Marinika Tepic, cheffe de l'opposition en Serbie, en grève de la faim

Les fraudes qui, semble-t-il, ont porté les nationalistes au pouvoir à l'issue des législatives en Serbie ne passent pas auprès de l'opposition, à commencer par la députée Marinika Tepic. En grève de la faim, elle réaffirme sa détermination à faire annuler les élections du 17 décembre 2023.

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Marinika Tepic

Marinika Tepic lors d'une manifestation devant  la commission électorale à Belgrade, en Serbie, le 19 décembre 2023.

©AP Photo/Darko Vojinovic
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La députée Marinika Tepic était tête de liste de la coalition d'opposition au président Aleksandar Vucic, dont le parti de droite nationaliste est donné vainqueur du scrutin du 17 décembre 2023. Selon les résultats officiels, le SNS du président a remporté 46% des voix aux législatives, contre 23,5% à la coalition de l'opposition.

Depuis, les actions de protestation se succèdent à Belgrade pour dénoncer des fraudes électorales et des centaines de personnes manifestent quotidiennement devant la commission électorale.

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Fraudes électorales ?

De la scène mondiale, les condamnations affluent aussi. L'équipe d'observateurs internationaux, composée de représentants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dénonce des "irrégularités", notamment "l'achat de voix" et "le bourrage des urnes". 

L'Allemagne qualifie ces fraudes présumées d'"inacceptables" pour un pays qui espère rejoindre l'Union européenne ; les États-Unis appellent Belgrade à répondre aux "inquiétudes" des observateurs électoraux ; et l'UE déclare que "le processus électoral de la Serbie nécessite des améliorations tangibles et de nouvelles réformes".

Jusqu'au bout de la protestation

Marinika Tepic exige l'annulation de ce scrutin sur lequel pèse tant de soupçons de fraude : elle a entamé une grève de la faim avec six autres parlementaires. Ce 23 décembre, son parti déclarait que sa santé était "en danger" et qu'elle devait recevoir des perfusions quotidiennes. Mais Marinika Tepic refuse d'abandonner la lutte.

Je ne vois pas ça comme un sacrifice, mais comme un combat, et un moyen de me maintenir en vie. 
Marinika Tepic

"J'essaie de ne pas y penser (à la mort, ndlr). Je ne vois pas ça comme un sacrifice, mais comme un combat, et un moyen de me maintenir en vie", dit cette femme de 49 ans, depuis le lit de fortune qu'elle s'est aménagé sur une banquette du Parlement à Belgrade.

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Les médecins "s'efforcent de me maintenir en état aussi longtemps que possible, parce que je n'ai aucune intention d'abandonner tant que ces élections truquées n'auront pas été annulées, qu'ils n'auront pas admis qu'il y a eu fraude électorale, et tant que la volonté du peuple ne sera pas défendue, affirme Marinika Tepic, même si, regrette-t-elle, deux tiers des citoyens serbes ne savent rien du tout de ce qui se passe". 

"Les médecins sont surpris que je n'aie pas de symptome lié à la privation de nourriture et à la faim, mais je pense que tout se passe là, dit-elle en montrant sa tête. Cela doit simplement être fait pour alerter en Serbie et à l'étranger".

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Le regard tourné vers l'Europe

Marinika Tepic est née dans une famille d'origine roumaine, dans ce qui était alors la république socialiste de Serbie en Yougoslavie. Enseignante d'anglais et journaliste, notamment pour la radio et la presse écrite, elle est également une militante engagée des droits humaines et des minorités.

Depuis une dizaine d'années, elle est aussi l'une des figures montantes de l'opposition, dénonçant la corruption et le crime organisé, à commencer par les réseaux de prostitution, notamment de mineures. Elue députée au Parlement serbe à plusieurs reprisez, elle préside actuellement le groupe parlementaire Forward to Europe, dans ce pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne, qui reste le seul d'Europe à soutenir massivement la Russie de Poutine.

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344 plaintes

Le président serbe Aleksandar Vucic reste inébranlable face au déluge de critiques, répétant que les élections léglislatives du 17 décembre 2023 se sont tenues de façon libre et équitable : "Je voudrais demander à tous ceux qui font la grève de la faim de ne pas le faire. Ils peuvent organiser des manifestations tous les jours, j'ai l'habitude des manifestations", martèle-t-il dans une allocution télévisée.

De son côté, le bureau du procureur serbe déclare avoir demandé une enquête de police sur plusieurs présomptions d'irrégularité, afin de déterminer si les preuves sont suffisantes pour engager des poursuites officielles. De nombreux cas ont été signalés, notamment de "corruption électorale" et d'"achat de voix", selon le parquet de Belgrade.

La police serbe a déclaré dimanche que 344 plaintes ont été déposées le jour du scrutin, et que dans 18 cas, les enquêteurs avaient trouvé des indices "d'actes délictueux".

La Serbie est le seul pays au monde qui pratique la migration électorale. Marinika Tepic

Les observateurs internationaux ont aussi évoqué les informations qu'ils ont relevées sur des "électeurs vivant à l'étranger et amenés en bus par le parti au pouvoir pour voter à Belgrade". Des "importations d'électeurs" inspirées, selon Marinika Tepic, par le président Aleksandar Vucic"Je pense que la Serbie est le seul pays au monde qui pratique la migration électorale, assure-t-elleC'est comme dans la pièce Ubu Roi : quand le peuple a cessé de l'aimer, il a décidé de changer le peuple". Le président rejette ces accusations, soulignant qu'il "défendrait la volonté du peuple exprimée dans les urnes".

Nouveau scrutin

Reste qu'un nouveau vote est prévu le 30 décembre 2023 dans 30 des 8000 bureaux du pays, mais l'opposition serbe a d'ores et déjà annoncé qu'elle le boycotterait. Cela ne suffirait pas à lui faire accepter le résultat global des élections du 17 décembre. 

Les élections qui seront répétées dans un certain nombre de bureaux de vote ne peuvent pas annuler la fraude ni corriger l'injustice qui s'est produite le 17 décembre. Serbie contre la violence

"Les élections qui seront répétées dans un certain nombre de bureaux de vote ne peuvent pas annuler la fraude ni corriger l'injustice qui s'est produite le 17 décembre. C'est la raison pour laquelle nous ne participerons pas à la répétition du scrutin", communique la coalition "Serbie contre la violence". "Il ne servira à rien de voter quand des députés sont en grève de la faim en raison d'une fraude avérée, des dissidents politiques arrêtés et des étudiants passés à tabac par la police et appréhendés".

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