Fil d'Ariane
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"Moi, moi, moi..." était la devise de Maria Adriana Prolo selon Donata Pesenti Campagnoni, professeure d'histoire du cinéma et conservatrice du Musée national du cinéma de Turin. Comprendre une volonté de s'imposer, une pugnacité à toute épreuve, l'acceptation pleine et entière d'un caractère bien trempé : le sien.
Il faut dire que déjà petite, la gamine est à bonne école. Maria est née le 20 mai 1908.
Sa mère, à la tête d'un domaine viticole, encourage ses trois filles à faire des études, à pratiquer un sport et à cultiver leur curiosité dans tous les domaines.
Leur père, lui, les pousse à avoir un métier, tout simplement. Maria Adriana est la petite dernière. Elle acquiert son indépendance en calquant ses revendications sur l'exemple de ses deux aînées : l'une fera les Beaux-Arts, l'autre étudiera le piano.
Elle deviendra "une femme à 360 degrés," comme l'écrit joliment Lorenzo Ventavoli, président du Festival international du film de Turin. Mais Maria reste une femme attachée à sa terre et à sa famille. Elle est aussi une violoniste amateure, une randonneuse acharnée, fine poétesse à ses heures.
Mais au lieu de suivre une voie toute tracée - reprendre l'entreprise familiale - elle se lance dans des études d'histoire et de littérature. "L’exigence de créer et d’agir librement dans son propre monde la conduit à une existence qu’elle entend vivre dans une indépendance absolue, avec la force de ses propres convictions et le besoin vital d’atteindre ses propres buts, coûte que coûte, sans compromis inutile. Il en sera ainsi dans les années de sa jeunesse et dans celles que la verront promouvoir la cause du musée, obstinément, avec pour seul objectif la défense de sa propre autonomie, sans se soucier des risques encourus," témoigne Donata Pesenti Campagnoni.
Etudiante passionnée de littérature féminine, Maria Adrina Prolo publie les poèmes de la Piémontaise Agata Sofia Sassernò : un recueil de textes illustrés et d'un essai sur la culture féminine dans le Piémont au XIXe siècle. "Peut-être en raison de l'importance du rôle joué par la mère et de la présence d'un un environnement familial très féminin, Maria Adriana s'intéresse particulièrement à certaines figures de femmes rencontrées lors de ses études," écrit Donata Pesenti Campagnon.
Maria a toujours gardé en elle le souvenir ébloui du film Occhi che videro (Des yeux qui ont vu - un titre prémonitoire, dira-t-elle plus tard). Ce film l'avait fasciné. Elle n'avait que huit ans.
Mais c'est par la littérature que Maria Adriana vient au cinéma, au gré de ses recherches sur les auteurs et scénaristes de l'âge d'or du cinéma à Turin.
C'est que, la chose est peu connue, avant que la cinecitta romaine ne vienne la détrôner, Turin est, dans l'entre-deux-guerres, la capitale d'un cinéma populaire et "underground". A quelque 300 km seulement de Lyon, ville des frères Lumière, le fief des usines Fiat cultive une tradition de lutte militante, doublée d'expériences cinématographiques néoréalistes, résistantes ou expérimentales.
C'est à cette époque que Maria Adriana commence à publier des articles dans les revues spécialisées. Elle rencontre alors tous les grands noms du cinéma italien de l'époque. "Tout le monde avait des documents, des photos, des appareils...," expliquera-t-elle plus tard. En historienne avisée, elle commence ainsi sa collection, puis se lance dans un travail d'archives remontant aux origines du cinématographe, une quête comparable à celle d'Henri Langlois, son homologue français.
Jusqu'en 1979, d'ailleurs, celle qu'il surnommait "l'alouette" entretint avec le père de la cinémathèque française une correspondance publiée ( 1948-1979 ) sous le titre Le dragon et l'alouette.
C'est pendant la Seconde Guerre mondiale que l'idée d'un musée du cinéma germe dans l'esprit de Maria Adriana, même si, en plein chaos, ni elle, ni ses amis ne savent exactement où ils vont...
En 1942, la municipalité de Turin met à leur disposition quelques salles de la Mole Antonelliana, un édifice de plan carré surmonté d'un dôme et d'une flèche qui en fait le plus haut de Turin.
En 1953, c'est l'inauguration. Le Musée de l'association culturelle est créé pour "rassembler, stocker et exposer au public tout le matériel relatif à la documentation et à l'histoire des activités cinématographie et photographie artistiques, culturelles, techniques et industrielles." Elle écrit sur son musée : "Écrire sur mon petit musée, qui aura bientôt treize ans, c'est pour moi comme si j'écrivais sur un petit garçon dont je me serais occupé et qui aurait grandi en me valant bien de soucis et de sacrifices, mais aussi bien des joies..."
Il faudra attendre véritablement l'année 2000 pour que le musée acquiert sa magie actuelle. 3200 m2 répartis sur cinq étages. Les amoureux du cinéma ont leur temple. De la lanterne magique au théâtre d'ombre, des premiers mots d'amour enregistrés en 1893 (voir la vidéo ci-dessus) jusqu'aux accessoires. Tout y est. En quantité. En qualité. Autour de l'espace central, dans une dizaine de petits sanctuaires, les principaux thèmes de l'histoire du cinéma (absurde, fantastique, western, etc.) sont mis en scène.
De Maria Adriana Prolo, le président du festival du film de Turin Lorenzo Ventavoli écrit : "c'est elle qui écrivit la première page de l'histoire du cinéma italien muet". Sans les collections de Maria Adriana, sans sa passion, il n'y aurait aucun souvenir du cinéma muet en Italie. Tout serait perdu, oublié, et Turin serait amputée d'une grande partie de sa mémoire.