A Marseille, le planning familial menacé par la crise

En proie à des difficultés financières, en cet été 2014, pour la première fois de son demi siècle d'histoire, l’association départementale du planning familial marseillais fermera ses portes pendant deux semaines. Reportage. 
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A Marseille, le planning familial menacé par la crise
Carla, 15 ans, est venue au planning familial de Marseille pour obtenir un moyen de contraception -
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04.08.2014
Assise sur un banc, Carla, 15 ans, attend, sous la chaleur estivale, d’être reçue par une conseillère conjugale et familiale. “Je suis venue pour avoir une contraception. J’ai des rapports sexuels avec mon copain et je ne veux pas que ma mère soit au courant. Ici, on peut être suivi par une gynécologue et c’est gratuit”, explique l’adolescente, une cigarette pendue aux lèvres. Comme Carla, en 2013, le planning familial de Marseille a reçu 6400 personnes. Interruption volontaire de grossesse (IVG), contraception, violences conjugales, maladies sexuellement transmissibles (MST) ou discriminations sexuelles, depuis 1973, l’association, divisée en soixante-six antennes départementales, reçoit, conseille et oriente toutes les femmes qui le souhaitent.


Mais voilà qu’après 50 ans d’existence de ce service unique aux femmes, à la renommée mondiale, l’avenir du planning familial 13, l’un des plus importants de France, s’assombrit. En cause, des difficultés financières qui plombent les comptes de l’association. “En 2013, on a fini l’année avec un déficit de 67 000 euros. En 2014, se sera 40 000. Et, pour 2015, on risque une cessation de paiement”, s’alarme Claire Ricciardi, directrice adjointe de l’antenne marseillaise. Dans un soucis d’économie, l’antenne départementale a donc décidé de ne pas remplacer le départ de deux salariés et de procéder, pour la première fois de son histoire, à une fermeture annuelle de dix jours (du 4 au 14 août).

“Comme nous ne payons plus les heures supplémentaires, les salariés doivent bien les écouler. C’est aussi une manière de montrer que nous ne sommes pas éternels”, prévient la directrice adjointe postée face à une bouée et une pancarte sur laquelle est écrit “pour pas couler, on sort nos bouées”.

A Marseille, le planning familial menacé par la crise
Claire Ricciardi, la directrice adjointe du planning devant une pancarte attachée à l'entrée du planning sur laquelle est écrit : “Planning familial 13 en danger. Licenciements en cours... Fermeture en 2015? Femmes en colère“. 
“On croule sous les contrôles”

Les raisons de ce mauvais bilan sont nombreuses. “Dans un soucis d’éthique”, le planning familial a préféré privilégier le salariat au bénévolat et décidé de titulariser des emplois aidés en perdant du même coup les exonérations de charges qui leur étaient liées. Le planning pointe également la baisse des subventions du Conseil général (238 000 euros en 2013 contre 192 000 euros en 2014) et le manque de financement de l’Etat, en particulier dans le domaine de l’écoute. Cette activité emblématique du Planning familial est aujourd’hui financée par l’Etat à hauteur de 8 euros par heure de consultation, au titre d’une activité bénévole. Une somme “dérisoire”, selon Claire Ricciardi.


Sans parler des dépenses dues au déménagement de l’association dans un quartier paupérisé du centre-ville de Marseille. “Comme on reçoit plus de personnes en difficulté, on délivre beaucoup plus de pilules gratuites ce qui nous coûte cher”, explique la directrice adjointe. Et d’ajouter: “On ne sait pas comment se profile l’avenir... Pour clore notre budget, on doit préparer soixante-cinq dossiers de subventions d’une complexité totalement ubuesque. On croule tellement sous les contrôles que certains salariés doivent réserver leurs journées à ça”. Pour limiter la casse et “faire des économies”, l’association envisage de réduire les heures d’ouverture.

A Marseille, le planning familial menacé par la crise
En cette période de menaces, le planning familial de Marseille propose à ses utilisatrice de laisser des messages de soutien 
“Pas de discours moralisateur”

“Le planning familial est parfois le seul endroit où ces femmes peuvent trouver une oreille attentive et démêler leur situation. Quand elles arrivent, elles craignent qu’on les juge. Mais ici, il n’y a pas de discours moralisateur, on leur dit qu’elles sont les seules à avoir la réponse et qu’elle sont avant tout maîtresse de leur vie”, raconte Murielle, conseillère conjugale et familiale depuis dix ans.


Ce jour-là, elle reçoit Saïda, 24 ans. Cette jeune femme au teint halé et à l’apparence soignée pense être enceinte. Pour en être certaine, elle souhaite faire un test de grossesse. Après avoir pris place dans un petit salon douillet et feutré, l’étudiante explique, que depuis quelques jours, elle a “les seins gonflés” et “mal au ventre”.

“Si vous êtes enceinte, un deuxième trait apparaît”, explique, un test à la main, Murielle. Quelques minutes plus tard, la jeune fille revient, le test est positif. Après avoir saisi un immense calendrier et demandé la date de ses dernières règles, la conseillère estime la grossesse à quatre semaines. “Comment envisagez-vous les choses ?”, lui demande-t-elle. “D’habitude, je me protège mais cette fois-ci, ce n’est pas le cas. Je suis dégoutée, le ciel me tombe sur la tête. J’ai déjà pris ma décision. Je ne suis pas avec lui et je ne veux pas lui en parler”, lance, sûre d’elle, la jeune femme.

Après quelques explications sur la méthode et les démarches à effectuer, la jeune fille repart avec une liste de médecins à contacter.

A Marseille, le planning familial menacé par la crise
Melissa, 19 ans, vient régulièrement récupérer au Planning sa pilule contraceptive, elle laisse un message de soutien
IVG et contraception


Comme Saïda, de nombreuses jeunes femmes se rendent au planning familial pour une IVG. Et, parfois, la situation est urgente. C’est le cas de Sofia, 19 ans. Enceinte de plusieurs semaines, la jeune fille a jusqu’au 25 août pour avorter mais dans une semaine elle sera chez son père. “Ca ne nous fait pas beaucoup de jours. En plus, comme c’est les vacances, c’est compliqué. Je vais directement passer par un médecin”, explique Miléna.

En quelques minutes, la conseillère décroche un rendez-vous dans un hôpital marseillais. Après avoir longuement expliqué le déroulement des prochains jours, Miléna aborde la question de la contraception. “Je n’en prends pas et en fait c’est maintenant que j’y pense”, lance Sofia.

Pour sensibiliser d’avantage les jeunes filles à la contraception, le planning familial organise également des visites dans des établissements scolaires. C’est ainsi que beaucoup de jeunes filles apprennent l’existence de l’association aujourd’hui plus que jamais menacée.

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Le message d'amour au planning familial laissé par Mélissa

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