Megan Rapinoe, Ballon d'Or 2019 ! Une consécration pour la capitaine des Américaines, championnes du monde de football. Chaussée de ses crampons, cheveux teints en rose, ou posant nue dans la presse aux côtés de sa compagne, la championne poursuit sa carrière à l'image de ses prises de positions, incisive et sans tabou. Portrait.
Superstar de la coupe du monde féminine devenue icône de la lutte féministe, des droits LGBTQ et des minorités dans le monde du football, Megan Rapinoe fascine. Après cette nouvelle victoire en Coupe du monde, la voici sacrée Ballon d'Or 2019 par le jury France-Football. Un sacre qui devrait ajouter à sa légende.
Cheveux courts directement inspirés de Tilda Swinton dont elle est la grande fan, teintés en rose pour ce mondial, il est difficile de rater Megan Rapinoe sur le terrain. Rapide et habile, son sourire fait ressortir des dents blanches parfaitement alignées. Sur les réseaux sociaux, elle multiplie les messages de persévérance, de lutte et d'amour de soi.
Mais c'est surtout par son jeu qu'elle se démarque. Capitaine de l'équipe de football des Etats-Unis, elle occupe le poste de milieu de terrain. Sacrée championne du monde en 2015, sa force sur le terrain est bluffante : rien ne semble l'arrêter. "Pinoe" surgit toujours à un moment où on s'y attend le moins. Tel un tonnerre, elle attrape la balle, accélère le pas, fonce... et marque. Comme pour donner corps à ce qu'elle avait déclaré au
New York Times quelques jours avant le début de cette Coupe du monde féminine :
"La chose la plus importante, c'est de continuer à gagner", faisant référence aux précédentes coupes que les Américaines ont remportées dans leur Histoire.
La footballeuse de 34 ans tape dans le ballon depuis son plus jeune âge. Elevée en Californie, elle a trois ans lorsqu'elle joue au foot pour la première fois, imitant son grand frère qu'elle idolâtre
. Arrive l'adolescence, et l'apparition de la drogue dans la vie de son frère. Quand Megan Rapinoe souffle ses 10 bougies, son frère en a 15 et se retrouve derrière les barreaux en détention juvénile. Le football devient alors une échappatoire pour la jeune fille et lui permettra de se tenir à l'écart des problèmes d'addiction qui sévissent dans le milieu rural de la Californie. En 2005, elle intègre l'équipe de foot de son université (Portland) et enchaine les victoires. Petit à petit, elle se fait connaitre et intègre l'équipe nationale des Etats-Unis. En 2011, après avoir disputé sa première Coupe mondiale, elle rentre avec la médaille d'argent. S'ensuit une carrière internationale marquée par de nombreuses victoires et une ascension fulgurante pour la milieu de terrain, qui s'est déjà fait connaître en Ligue des Champions.
Je ne veux pas que cette équipe de foot, qui s'est longtemps battue pour l'égalité et l'inclusion soit coopté par un gouvernement qui ne se bat pas pour les même choses.
Megan Rapinoe
Cette année, l'emballement médiatique autour de Megan Rapinoe la fait connaitre du grand public. Farouchement anti-Trump, elle a déclaré qu'elle ne comptait pas se rendre à la Maison Blanche si son équipe gagnait la Coupe du monde.
"Je ne veux pas que cette équipe de foot, qui s'est longtemps battue pour l'égalité et l'inclusion soit coopté par un gouvernement qui ne se bat pas pour les même choses", avait-elle expliqué par la suite, en incitant ses co-équipières à faire de même.
Megan Rapinoe déclare au journal Times décliner l'invitation de Donald Trump si son équipe remporte la Coupe du monde.
Dans son viseur : la misogynie du Président, mais aussi sa politique, qu'elle considère comme profondément raciste et sexiste. Megan Rapinoe se dit même être une
"protestation ambulante de l'administration Trump". Et pour cause : à chaque début de match, elle reste silencieuse lorsqu'est entonné l'hymne national, et refuse de poser sa main sur le coeur. Ces signes de protestation n'ont rien de nouveau. Déjà en 2016, la milieu de terrain se soulevait contre les violences policières, en posant le genou à terre durant l'hymne national, avant les matchs. Une claire référence et soutien à Colin Kaepernick, célèbre joeur de football américain, qui avait usé de ce même geste pour dénoncer les actes racistes de la police.
Megan, la "grande gueule"
Audacieuse et "grande gueule", Megan Rapinoe ne plait pas à tout le monde. Si ses détracteurs estiment que le sport et la politique ne devraient pas s'entremêler, elle n'est pas du même avis et le dit haut et fort.
"Il serait irresponsable de ne pas utiliser cette plateforme internationale [la Coupe du Monde, ndlr.]
pour essayer de faire bouger les choses, de provoquer le changement", a-t-elle souvent dit dans les médias américains.
L'entraîneuse Jill Ellis, quant à elle, reste impassible face à ces événements. Mais dans le silence, sans prendre ouvertement position, elle apporte son soutien infaillible à Megan Rapinoe, mais aussi à l'équipe toute entière. Si "Pinoe", comme l'appelle ses camarades, fait entendre sa voix aussi ouvertement, c'est en partie grâce à son équipe, toute aussi engagée. Le 8 mars dernier, pour la Journée Internationale des droits des Femmes, les joueuses de la sélection américaine décident de poursuivre en justice la fédération américaine de football pour "discrimination de genre institutionnalisée".
Un coming-out libérateur
Rapinoe n'hésite pas à envoyer des pics à la Fifa sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du football. Le 25 du même mois, elle profère :
"Vu les ressources et la capacité de FIFA, je considère qu'ils n'en font pas assez pour générer le changement". Je n'arrive pas à l'expliquer mais je pense que c'est la meilleure décision que j'ai jamais prise. Je me suis sentie beaucoup plus libre en allant à Londres et je pense que c'est dans ces moments-là que je suis la plus forte et la meilleure version de moi-même.
Megan Rapinoe
L'attaquante a 27 ans lorsqu'elle annonce son homosexualité en public, juste avant les Jeux Olympiques de Londres.
"J'ai pris la décision de faire mon coming out et révéler mon homosexualité", a-t-elle déclaré le 12 novembre 2012 au Los Angeles LGBT Center, quelques mois après avoir fait
son coming out dans le magazine Out.
"Je n'arrive pas à l'expliquer mais je pense que c'est la meilleure décision que j'ai jamais prise. Je me suis sentie beaucoup plus libre en allant à Londres et je pense que c'est dans ces moments-là que je suis la plus forte et la meilleure version de moi-même". Elle rentrera aux Etats-Unis, médaille d'or en poche.
Décidée à casser le tabou de l'homosexualité dans le monde du sport, elle pose nue, avec sa petite amie basketteuse Sue Bird dans
le magazine Body Issue, en juin 2018. Publié par ESPN - une grande chaîne américaine de sport - ce magazine est dédié aux corps des athlètes masculins et féminins. C'est la première fois que ESPN met en Une un couple de sportifs de même sexe. Regardée par 88 millions de foyers américains en 2007, la chaîne de sport pourrait faire bouger les mentalités...
Engagée sur tout les fronts, Rapinoe ? Au
New York Times, elle dit se battre pour les mouvements féministes comme #MeToo, pour les droits des LGBTQ mais aussi pour Black Lives Matter. Pour elle,
"Cela forme un tout. Il s'agit de la même lutte dans la mesure où je veux que les gens me respectent pour qui je suis : une femme, une lesbienne ou encore une athlète". Mais au-delà du sport, c'est une philosophie de vie qu'elle semble embrasser. Et pose, réthoriquement, la question :
"Quelle personne veux-tu être personnellement ? Mais aussi quelle place veux-tu occuper dans ton pays, et plus largement, dans le monde ?". Megan Rapinoe détient la réponse.