Maïmouna Ba, au nom des femmes et des enfants déplacés du Sahel

Maimouna Ba est une humanitaire et artisane de paix burkinabè. Elle est la fondatrice de Femmes pour la Dignité du Sahel. Comment agir pour la réconciliation ? Comment venir en aide aux plus vulnérables ? Des questions que nous avons pu lui poser lors de notre rencontre à l'occasion du Festival du film et forum international des droits humains à Genève. 

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Maimouna Ba, aider les femmes et les enfants du Sahel

Au sein de sa fondation "Maman sahélienne", Maimouna Ba, 29 ans, oeuvre à la réinsertion des femmes et des enfants déplacés de force au Burkina Faso. 

©Fondation "Maman sahélienne"
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A 29 ans, elle est une défenseuse infatigable des siens, consacrant tout son temps à venir en aide aux femmes et enfants déplacés de force au Burkina Faso, son pays. 

Née dans la région du Sahel, dans la communauté peule, Maimouna Ba appartient à la première génération de femmes de sa famille à accéder à une éducation formelle. Malgré les nombreux obstacles qu'elle a rencontrés, elle a poursuivi ses études et obtenu une licence en marketing et gestion. 

Maimouna Ba vit à Dori, une ville qui abrite aujourd’hui des milliers de civils contraints de fuir les exactions perpétrées par des groupes armés violents. Son engagement est né de la souffrance de sa famille qui, elle, a pu échapper au massacre de Yirgou qui a fait 210 morts en 2019.

"Maman sahélienne" : un pas vers l'autonomisation

Lors de la crise qu'a connue son pays en 2016, la jeune femme a commencé à aider les familles déplacées, fuyant la violence, en collectant des dons et des parrainages. Son engagement pour l'autonomisation des femmes et des enfants l'a amenée à cofonder, avec un groupe de jeunes femmes de la région, "Femmes pour la Dignité au Sahel", une organisation axée sur l'entrepreneuriat pour les femmes, la lutte contre les violences basées sur le genre et la promotion de la coexistence pacifique. 

Ensemble, elles éduquent les enfants touchés par les conflits, offrent un soutien psychologique, autonomisent les femmes grâce à des activités génératrices de revenus et garantissent l’accès aux soins de santé aux enfants et femmes enceintes. Le travail de cette militante de terrain a permis à plus de 400 femmes déplacées de force de devenir financièrement indépendantes et à plus d'une centaine d'enfants déplacés de force de retourner à l'école.

Retrouvez Maimouna Ba, invitée du JTA sur TV5monde

Un engagement reconnu à l'international

Maimouna Ba a été nommée "Lauréate Régionale 2024 pour l'Afrique" de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés. Ce prix reconnaît les individus et organisations qui font preuve d’un dévouement exceptionnel dans la protection des réfugiés, des personnes déplacées et apatrides. Son leadership et son engagement ont également été honorés lors du Sommet des Jeunes Activistes 2023 à Genève, dont elle a été l'une des cinq lauréates. Elle est depuis février 2025 membre du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE), le plus grand fonds mondial dédié à l'amélioration de l'éducation dans les pays à faible revenu. Son objectif est de garantir une éducation de qualité pour tous les enfants, en particulier les plus vulnérables.

Aujourd'hui, on la désigne par ce surnom affectueux de "Maman Sahélienne". C'est d'ailleurs ainsi qu'elle a baptisé sa fondation : "Maman sahélienne fondation", qui éduque et relève économiquement les femmes dans le besoin. 

Retrouvez toutes les informations du Festival international du film des droits humains 2025 sur le site officiel du FIFDH.

Entretien avec Maimouna Ba

Terriennes : d'où vient votre engagement ? 

Maimouna Ba : Cet engagement m'est venu, déjà, de la pleine conscience de ma propre réalité, une réalité qui était difficile, une réalité qui nécessitait qu'on ouvre les yeux. C'est la réalité de la pauvreté, c'est aussi la réalité des conflits. Et pour moi, lorsque les réponses qui sont apportées n'atteignent pas ou ne suffisent pas à contenir le niveau de souffrance des populations, c'est qu'il faut se questionner sur ses responsabilités. Et c'est de là que tout est parti. Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour contribuer au-delà de ma position d'observatrice, et le déclic est né et tout est parti de là.

Il y a effectivement le rôle qu'on joue en tant qu'épouse à la maison. Il y a aussi notre propre parcours de femme qui doit s'affirmer dans le milieu professionnel, à côté de ce parcours militant qui rend les choses beaucoup plus challengeantes. Maimouna Ba

Avez-vous dû affronter des difficultés en tant que femme ?

Alors, je ne ressens pas que c'est plus compliqué d'un point de vue communautaire. C'est vrai qu'il y a les pesanteurs socioculturelles qui ont toujours placé la femme dans un certain rôle, mais je me suis toujours sentie très accompagnée, autant par la communauté que par les différents acteurs qui interviennent sur le terrain. En tant que femme, lorsque j'ai commencé à militer, je n'ai pas senti que c'était beaucoup plus compliqué. Peut-être parce qu'il y avait un niveau de détermination et d'engagement, mais aussi parce que ma famille n'a opposé aucune résistance. J'ai toujours été quelqu'un de très sociable, et j'ai reçu beaucoup d'accompagnement d'amis, de particuliers, d'individus.

Après, il y a effectivement le rôle qu'on joue en tant qu'épouse à la maison. Il y a aussi notre propre parcours de femme qui doit s'affirmer dans le milieu professionnel, à côté de ce parcours militant qui rend les choses beaucoup plus challengeantes. Mais à part cela, je n'ai pas subi d'opposition frontale ou de rejet.

Quelles sont les actions que vous menez actuellement ?

Pour ces femmes et ces enfants qui sont déplacés, nous créons des initiatives de relèvement économique. Par exemple, un des projets qui est en cours et qui est soutenu par la Fondation Maman Sahélienne est une initiative née après la réception de la distinction Nansen de l'UNHCR, qui va créer une coopérative constituée de femmes déplacées internes, mais aussi de jeunes femmes issues de ma communauté sahélienne.

Dans dix ans, je me verrai au Burkina Faso, dans un Burkina Faso où la paix existe. Maimouna Ba

On va monter une entreprise et intervenir dans les domaines de l'agroalimentaire, du vestimentaire, de la beauté, de la cosmétique. L'idée, c'est d'arriver non seulement à créer des emplois, mais aussi pourvoir aux besoins de ces femmes qui seront membres des coopératives. Des centaines de femmes seront relevées économiquement grâce à cette initiative. Également, nous avons des programmes d'éducation comme Andal Woni Laawol Jam, dont le nom signifie "le savoir est le chemin de la paix". Nous scolarisons des enfants, nous leur offrons du soutien pour pouvoir continuer à aller à l'école et nous faisons le suivi pour garantir qu'ils restent effectivement à l'école et qu'ils continuent à bénéficier du savoir qu'offre l'éducation moderne. 

Dans dix ans, comment vous voyez-vous ? 

Dans dix ans, je me verrai au Burkina Faso, dans un Burkina Faso où la paix existe. Je me verrai, bien sûr, dans mes propres activités et en train de contempler les résultats de l'engagement des jeunes que nous allons impulser. Là, tout de suite, dans la fondation en train de poser les bases. Je me verrai comme quelqu'un de satisfait d'un parcours utile pour soi-même, pour sa communauté, qui est concentrée sur sa propre petite vie avec sa famille et ses enfants, et qui a réussi surtout le défi de la transmission de l'amour de l'engagement aux jeunes de 20 ans qui viendront dans dix ans.

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