Fil d'Ariane
S’agissant des droits des femmes, les apparents désaccords masquent une réelle cohérence. Cohérence d’un singulier mépris pour les femmes de la part de l’ainée comme de la cadette, l’une osant parler « d’avortement de confort » et l’autre de déclarer : « « l’Etat ne doit pas payer pour l’inattention des femmes », comme si la responsabilité d’une grossesse non désirée n’incombait qu’à la femme ! C’est dans un mélange de colère et de tristesse qu’on entend, au XXIe siècle, une jeune femme reprendre à son compte l’ancestrale culpabilité dont on se croyait débarrassé.
Cohérence des propositions, comme le montrait le programme du FN pour l’élection présidentielle de 2012, avec en particulier la mise en avant d’une politique familiale nataliste, comme si les femmes n’avaient pas d’autre horizon. Car le travail des femmes, en apparence défendu, est en réalité peu promu avec la valorisation du temps partiel, ou encore la faible dénonciation des inégalités de salaire. La vice-présidente du FN ne déclarait-elle pas, alors en pleine élaboration du dit programme : « Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’on égalise les salaires alors que tant de gens sont au chômage ? »
On l’aura compris : pour le Front national, en période de crise, les femmes n’ont qu’à se taire, accepter les inégalités, mettre dans un tiroir leurs revendications ou … rentrer à la maison. C’est ce que l’eurodéputé FN Dominique Martin proposait explicitement en pleine commission des affaires sociales du parlement européen, pour lutter à la fois contre le chômage et « pour donner une meilleure éducation aux enfants, sécuriser les rues » !
A relire dans Terriennes :
> Le cas Eric Zemmour : quand la haine de l'autre s'accompagne de celle des femmes
> Femmes, populistes, élues. Mais défendent-elles les droits des femmes ?
Significative déclaration comme sont significatives les positions du FN au parlement européen et que l’on peut les résumer d’une phrase : s’opposer systématiquement à tous les textes proposant d’améliorer la situation des femmes, ainsi, pour ne citer que le vote le plus récent, celui contre le rapport relatif à l’inégalité femmes-hommes de l’eurodéputé Marc Tarabella, en mars 2015. Il est vrai que pour le Front national, tout ce qui vient de l’Union européenne est par nature nuisible, sauf bien sûr les indemnités des élus, même si leur assiduité n’est guère développée, comme c’est le cas des lepénistes.
N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, 1949
Le Front national est à l’évidence un danger pour les droits des femmes. Mais ce parti n’est pas complètement hétérogène à un « air du temps » qui réclame attention et vigilance. Attention aux propos tenus, ici ou là. Dominique Reynié, candidat Les Républicains pour la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ne regrettait-il pas, il y a quelques jours, que la notion de détresse ait été retirée, en 2014, de la loi relative à l’IVG, y voyant une preuve que « notre société est en train d’aimer davantage la mort que la vie », propos qui de surcroît sonnent étrangement puisque tenus après les assassinats commis par les terroristes du 13 novembre ! Attention à la montée d’un antiféminisme misogyne qu’il ne faut pas prendre à la légère et dont Éric Zemmour est l’exemple caricatural. Attention enfin à l’antiféminisme qu’expriment aussi de façon très claire les tenants de l’intégrisme islamiste.
Martine Storti est une journaliste et écrivaine française. Elle fut très engagée dans le mouvement féministe des années 1970/1980, avant d'être chargée de mission auprès de Laurent Fabius alors Premier ministre en 1984, et Inspectrice générale de l'Education nationale. Elle a mené aussi de nombreuses missions pour promouvoir l'éducation des filles en Afghanistan, en Arabie saoudite ou en Indonésie.
Elle tient un blog martine-storti.fr et s'apprête à sortir son prochain livre, en mars 2016 : « Sortir du manichéisme » (Ed. Michel de Maule)