En avril 2012, les militaires maliens, alors au pouvoir, dénonçaient les crimes de guerre, parmi lesquels principalement des viols, commis par les rebelles dans le Nord du pays en guerre entre rebelles islamistes et touaregs d'un côté, forces armées de l'autre. "Les femmes et les filles sont enlevées puis violées par les nouveaux occupants qui y dictent leur loi",
disait le communiqué du ministère de la Défense.
L'organisation internationale humanitaire
Human Rights Watch publiait aussitôt après un rapport très sévère sur ces exactions perpétrées par des membres du MNLA (le mouvement indépendantiste touareg) : "Des victimes, des témoins et des membres des familles des victimes ont signalé à Human Rights Watch une vague d’enlèvements de femmes et de filles par les groupes armés." Un témoin raconte : "La mère s’est battue pour retenir sa fille, mais elle n’a pas pu. Ils ont traîné la jeune fille qui criait dans une maison voisine en construction… Deux d’entre eux se tenaient à l’extérieur comme s’ils montaient la garde tandis que l’autre la violait à l’intérieur. Puis ils ont échangé leur place jusqu’à ce que chacun d’entre eux soit allé à l’intérieur. Je ne peux pas vous dire à quel point c’était horrible, c’était affreux. Nous pouvions entendre ses pleurs. La mère s’est effondrée en sanglots sur le sol. Une fois qu’ils en ont fini avec elle, la mère s’est précipitée pour chercher sa fille."
En janvier 2013, la Cour pénale internationale ouvrait une enquête sur des crimes de guerre au Mali, meurtres, mutilations, pillages et viols… "Divers groupes armés ont semé la terreur et infligé des souffrances à la population par tout un éventail d'actes d'une extrême violence à tous les stades du conflit",
déclarait la procureure de la Cour, Fatou Bensouda. "Je suis parvenue à la conclusion que certains de ces actes de brutalité et de destruction pourraient constituer des crimes de guerre au regard du statut de Rome".
Pas de reconstruction sans justice
Plus de deux ans et demi après les faits, certaines des victimes ont osé sortir du silence et portent plainte pour crimes contre l'humanité (viols, prostitution forcée, esclavagisme). Plusieurs organisations se sont jointes à cet acte de justice, une justice sans laquelle le Mali ne pourra se reconstruire… Six organisations de la société civile se sont donc portées partie civile, parmi lesquelles l’association Wildaf qui défend les droits des femmes maliennes.
« Il s’agissait de viols collectifs de combattants qui venaient en ville et qui regardaient les femmes passer,
explique la présidente de l’association, Bintou Samaké. Ces femmes étaient enlevées puis emmenées dans des endroits souvent hors de la ville. Ou même les combattants venaient et rentraient dans les maisons. Je peux vous parler du cas d’une femme qui a été séquestrée pendant quinze jours à 15 kilomètres de Tombouctou. Et cette femme aujourd’hui a un enfant ».
Pour Maître Brahima Koné, coordinateur des avocats des victimes : « Ce sont des crimes imprescriptibles. Ça veut dire que quelque soit le temps que cela prendra, les auteurs de ces crimes répondront un jour devant la justice, nationale d’abord, si elle a la volonté et la capacité de les juger. Autrement, ces crimes seront portés devant la justice internationale ».
Le crime contre l'humanité apparut en 1945 lors des
procès de Nuremberg pour rendre imprescriptibles, partout dans le monde,les actes de génocide et barbarie commis contre les juifs, les tsiganes et d'autres groupes par les nazis. Il a ensuite été étendu à d'autres massacres tels que ceux du
Rwanda ou du
Cambodge...