Le dépistage généralisé du cancer du sein par la mammographie serait inefficace. C'est la conclusion d'une étude canadienne menée par le chercheur britannique
Anthony Miller et publiée sur le site internet du "
British Medical Journal". L'étude a été réalisée sur un échantillon de 89.835 canadiennes âgées de 40 à 59 ans, sur 25 ans (1980-2005).
L'étude a été menée de la manière suivante : la moitié des femmes suivies ont eu recours à une mammographie tous les ans pendant cinq ans, assortie d'un examen physique des seins. Les autres ont été soumises uniquement aux examens physiques (palpation). Les femmes ont été assignées dans ces deux groupes par tirage au sort.
Les résultats sont troublants. Dans les deux groupes, 500 et 505 décès ont été constatés, sur, respectivement, 3.250 et 3.133 femmes. Deux techniques de dépistage différentes aux effets quasi identiques. L'étude pointe aussi du doigt le surdiagnostic causé par la mammographie dans 22% des cas.
106 cancers du sein sans gravité ont été enregistrés au bout de seulement 15 ans d'étude dans le groupe ayant eu recours à la mammographie. Résultat : ces femmes ont reçu de lourds traitements alors que leur tumeur ne pouvait pas avoir d'impact sur leur vie. De plus, elles ont été exposées inutilement aux radiations, selon cette étude. Or, cette pratique est généralisée dans plusieurs pays au monde, en particulier occidentaux.
Dépistage systématique : sujet à controverse
En se fondant sur des études montrant une baisse de la mortalité, de nombreux pays occidentaux ont mis en place des programmes de dépistage organisé du cancer du sein. En France par exemple, le programme s'adresse à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans qui sont invitées à faire des mammographies tous les deux ans, prises en charge à 100% par l'Assurance maladie.
Mais d'autres études sont plus contradictoires : selon
une étude de la Collaboration Cochrane, publiée pour la première fois en 2000 et régulièrement réévaluée depuis, le taux de mortalité des femmes dépistées ne serait guère différent de celui des autres femmes. Une étude britannique publiée en 2012 avait au contraire estimé que le dépistage organisé du cancer du sein sauvait des vies mais entraînait un surdiagnostic estimé à près de 20%. Une autre
enquête britannique publiée la même année allait plus loin encore. Elle soulignait les risques de cancer du sein par la mammographie chez les femmes âgées de moins de 30 ans et prédisposées génétiquement à cette maladie.
S'exprimant en septembre dernier, le Dr Jérôme Viguier, le directeur du Pôle santé publique et soins de l'Institut national du cancer (INCa-France) avait pour sa part estimé que la controverse était "scientifiquement réglée". Il avait ajouté que selon les dernières études, les programmes de dépistage organisé avaient permis de réduire la mortalité par cancer du sein de 15 à 21% et d'éviter 150 à 300 décès pour 100.000 femmes participant de manière régulière au dépistage pendant 10 ans.
"Nos résultats rejoignent les vues de certains commentateurs qui estiment que les politiques de dépistage par mammographies devraient être revues" dans les pays développés, estiment les auteurs de l'étude canadienne. Mais selon eux, la chose ne sera pas facile "parce que les gouvernements, les organismes de financement de la recherche, les chercheurs et les médecins peuvent avoir intérêt à poursuivre des activités qui sont bien établies".