecté le strict code vestimentaire islamique - n'aura pas été vain.

(Re)lire : Iran : des fidèles se rassemblent sur la tombe de Mahsa Amini, malgré les menaces

Si les protestations sont aujourd'hui limitées et sporadiques, le pouvoir les écrase toujours aussi méthodiquement : l'Iran a exécuté dix hommes condamnés à la peine capitale dans des affaires liées au mouvement, dont le dernier, Gholamreza Rasaei, 34 ans, a été pendu en août, quelques jours après la prise de fonctions du nouveau président, Massoud Pezeshkian. 

Les groupes de défense des droits humains dénoncent aussi la multiplication des exécutions pour tous types d'infractions, destinées à créer la peur et dissuader les opposants de toute velléité contestataire.

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Une répression brutale

Selon l'organisation Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, au moins 402 personnes ont été exécutées au cours des huit premiers mois de l'année. 

Les proches de dizaines de personnes tuées, exécutées ou emprisonnées pendant les manifestations, ont été menacés, harcelés, voire eux-mêmes arrêtés sur la base de fausses accusations, dénonce de son côté Human Rights Watch (HRW), 

Les autorités iraniennes brutalisent les gens deux fois : elles exécutent ou tuent un membre de leur famille, puis arrêtent leurs proches pour avoir demandé des compte. Nahid Naghshbandi, chercheuse sur l'Iran 

"Les autorités iraniennes brutalisent les gens deux fois : elles exécutent ou tuent un membre de leur famille, puis arrêtent leurs proches pour avoir demandé des comptes", déplore Nahid Naghshbandi, chercheuse sur l'Iran à HRW.

Les autorités iraniennes continuent de réprimer les femmes, deux ans après les manifestations nationales pour la liberté de la vie des femmes, écrit Amnesty International sur X. "Les autorités iraniennes ont passé les deux dernières années à mener une campagne de propagande de déni et de distorsion", selon Diana Eltahawy, d'Amnesty, "D'innombrables personnes en Iran continuent de subir les conséquences de la répression brutale des autorités".

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"Culture de la chasteté et du hijab"

Pendant ce temps, les autorités s'acharnent à faire respecter la réglementation sur le port obligatoire du hijab, dont l'abolition était une revendication-clef des manifestants. Des experts onusiens accusent l'Iran d'"intensifier" la répression contre les femmes, via notamment le recours récurrent à la violence, "coups" ou "gifles" en guise de sanctions.

Une augmentation visible des patrouilles à pied, à moto, en voiture et en fourgons de police dans les espaces publics. Amnesty International

Alors que jusqu'ici les véhicules personnels ont constituaient un espace sécurisé pour les Iraniennes, celles-ci sont désormais ciblées dans leurs voitures, souvent à l'aide de technologies de reconnaissance.

Amnesty note une "augmentation visible des patrouilles à pied, à moto, en voiture et en fourgons de police dans les espaces publics". Pour renforcer ce dispositif, le Parlement devrait adopter sous peu un projet de loi visant à "soutenir la culture de la chasteté et du hijab". 

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La contestation des femmes

Une mission d'enquête de l'ONU a conclu en mars 2024 que la répression des manifestations par les autorités équivalait à des "crimes contre l'humanité", mais aucun responsable n'a jamais eu à rendre de comptes.

De nombreuses jeunes femmes restent contestataires.  Roya Boroumand, cofondatrice du Centre Abdorrahman Boroumand

"Deux ans après les manifestations, les dirigeants de la République islamique n'ont ni rétabli le statu quo ante ni retrouvé leur légitimité perdue", affirme Roya Boroumand, cofondatrice du Centre Abdorrahman Boroumand, basé aux Etats-Unis. Et "de nombreuses jeunes femmes restent contestataires", poursuit-elle.

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A Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à la veille du deuxième anniversaire de la mort de Mahsa Amini dans le centre de la ville pour apporter leur soutien à la société civile iranienne et au mouvement de protestation.

"Cela fait deux ans depuis le décès de #MahsaAmini. Depuis lors, les femmes en #Iran ont été victimes de nouvelles violences. Nous sommes aux côtés des femmes d’Iran, et des femmes du monde entier, dans leurs revendications légitimes d’être traitées sur un pied d’égalité et d’exercer leurs droits, y compris celui du choix vestimentaire". Voici un des nombreux messages d'espoir et de soutien postés sur les réseaux sociaux, comme ici celui d'ONU Femmes.

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