Fil d'Ariane
La voix des femmes portée par la voix d'un homme, celle reconnaissable entre toutes, la voix grave et ponctuée de Grand Corps Malade. Le "slameur" français, que l'on connait pour ses textes engagés, met son flow au service de l'égalité femme-homme. Et pour se faire, il a choisi de s'entourer de chanteuses ou plutôt de les accompagner, pour leur laisser la place.
Dans le titre "Pendant 24h", élaboré avec Suzane, un homme et une femme échangent leur vie. Le tempo électro-punchy et les thèmes abordés - "Je sortirai en jupe quelques instants dans les transports/Pour comprendre l'essence même du hashtag balance ton porc" - font qu'on se croirait dans l'univers de la chanteuse, qui dénonçait le harcèlement de rue dans son morceau "SLT".
"Oui, il a été super bienveillant et c'est vrai qu'on nous retrouve tous les deux, dans nos styles, sur ce titre", se réjouit Suzane. L'alchimie se prolonge dans un clip, pas encore dévoilé, que les deux musiciens viennent de mettre en boîte. "Sans trop spoiler, c'est un petit court métrage, où je suis dans la peau de Grand Corps Malade et inversement", souffle-t-elle.
A une exception près, Grand Corps Malade n'est jamais arrivé avec un texte clé en main. "Pour la plupart des femmes présentes sur l'album, on s'est vu, et une fois ma proposition de duo acceptée, on se demandait: alors, de quoi on va parler?", raconte l'artiste rencontré par l'AFP.
Le slameur a toujours été attentif à la condition féminine dans ses chansons - "je suis choqué par l'inégalité salariale et j'hallucine de voir que le droit de vote a été accordé si tard aux femmes" - et le fond a rejoint la forme quand il a pensé à un album intégral de duos.
L'opus brasse les générations - du monument Sanson à Manon, adolescente repérée à un concours de slam - et les humeurs, entre textures sombres et motifs plus colorés.
Et le générique rassemble chanteuses (on croise aussi Louane, la rappeuse Alicia), musiciennes (Julie et Camille Berthollet) et actrices. L'occasion pour Camille Lellouche de montrer qu'elle n'est pas seulement comédienne (elle était passée au début de sa carrière par l'émission de télévision The Voice).
Le morceau "Mais je t'aime", "Camille me l'a montré sur ce piano là", confie GCM, en désignant l'instrument. "Là, c'est particulier, c'est une chanson à elle, elle a joué la mélodie, avait déjà écrit sa partie. Et là, j'ai dit: 'ouah, je veux faire ce morceau avec toi'". "Je la connais bien, c'est une pote, elle a ça en elle, elle a une voix incroyable, elle te capte, elle a cette petite fêlure, développe-t-il. On a sorti le morceau en single et ça passe pas mal en radio, ce qui est nouveau pour moi (rires)".
"J'ai écrit et composé cette chanson il y a plus de trois ans. J'ai jamais réussi à la finir. Un jour, je suis avec Fabien, il y a un piano devant nous (...) Je lui ai fait écouter cette chanson et il a commencé à chanter dessus en improvisation totale, il est venu sublimer cette chanson. Je suis en admiration totale pour cet artiste, c'était un plaisir pour moi", a expliqué Camille Lellouche dans l'émission "C à vous". Cette ballade est l'un des gros succès du moment : le clip cumule déjà plus de 29 millions de vues sur YouTube depuis le mois de juin.
Pour le titre "Un verre à la main", Laura Smet ne chante pas mais sa narration permet à cette histoire de rencontre contrariée de défiler en cinémascope. "Je voulais une actrice, pour les côtés glamour et cinématographique de ce texte. Laura Smet, ça l'a beaucoup amusée cette idée, elle était hyper-enthousiaste, j'ai découvert une femme géniale, humble, et presque impressionnée, elle m'a dit 'moi, tu sais, derrière un micro en studio, j'ai un peu le complexe du père'". "Elle a tellement aimé ce texte qu'elle m'a proposé de réaliser le clip - je ne trahirai pas de secret en disant qu'elle a d'autres préoccupations en ce moment (l'actrice est enceinte, ndlr) mais ça se fera plus tard, pour prolonger l'aventure du disque".
"La femme est l'avenir de l'homme, écrivait le poète. Eh ben, l'avenir s'est installé et depuis belle lurette", lance Grand Corps Malade sur des accords de piano dans son single "Mesdames", unique titre en solo de l'album. Tout en citant Rosa Parks, Simone Veil, Angela Davis ou Marie Curie, l'artiste remercie les mères, les caissières ou les docteurs, et applaudit la "force, courage et détermination" des femmes. Impliqué dans la cause des femmes, Grand Corps Malade apporte également son soutien à la libération de la parole : "Et si j'apprécie des deux yeux quand tu balances ton corps, j'applaudis aussi des deux mains quand tu balances ton porc ".