Fil d'Ariane
Rendons à Césarine ce qui est à Césarine. C'était avant 2017, cette année particulière durant laquelle, partout dans le monde comme dans un effet domino, les femmes ont pris la parole. Contre les agressions sexuelles, mais aussi contre les inégalités au travail, en politique, en économie, etc... En mars 2014, juste avant la journée internationale des droits des femmes, des journalistes françaises appelaient déjà à prendre la Une pour dénoncer la sous-représentation des femmes dans les médias, les stéréotypes sexistes véhiculés par ceux-ci, les agressions dont elles étaient victimes, mais aussi les inégalités femmes et hommes au sein même des rédactions des médias de l'Hexagone. Un premier mouvement salutaire...
Et voici d'ailleurs qu'elles remontent au front en décidant de franchir une étape en ce début 2018 : de collectif, Prenons La Une se constitue en association. Parce que écrivent-elles " en devenant le 23 janvier 2018 une personne morale, cela nous permettra de pouvoir accompagner et conseiller les femmes journalistes dans des démarches juridiques souvent usantes et décourageantes. Et de mettre fin à un silence qui pèse sur de trop nombreuses femmes, souvent des jeunes journalistes au début de leur carrière, contraintes de taire les violences sexistes qu’elles subissent au sein des rédactions." Et de rappeler : "Si le silence reste la règle, c’est en partie parce que la précarité dans le milieu des médias touche avant tout les femmes. Prenons la Une rappelle que seuls 35% des rédacteurs et rédactrices en chef des journaux sont des femmes, et que 68% des pigistes sont des femmes."
Puis au tout début de cette nouvelle année 2018, le temps s'est accéléré. C'est d'abord un rapport établi par Pressed, banque de données sur les médias français (journaux papier, audiovisuel, sites d'info en ligne) qui décrit, une fois encore, une réalité désagréable de la presse française : les femmes y sont très peu visibles. Tandis que Le Temps (quotidien suisse francophone) et l'AFP (l'une des trois plus grandes agences de presse de la planète) procédaient à une nécessaire autocritique pour améliorer la visibilité, les représentations et la place des femmes dans leurs écrits et dans leurs rédactions.
Comment faire vivre un débat salutaire au coeur même d'une rédaction sans pluralité des profils à sa tête ?
Les journalistes femmes du Parisien
Et voici que le 12 janvier, avant la nomination d'un nouveau rédacteur en chef, "un groupe de 77 journalistes femmes de notre rédaction s’est constitué, en deux jours seulement, pour protester contre l’absence de femmes au sein de la direction de la rédaction", annonçait dans un communiqué la Société des journalistes du Parisien. Certes, la directrice générale du Parisien est une femme, Sophie Gourmelen, mais la direction des rédactions est exclusivement l'affaire d'hommes depuis 2014. Alors les 77 femmes signataires et solidaires ont adressé en bloc leur candidature pour le poste de rédacteur en chef à pourvoir : "Comment faire vivre un débat salutaire au coeur même d'une rédaction sans pluralité des profils à sa tête ? Être une femme n'est pas une compétence, mais être un homme non plus".
Pour protester contre l’absence de femmes au sein de la direction de la rédaction. au @le_Parisien , 77 journalistes femmes du journal postulent au poste de rédac chef du dimanche. Car "être une femme n'est pas une compétence, mais être un homme non plus".
— Sandrine Bajos (@Sbajos) 11 janvier 2018
En ces temps de #MeToo, leur initiative s'est enflammée comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. A l'occasion d'un entretien sur les ondes de la radio nationale Europe 1, Bérangère Lepetit, reporter au service économie du quotidien raconte la genèse de cette initiative, "à la fois humoristique et non agressive" : "On a été un peu dépassées par les événements. Tout est parti d'une discussion informelle à la cantine mardi 9 janvier. On faisait le constat, comme on le fait depuis cinq ans, qu'il y a une grande majorité d'hommes à la tête de la rédaction en chef au Parisien - 12 hommes sur 13 (seule une femme dirige un magazine… La Parisienne, la "section" consacrée aux femmes, ndlr) - ça commence à se voir. On se disait qu'il devait bien y avoir une femme sur terre pour prendre les rennes du Parisien" .
Un combat aussitôt soutenu par leurs confrères du journal, avant d'essaimer dans d'autres rédactions, comme celle de L'Obs ou de La Provence, visiblement en proie aux mêmes interrogations face à leur propre organigramme et à leurs propres inégalités salariales...
La parité à la tête de la rédaction du @le_Parisien est le combat de tou-te-s. Soutien massif à l'initiative de nos consoeurs. pic.twitter.com/J6KTIpIHrn
— Louis Moulin (@louismoulin) 12 janvier 2018
Time's up à @laprovence pic.twitter.com/0zHibad8JO
— sophie manelli (@manellisophie) 16 janvier 2018
Les journalistes de L'Obs : "Notre direction de la rédaction est exclusivement masculine et la rédaction en chef ne compte que 2 femmes, pour 4 hommes. De plus, [...] [nos] collègues masculins affichent en moyenne des salaires plus élevés" https://t.co/9f9tw01wuG
— Emilie Brouze (@Emilie_Brouze) 15 janvier 2018
Et à TV5MONDE, sommes-nous exemplaires ? Pas vraiment. Certes la rédaction compte des rédactrices en chef, et votre servitrice, auteure de ces lignes, en est un exemple. Mais le plafond de verre est bien là. Voici les chiffres dans leur précision narrative (nous avons retenu les rédacteurs/trices en chef permanent.e.s) :