#MeToo: ce qu'il faut savoir sur le second procès d'Harvey Weinstein

Retour à la case justice pour Harvey Weinstein. Deux ans après avoir été condamné à 23 ans de prison à New York, l'ex-producteur de cinéma déchu doit répondre de onze accusations d'agressions sexuelles sur cinq jeunes femmes à Los Angeles. Comme lors de son précédent procès, il plaide non coupable et parle de relations "librement consenties". 
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L'ancien producteur de films Harvey Weinstein comparaît devant le tribunal du Clara Shortridge Foltz Criminal Justice Center de Los Angeles, en Californie, le 4 octobre 2022.
©Etienne Laurent/Pool Photo via AP
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Cinq femmes accusent Weinstein

À Los Angeles, Harvey Weinstein fait face à onze accusations supplémentaires pour agression sexuelle de la part de cinq femmes. Les faits se seraient produits dans des hôtels entre 2004 et 2013.

"Il est notamment accusé de s’être introduit de force dans une chambre d’hôtel de Beverly Hills pour violer la femme qui y logeait. Le lendemain, il violait une autre femme dans un autre hôtel du même quartier", précisent les procureurs, dans The Guardian.

L'audience, qui doit durer deux mois, a débuté lundi 10 octobre 2022 avec le choix des jurés -qui pourrait s'étendre sur toute la première semaine- sous la supervision de la juge Lisa Lench. Lors de la première journée, l'accusé est apparu en chaise roulante, en costume sombre. 

Comme lors de son premier procès, l'ancien magnat d'Hollywood clame son innocence. En juillet 2021, lors d'auditions préliminaires devant le tribunal de Los Angeles, il a plaidé non coupable affirmant qu'il s’agissait de "relations librement consenties".

Il risque jusqu'à 140 ans de prison.

Âgé de 70 ans, le producteur de "Pulp Fiction" purge déjà une peine de 23 ans de prison après sa condamnation new-yorkaise. Ce nouveau procès coïncide presque jour pour jour avec le cinquième anniversaire du mouvement #MeToo, déclenché par les révélations sur son comportement de prédateur sexuel.

Retrouvez notre article ►Harvey Weinstein condamné à 23 ans de prison, dans le premier procès post #MeToo

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Rassemblement du 13 octobre 2017, durant lequel Sonia Osorio, présidente de NOW-NY, l'Organisation nationale pour les femmes, s'adresse aux journalistes alors que des femmes se rassemblent devant le bureau du procureur du district de Manhattan à New York.
©AP Photo/Andres Kudacki

Cinq ans après #MeToo

Sa condamnation en mars 2020 à New York, suivie d'une mise sous écrou immédiate et dont l'appel a été rejeté, a constitué une victoire majeure du mouvement #MeToo. Néammoins, à la fin de l'été, "La plus haute cour de l’État a accepté d’autoriser Weinstein à faire appel de la condamnation", rappelle le quotidien britannique. 

Au total, près de 90 femmes dont Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow et Rosanna Arquette ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement, d'agressions sexuelles, ou de viols. Mais le délai de prescription a été dépassé dans nombre de ces affaires, dont certaines remontent à 1977.

L'ancien producteur a toujours assuré que ses accusatrices étaient consentantes. Les allégations ne sont "pas prouvées, pas crédibles et non fondées", avait déclaré son avocat Mark Werksman en juillet 2021 à la presse. Lors du procès new yorkais, l'accusation a demandé aux jurés de croire en la parole des victimes, sans présenter d'éléments médico-légaux et sans citer de témoin à la barre.

À (re)lire ►"L’intouchable Harvey Weinstein" : portrait glaçant d’un prédateur sexuel à Hollywood

De Los Angeles jusqu'au Royaume-Uni

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Lauren Young lors du premier procès d'Harvey Weinstein à New York.
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En Californie, Harvey Weinstein est notamment accusé d'avoir violé une mannequin italienne dans un hôtel de Beverly Hills en février 2013, puis d'avoir agressé sexuellement Lauren Young, une actrice en devenir, dans la salle de bain d'un autre hôtel. Cette dernière, la seule accusatrice à ne pas être anonyme dans cette affaire, avait déjà témoigné lors du procès de New York.

Elle avait affirmé qu'Harvey Weinstein s'était masturbé devant elle dans la salle de bain d'un hôtel de Beverly Hills en février 2013 après s'être rencontrés pour discuter d'un scénario qu'elle était en train d'écrire. Au tribunal, alors qu'on lui montrait des photos du producteur nu, elle a décrit son pénis comme s'il avait été "coupé et recousu" et qu'il n'avait pas de testicules, comme le rapporte le site Mailonline"Son corps était poilu.", a-t-elle précisé. La robe en dentelle que la jeune femme dit avoir portée la nuit de l'agression avait été montrée à l'audience et pourrait servir dans le procès de Los Angeles où elle a été envoyée pour des tests ADN.

Un nouveau procès "essentiel pour les victimes"

Tenir un nouveau procès à Los Angeles est essentiel pour les victimes, avait martelé l'an dernier l'avocate de plusieurs d'entre elles, en soulignant que celles-ci n'ont "jusqu'à présent eu aucun accès à la justice""Il n’y a aucune limite au nombre de procédures susceptibles d’être mises en œuvre contre un accusé déjà condamné par ailleurs, pourvu que les preuves suffisantes soient réunies", rappelle Gloria Allred, qui représente trois des femmes témoignant dans le procès de Los Angeles. 

Si cela va dans le mauvais sens, ce sera un pas en arrière. Je pense qu'il sera plus difficile pour les femmes de se manifester à l'avenir.
Caitlin Dulany

"Il est troublant et choquant qu'Harvey Weinstein ait été autorisé à poursuivre son appel à New York, et donc nous - survivantes- accordons une très, très grande attention au procès de Los Angeles", a déclaré dans le New York Times, Caitlin Dulany, une actrice qui l'a accusé de l'avoir harcelée et agressée sexuellement au milieu des années 1990. "Si cela va dans le mauvais sens, ce sera un pas en arrière. Je pense qu'il sera plus difficile pour les femmes de se manifester à l'avenir", a-t-elle ajouté.

 L'ex-producteur est également inculpé au Royaume-Uni pour des agressions sexuelles qui remonteraient à 1996.

Avant sa chute, son influence sur Hollywood était sans pareille. Au fil des années, les films de sa production ont reçu plus de 300 nominations aux Oscars et 81 statuettes. Depuis, le mouvement #MeToo a fait émerger une quantité impressionnante d'accusations, débouchant sur de nombreuses procédures judiciaires.

L'acteur Kevin Spacey est par exemple actuellement jugé à New York dans un procès civil intenté par l'acteur américain Anthony Rapp, qui l'accuse "d'agression sexuelle" quand il avait 14 ans en 1986.

She said adapté au cinéma

Ce nouveau procès coïncide également avec la première du film She Said (Elle dit, trad), qui sera présenté la semaine prochaine au New York Film Festival. Il retrace l'enquête des deux journalistes du New York Times sur l'emprise et les méfaits du tout puissant producteur, tiré de leur livre du même titre, publié deux ans après la sortie de l'article du New York Times à l'origine du raz de marée #MeToo.