Fil d'Ariane
Cela fait plus de dix ans que Malala Yousafzai sillonne la planète pour défendre l'éducation des filles. Cette fois, c'est chez elle, à Islamabad que la Prix Nobel de la Paix est venue plaider cette cause. Un passage rare au Pakistan pour la militante, à la fois admirée et controversée dans son pays.
Malala Youzafzai, à la fois icône et personnalité controversée au Pakistan, ici lors d'une conférence au Brésil en mai 2023.
"Les talibans ne considèrent pas les femmes comme des êtres humains", a dénoncé Malala Yousafzai. La militante était l'invitée d'honneur du sommet sur l'éducation des filles dans les communautés musulmanes, organisé pendant deux jours le week-end dernier à Islamabad, au Pakistan.
En Afghanistan, pays voisin du Pakistan, les filles et les femmes n'ont pas le droit d'aller à l'école secondaire ni à l'université, entre autres mesures liberticides imposées par les talibans depuis leur retour au pouvoir en 2021.
[Depuis que les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan en 2021, ils ont promulgué plus de 80 décrets qui oppriment systématiquement les femmes et les filles.]
A l'automne 2024, Malala Youzafzai a co-produit un documentaire sur l'enfermement des Afghanes, Bread and Roses, réalisé par la réalisatrice afghane en exil Sahra Mani.
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Malala Yousafzai est devenue en 2014 la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix attribué à l'âge de 17 ans. Deux ans plus tôt, elle subissait une attaque de la part de talibans pakistanais, furieux de publications en faveur de l'éducation diffusées sur son blog. Alors qu'elle rentrait de l'école à bord d'un bus, dans la vallée isolée de Swat près de la frontière avec l'Afghanistan, ils lui ont tiré une balle dans la tête. Evacuée puis hospitalisée au Royaume-Uni où elle vit désormais, elle n'est revenue que de rares fois dans son pays natal, toujours escortée.
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Sa visite à Islamabad intervient à un moment où l'éducation est particulièrement fragile dans la région : au Pakistan, 26 millions d'enfants sont déscolarisés, selon des chiffres officiels qui placent le pays parmi les plus durement touchés par le phénomène.
Le combat pour l'éducation ne peut être tu, que ce soit dans la vallée de Swat ou de l'autre côté de la frontière, en Afghanistan. Nighat Dad
"Sa présence au Pakistan en ce moment précis est un message pour ceux qui sont au pouvoir. Le combat pour l'éducation ne peut être tu, que ce soit dans la vallée de Swat ou de l'autre côté de la frontière, en Afghanistan", affirme Nighat Dad, militante pakistanaise (qui lutte contre le cyberharcèlement, ndlr). Son déplacement au Pakistan est "aussi un rappel du travail qu'il reste à accomplir", ajoute-t-elle.
Dans le discours prononcé devant des dizaines de représentants de pays musulmans, Malala Yousafzai a souligné qu'il restait "une énorme quantité de travail à réaliser pour que chaque Pakistanaise ait accès à l'éducation".
La pauvreté est la raison principale de la déscolarisation massive au Pakistan où, d'après la Banque mondiale, 40% des 240 millions d'habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Le phénomène est aggravé par des infrastructures inadaptées, le conservatisme mais aussi les impacts du changement climatique: il n'est pas rare que des écoles, peu équipées, ferment à cause de la pollution, de vagues de chaleur ou d'inondations.
Il est décourageant de voir que la situation est largement la même que lorsqu'elle est partie". Hadia Sajid, étudiante pakistanaise
"Il est décourageant de voir que la situation est largement la même que lorsqu'elle est partie", note Hadia Sajid, une étudiante de 22 ans ayant suivi la conférence de la militante. "Mais il y a eu quelques progrès marginaux, en grande partie du fait de l'impact des réseaux sociaux: il est devenu plus difficile de priver les filles de leurs droits", estime-t-elle.
Une fillette montre des affiches aux côtés de sa mère lors d'un rassemblement organisé par l'organisation socialiste-féministe « Women Democratic Front » à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, à Islamabad, au Pakistan, le vendredi 8 mars 2024.
Malala Yousafzai a créé en 2013 le fonds Malala avec son père, autrefois enseignant qui a bataillé contre les normes sociétales pour pousser sa fille en classe dans la vallée de Swat. Leur organisation a investi des millions de dollars pour sortir 120 millions de filles de la déscolarisation à travers le monde. Dans leur pays natal toutefois, les projets qu'ils soutiennent dans les zones rurales sont rarement connus.
Beaucoup la critiquent du fait de son absence du Pakistan. Sanam Maher, autrice
"Au Pakistan, Malala est un paradoxe", affirme Nighat Dad. "Ses réussites à l'échelle internationale sont indéniables mais les responsables et la société restent divisés, pris entre de l'admiration et de la méfiance". Pour Sanam Maher, auteure de plusieurs ouvrages sur des femmes pakistanaises, elle est une "figure controversée" : "beaucoup la critiquent du fait de son absence du Pakistan".
Malala Youzafzai, sur tapis rouge, est parfois critiquée pour sa présence dans les galas comme ici lors de la cérémonie des Oscars, en mars 2023, à Hollywood, Los Angeles (Etats-Unis).
Pour Hadia Sajid comme pour de nombreuses jeunes Pakistanaises, elle reste toutefois une "icône et une voix puissante en faveur de l'éducation des filles". "Elle a été confrontée à la violence, à la haine et aux critiques pour le simple fait de défendre", cette cause, déplore l'étudiante.
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