Fil d'Ariane
Petit sondage en pleine saison des mariages. La question est lancée au cours d’un enterrement de vie de jeune fille. Sur une dizaine de trentenaires, la plupart d’entre elles ont gardé ou souhaiterait conserver uniquement leur nom de jeune fille. Ou alors, « pourquoi pas » prendre les deux noms : le leur et celui de leur conjoint.
Leurs motivations sont diverses. Abandonner leur patronyme, c’est « perdre une partie de son identité ». Sans forcément parler d’un geste féministe symbolique ou d’une marque d’indépendance, certaines « aiment bien » tout simplement leur nom. D’autres ont choisi de le garder « pour le boulot ». L'une d'elle assure aussi que cela ne la dérange pas d’avoir pris celui de son conjoint « parce qu’en réalité le mien je ne l’aimais pas vraiment. »
Vient ensuite une réflexion générale : et les hommes, alors, vous en connaissez qui ont pris le nom de leur épouse ? Une seule jeune femme dans le groupe cite l'exemple d'un couple d’amis… Fait rare mais qui tend à séduire de plus en plus d’hommes, notamment parmi les célébrités... L’exemple de l’actrice américaine Zoé Saldana alimente les colonnes de journaux. Son mari, l’Italien Marco Perego a adopté le patronyme de l’actrice forcément plus connu dans le sérail du cinéma...
Près de 30% des Américaines gardent leur nom
Cette petite enquête anodine lancée au cours d’un enterrement de vie de jeune fille révèle bien une tendance actuelle. Le New York Times a récemment publié un article décortiquant les résultats d’un sondage, commandé par le quotidien américain à Google.
Près de 30% des Américaines interrogées - mariées depuis 2010 - ont décidé de garder leur nom, contre près de 20% d’entre elles dix ans plus tôt ainsi que dans les années 1970. A cette période, garder son nom relevait d’un geste presque militant d’émancipation alors que les femmes se battaient pour leurs droits.
Les décennies suivantes, le nombre de femmes qui conservent leur patronyme tombe à près de 17% dans les années 1980 et à un peu plus de 18% dans les années 1990.
L’analyse menée par le New York Times sur les annonces de mariages publiées dans le journal corrobore les estimations du sondage réalisé par Google. Les femmes, et particulièrement les citadines, gagnant bien leur vie, n’ont donc jamais été aussi nombreuses à conserver leur nom de jeune fille.
Alors pourquoi les mariées font-elle davantage ce choix aujourd'hui ? Les raisons sont diverses : l’habitude des couples qui utilisent deux noms lorsqu’ils vivent sous le même toit avant de se marier ; l'aspect patriarcal du changement de nom pour certaines ; pour d’autres il est simplement plus facile de garder celui avec lequel elles ont déjà fait carrière. Mais, aujourd’hui des femmes considèrent que ce choix revêt moins d’importance qu’auparavant.
Des Américains ont aussi trouvé d’autres solutions : coupler les noms des deux époux pour n’en faire qu’un. Le New York Times donne ainsi l’exemple d’un homme, encore rare à sauter le pas. Après avoir épousé sa femme Corina Raigosa dont il est aujourd'hui séparé, l’ancien maire de Los Angeles, Antonio Villar, a vu son patronyme muer en Villaraigosa.
Si la donne tend à changer ces dernières années, les femmes qui prennent le nom de leur époux restent majoritaires même dans les pays où cela n’est pas soumis à une loi. Ainsi, en France, la loi post-Révolution du 6 fructidor an II (toujours en vigueur) stipule qu’ « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ».
Troquer son nom de jeune fille pour celui de son mari relève bien d’un choix et non d’une obligation. Mais les époux peuvent aussi se choisir des noms d’usages qui apparaîtront sur tous les documents administratifs à condition d’en faire la demande. Il est ainsi possible de prendre soit celui de son(sa) conjoint(e), soit d'accoler les deux noms. Un changement instauré dès 1985 aussi pour les enfants. Mais les hommes restent encore peu nombreux à prendre le nom de leur épouse.
A contrario, dans d'autres pays, il est parfois impossible pour les femmes de changer de nom. C'est le cas au Québec où les femmes mariées avant 1981 prenaient habituellement le patronyme de leur époux. Mais depuis, il est clairement inscrit dans le code civil à l’article 5 que « toute personne exerce ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est énoncé dans son acte de naissance » et selon l’article 393 : « Chacun des époux conserve, en mariage, son nom; il exerce ses droits civils sous ce nom. » Mari et femme, à chacun son identité.