Fil d'Ariane
"Lâcher prise et jouer un peu", rompre avec le quotidien. C'est ce qu'attend Sabbah Labiod des ateliers théâtres qu'elle suit dans les Quartiers nord de Marseille (sud de la France). Tous les lundis, elle attend avec impatience d'y retrouver ses amies. Ensemble, et avec l'aide de la metteure en scène Carole Errante, elles ont monté l'année dernière le spectacle de music-hall : "Nous sommes toutes des Reines" joué sur la scène du théâtre Merlan à Marseille. Une ode à la féminité dans toute sa diversité.
"Femme qui que tu sois, tu n'es pas synonyme d'objet. Pour plaire tu n'as pas besoin de te déshabiller. Femme, qui que tu sois, lève la tête et avance avec fierté", lançait alors Sabbah, presque méconnaissable sous les feux des projecteurs.
Quinze femmes d'origines, de religions et d'âges différents se côtoient ainsi sur les planches et au cours des ateliers. "J'aime être féminine même si je suis en foulard, souligne Sonia Maddi. J'aime m'arranger, m'habiller, sortir. J'aime sortir du quotidien."
Le théâtre devient pour elles un nouvel espace d'expression et d'épanouissement. Une manière pour certaines de se révéler aussi autrement aux yeux de leurs proches qui étaient venus voir "Nous sommes toutes des Reines".
"Les enfants me voient comme une maman, une femme au foyer. Ils ne pensent peut-être pas que je puisse faire ça", raconte Anna Martinez, comédienne amatrice.
Elles sont mères au foyer, animatrices en centre social, retraitées, ... Elles ont entre 35 et 73 ans. Toutes portent avec la même ferveur ce spectacle de cabaret original. Sur scène, elles sont presque méconnaissables parées de leur maquillage et de leurs costumes colorés.
Quand elles montent sur les planches, elles parlent de féminité confrontée au machisme ou au paternalisme, de désir sexuel, d'homosexualité, ... Autant de sujets qu'il était difficile d'aborder, pour certaines, devant un public, qui plus est, au coeur de leur quartier de Marseille dit défavorisé.
C'est la metteure en scène Carole Errante de la compagnie La Criatura qui les a poussées sous les projecteurs. Et cette année, elle les fait participer aux répétitions de sa nouvelle création, l'adaptation de la pièce : "Le cas de Blanche Neige". Ces répétitions deviennent un espace de rencontre entre ces comédiennes amatrices et des professionnels. "J'avais envie de mettre en route un laboratoire d'échanges avec les femmes des quartiers populaires sur la thématiques du corps des femmes et la forme du music-hall, explique Carole Errante. Qu'est-ce que les figures du music-hall nous apprennent sur les figures du féminin, sur les stéréotypes du corps de la femme, de sa sexualité". L'aventure théâtrale pour Anna, Sonia, Sabbah et les autres ne fait que commencer.