Marjolaine Etienne, porte-voix des peuples autochtones à l'ONU

Marjolaire Étienne, une Innue de la communauté de Mashteuiatsh, dans le nord du Québec, a été choisie pour conseiller le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, sur l’utilisation du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones. Impliquée depuis des années dans la défense des droits des autochtones, elle se dit surprise mais aussi fière de cette nomination pour sa communauté. Rencontre. 

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Marjolaine Etienne, Innue du Québec, nommée conseillère à l'ONU pour les peuples autochtones.
©capture Facebook/Marjolaine Etienne
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Marjolaine Étienne est actuellement directrice de la radio de sa communauté innue de Mashteuiatsh, dans la région du Lac-Saint-Jean, à plus de 500 kilomètres au nord de Montréal. Pendant 15 ans, elle a été la vice-chef au sein du conseil de bande, ce qui lui a donné l’occasion d’être en relation régulièrement avec les gouvernements canadien et québécois. « J’ai pu ainsi me forger un bon réseau » précise-t-elle.

C’est une agréable surprise, je suis fière de moi, mais aussi fière pour ma famille et pour ma communauté. Et je suis très honorée de cette nomination.
Marjolaine Etienne

En 2018, elle est sélectionnée parmi 1700 candidatures d’autochtones dans le monde par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme pour participer à une formation en droits humains sur les peuples autochtones à Genève. Elle y a ainsi passé un mois et demi. En décembre de cette même année et toujours à Genève, elle a participé à un comité contre la torture. Et en juillet 2020, elle a passé une entrevue pour ce poste avec des responsables du HCDH qui chapeaute ce Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones. Elle a finalement reçu en décembre un courriel lui confirmant que sa candidature avait été retenue : « C’est un peu le chemin que j’ai suivi pour apprendre le système des Nations Unies. C’est une agréable surprise, nous confie-t-elle, je suis fière de moi, mais aussi fière pour ma famille et pour ma communauté. Et je suis très honorée de cette nomination ».
 

Porte-voix des autochtones du monde entier

Le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones a été mis en place en 1985 par l’ONU. Marjolaine Étienne va faire partie du conseil consultatif qui gère ce Fonds : « Je vais conseiller le secrétaire général quant à l’utilisation de ce fonds qui a comme mandat d’aider les représentants d’organisations autochtones aux réunions aux Nations unies et qui joue donc un rôle clé pour les organisations et les communautés autochtones dans le monde ». 

Marjolaine Étienne sera aussi le porte-voix auprès de l’Onu des communautés autochtones du Canada. « Le Fonds joue un rôle important pour les organisations et les communautés autochtones dans le monde, c’est une tribune qui leur permet de faire entendre leur voix lors des réunions onusiennes, d’expliquer les enjeux et les réalités que les communautés autochtones vivent, au Québec, au Canada et dans le monde entier. C’est une voix qui mérite d’être utilisée, un autre véhicule pour pouvoir s’exprimer et un chemin qui conduit jusqu’aux gouvernements : quand le Canada est interpellé à l’ONU, c’est parce qu’ils ont reçu une plainte et le Canada doit rendre des comptes » explique Marjolaine Étienne.

Elle dit vouloir prendre son temps maintenant pour s’approprier les informations sur ce Fonds, comment il fonctionne, ses objectifs, ainsi elle pourra après définir les priorités de ses interventions.
 

"Racisme systémique ou pas, il faut agir"

Marjolaine Étienne, en tant qu’autochtone québécoise, s’est dite profondément bouleversée par la mort, cet été, d’une jeune autochtone dans un hôpital près de Montréal, et par cette vidéo dans laquelle on voit la jeune femme subir des commentaires racistes de la part du personnel soignant. L’affaire a fait rebondir la problématique du racisme systémique dont se disent victimes les autochtones au Québec et un débat houleux s’en est suivi car le gouvernement québécois refuse de qualifier ce racisme de « systémique ».

Marjolaine Étienne juge de son côté que ce débat ne fait pas avancer les choses au niveau des actions concrètes à mettre en place pour améliorer les conditions des autochtones dans la province et lutter notamment contre ces incidents racistes : « Ce que je trouve aujourd’hui, c’est que tant et aussi longtemps qu’on va titiller sur ce mot, systémique, on ne verra jamais des actions se prendre pour relever les enjeux des autochtones. A un moment donné, pendant qu’on reste accroché sur ce mot, systémique, eh bien rien ne se passe, alors qu’il faut agir et avancer ».

Il reste encore beaucoup d’enjeux et de choses à régler, on n’a juste à penser aux femmes autochtones disparues et assassinées, on attend encore la mise en œuvre des recommandations émises par le rapport remis en juin 2019 après la Commission d’enquête qui s’est tenue sur ces femmes.
Marjolaine Etienne 

Et ces enjeux, ils sont encore très, trop nombreux. « Il y a eu quelques avancées, reconnait Marjolaine Étienne, mais ce n’est pas encore à la hauteur de nos attentes. Pour les peuples autochtones du Canada, il reste encore beaucoup d’enjeux et de choses à régler, on n’a juste à penser aux femmes autochtones disparues et assassinées, on attend encore la mise en œuvre des recommandations émises par le rapport remis en juin 2019 après la Commission d’enquête qui s’est tenue sur ces femmes ». 

>Revoir l'intégralité de l'intervention de Marjolaine Etienne dans le 64' sur TV5monde.

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Marjolaine Étienne a donc du pain sur la planche pour faire entendre la voix des autochtones du Canada sur la scène onusienne. Elle sera en télétravail pour aborder cette mission. Une première réunion virtuelle est prévue en février avec ses collègues du conseil consultatif du Fonds et une rencontre est prévue à Genève en décembre, si bien sûr la situation sanitaire le permet. Son mandat est d’une durée de trois ans : « Je me lance dans ce beau défi avec confiance et fierté, et je suis fière aussi d’être un exemple pour tous les jeunes de ma communauté. Ce que je lance comme message, c’est qu’il faut persévérer, quand on a confiance en soi et en la vie, tout est possible » conclut Marjolaine Étienne.