Fil d'Ariane
"La grâce royale a corrigé un procès injuste", a déclaré la journaliste marocaine Hajar Raissouni, libre.
La jeune femme de 28 ans a été libérée mercredi 16 octobre en fin de soirée, en même temps que son fiancé et que le gynécologue, l’anesthésiste et la secrétaire médicale qui avaient été condamnés avec elle, le 30 septembre au tribunal de Rabat. Elle avait écopé d'un an de prison pour "avortement illégal, relations sexuelles illégales, et débauche".#HajarRaissouni est libre pic.twitter.com/5Mf9TBjK9A
— Fatima Ouassak (@FOuassak) October 16, 2019
Une grâce royale qui sans nul doute a surpris. Le geste est donc venu du souverain lui-même, Mohammed VI. Une grâce motivée par "la compassion" et le "souci" du roi de "préserver l'avenir des deux fiancés qui comptaient fonder une famille conformément aux préceptes religieux et à la loi, malgré l'erreur qu'ils auraient commise", a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le souverain a pris sa décision "sans entrer dans le débat souverain que les citoyens marocains mènent sur l'évolution de leur société et dans lequel se sont invités, de façon regrettable, certains étrangers, intellectuels, médias et ONG", a précisé une source gouvernementale à l'AFP.
La nouvelle de la libération d'Hajar Raissouni s'est propagée sur les réseaux sociaux alors que le mot d'ordre #freehajar était devenu viral depuis son arrestation.
"Enfin une décision sage et joyeuse", a écrit sur Twitter Younes Maskine, le directeur de publication du journal Akhbar Al-Yaoum. "La lutte continue contre les lois draconiennes et sexistes", a lancé la militante féministe Betty Lachgar. Une libération saluée également en France par des militantes des droits des femmes.
Copy Code#Maroc ou la justice indépendante... #HajarRaissouni grâciée par le roi. Ainsi que son compagnon et le médecin. Belle orchestration. Suis bien entendu RAVIE, là n'est pas la question. Mais la lutte continue contre les lois draconiennes et sexistes.#FreeHajar
— I. Betty LACHGAR (@IbtissameBetty) October 16, 2019
Merveilleuse nouvelle. La journaliste Hajar Raissouni graciée par Mohammed VI. Merci à @AidaAlami de nous avoir, jour par jour, informées et de s’être tant mobilisée. #hajarraissouni https://t.co/ij4jgeihu3
— Alice Coffin (@alicecoffin) October 16, 2019
Depuis son arrestation, Hajar Raissouni dénonce un procès "politique". Elle dit depuis le début avoir été traitée pour une hémorragie interne, ce que son gynécologue a confirmé devant la justice. Le jeune couple assurait aussi s'être fiancé dans un cadre religieux, dans l'attente d'un mariage prévu mi-septembre -ensuite contrecarré par leur arrestation
La journaliste #HajarRaissouni condamnée à un an de prison ferme par le pouvoir marocain pour « avortement illégal ».
— Fatima Ouassak (@FOuassak) September 30, 2019
Comme d’habitude, le procès fut une mascarade.
Soutien à cette prisonnière politique!#PasDeJusticePasDePaix pic.twitter.com/zuQTBmaZZn
Quant au praticien, lui aussi rejette la version de la police. "Nous n’avons effectué aucun avortement. J’ai procédé à une intervention urgente", aurait-il déclaré devant le juge, précisant que la journaliste était victime d’une hémorragie et avait besoin d'une opération immédiate. Des déclarations rapportées par le média en ligne Al Ayoum24, appartenant à Akhbar Al Yaoum.
L'acharnement juridique contre Hajar Raissouni, condamnée à une année de prison ferme pour "avortement illégal" et "relations sexuelles hors mariage", est une grave atteinte aux libertés individuelles d'une femme et d'une journaliste. Cette injustice doit être jetée en prison pic.twitter.com/tP5d2rb1nR
— Riad KACED (@riadkaced) September 30, 2019
Arrêtés et jugés en même temps qu'elle, son gynécologue avait écopé de deux ans de prison ferme, une peine assujettie à une interdiction de pratiquer, son fiancé un an, l'anesthésiste d'un an de prison avec sursis et la secrétaire de huit mois avec sursis.
: A Rabat, une manifestation a eu lieu en soutien à la journaliste Hajar Raissouni, poursuivie pour « avortement illégal » et « relation sexuelle hors mariage », alors que s’ouvre son procès. Notre correspondante Maud Ninauve était sur place pic.twitter.com/oSl6MSmo7I
— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) September 9, 2019
Même ton du côté du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I) et du militant des droits humains Salah El Ouadie.
“MAROC - LE CORPS DES FEMMES N’EST PAS UNE PROPRIÉTÉ PUBLIQUE
Soutien et solidarité à la journaliste Hajar Raissouni. Soupçonnée d’avoir pratiqué un avortement, la journaliste ainsi que l’équipe médicale accusée d’avoir procédé à l’intervention ont été incarcérées. M.A.L.I. qui lutte pour la liberté des femmes à disposer de leur corps, rappelle que le droit à l’avortement est un droit fondamental.”
Un soutien est même venu d'outre-Atlantique, de la part du prince Moulay Hicham, cousin du roi Mohammed VI, installé aux Etats-Unis, qui qualifie cette affaire de violation des droits constitutionnels de la jeune femme.
Sur sa page Facebook, le prince dénonce une succession de faits qui se produisent "dans un pays portant le slogan de l’Etat de droit". Il invoque aussi "une violation de l’esprit de nos traditions musulmanes quant à la discrétion sur les affaires personnelles des citoyens, en protection de leur honneur et contre la diffamation".
Tout mon soutien à Hajar Raissouni, ainsi qu'à toutes les marocaines qui ne disposent toujours pas des libertés fondamentales telles que disposer de leur corps.
— Durgamaya (@Durga_mayaa) September 3, 2019
Ne nous taisons plus, pour elle et toutes les autres !#etatliberticide #mybodymychoice https://t.co/ywGjSiuHae
150 journalistes ont signé une pétition de solidarité dénonçant les "campagnes diffamatoires" visant à détruire leur consœur. Les organisations de défense des Droits humains,comme Amnesty international ou Human Right Watch ont lancé des appels à sa libération.
Lundi 23 septembre, une tribune rédigée par la romancière Leïla Slimani et la réalisatrice Sonia Terrab a été publiée sur de nombreux médias. Des milliers de personnes l'ont signée, répondant à l'appel lancé sur les réseaux sociaux. Cette pétition coïncide avec l'ouverture du procès d'Hajar Raissouni accusée d'avortement illégal. Lire notre article ici >Au Maroc, une tribune contre les lois qui veulent contrôler les moeurs
“Nous, citoyennes et citoyens marocains, déclarons que nous sommes hors la loi. Nous violons des lois injustes, obsolètes, qui n’ont plus lieu d’être. Nous avons eu des relations sexuelles hors mariage. Nous avons subi, pratiqué ou été complices d’un avortement.” C’est ainsi que commence cette tribune dans laquelle plus de 490 citoyens marocains prennent le risque de proclamer leur non-respect des lois qui vont à l'encontre de leurs libertés individuelles.
On rappelle aussi que le Maroc s’est engagé à respecter les principes des droits de l’homme universellement reconnus, y compris l’article 12 de la DDH.
— Driss Charrier-Rachidi (@DrissCr) September 23, 2019
Ce décalage avec la réalité est intenable ! https://t.co/3tZri0aC7V pic.twitter.com/zGYgtxq0ov
En 2018, la justice marocaine a poursuivi 14.503 personnes pour débauche, 3048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements, selon les chiffres officiels.