#MeToo : condamnation annulée pour Harvey Weinstein

Quatre ans après son procès à New York, Harvey Weinstein voit sa condamnation annulée par une cour d'appel de New York en raison d'erreurs de procédure. L'ancien producteur star d'Hollywood, reconnu coupable de viol et agressions sexuelles, sera rejugé lors d'un nouveau procès, un nouveau calvaire pour les victimes qui vont devoir témoigner à la barre. 

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Harvey Weinstein

Harvey Weinstein, condamné à 23 ans de prison en 2020 à New York, voit son procès annulé par une cour d'appel newyorkaise. Un nouveau procès devra se tenir.

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Voilà une nouvelle qui va faire trembler la planète #MeToo. 

Jeudi 25 avril 2024, une cour d'appel de New York annule la condamnation pour viol et agressions sexuelles d'Harvey Weinstein en 2020. La cour d'appel a estimé que des erreurs de procédure ont été commises durant ce procès, qui avait constitué une victoire pour le mouvement #MeToo.

La solution à ces erreurs choquantes est un nouveau procès. Jenny Rivera, juge à la cour d'appel de New York 

Durant le procès, des témoignages portant sur d'autres faits que ceux commis contre les personnes plaignantes ont été admis "de façon erronée", selon l'une des juges de la cour d'appel. Or ces témoignages ont "dépeint une image hautement préjudiciable" de l'ex-producteur hollywoodien. "La solution à ces erreurs choquantes est un nouveau procès", a poursuivi la juge Jenny Rivera. 

Au total, quatre juges se sont prononcés pour l'annulation de cette condamnation et trois contre.

Les femmes qui portent le traumatisme de violences sexuelles et les blessures des témoignages répétés sont oubliées. Juge Madeline Singas

Parmi les juges qui ont voté contre cette décision, la juge Madeline Singas, qui estime qu'"avec cette décision, la cour continue à contrecarrer les victoires régulières pour lesquelles les survivantes de violences sexuelles se sont battues". "Les femmes qui portent le traumatisme de violences sexuelles et les blessures des témoignages répétés sont oubliées", ajoute-t-elle.

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Harvey Weinstein, aujourd'hui âgé de 72 ans, est actuellement détenu dans une prison de l'Etat de New York, selon les médias américains, et va rester en détention. Condamné à 16 ans de prison pour des faits similaires lors d'un autre procès à Los Angeles en 2023, il devrait être transféré dans une prison de la ville en attendant la tenue de son nouveau procès à New York, visiblement prévu en juin prochain. 

États-Unis : une condamnation pour viol d'Harvey Weinstein annulée

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Un procès emblématique du mouvement #Metoo

Lors de ce premier procès en 2020, le producteur déchu a été jugé coupable d’agression sexuelle au premier degré et de viol au troisième degré par un jury de Manhattan. Harvey Weinstein écope de 23 ans de prison. La peine, prononcée par le juge James Burke, est proche du maximum encouru par l'ancien producteur. Celui qui fut un temps l'un des hommes les plus puissants d'Hollywood encourait jusqu'à 29 ans de prison pour ces deux chefs d'accusation.

"J'étais le premier exemple et maintenant, il y a des milliers d'hommes accusés". "Je suis inquiet pour ce pays", avait réagi l'accusé, à l'annonce du verdict. Le jury, composé de sept hommes et cinq femmes, avait rendu sa décision après cinq jours de délibérations et un mois d’un procès ultra-médiatisé.

L'affaire Harvey Weinstein a vraiment bouleversé notre compréhension de ce qu'est une agression sexuelle, d'où elle peut se produire, des mythes brisés qui, je pense, font partie du système de justice pénale depuis longtemps. Cyrus Vance, procureur

A la sortie du tribunal, le procureur Cyrus Vance estimait que l'affaire Harvey Weinstein "avait vraiment bouleversé notre compréhension de ce qu'est une agression sexuelle, d'où elle peut se produire, des mythes brisés qui, je pense, font partie du système de justice pénale depuis longtemps".

Weinstein échappe à la perpétuité

Le jury ne l'a jugé coupable que des deux chefs d'accusations : l'agression sexuelle de l'ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l'aspirante actrice Jessica Mann, en 2013. Il a, en revanche, relaxé le producteur d'un chef de viol plus grave lié à Jessica Mann, mais surtout de la circonstance aggravante de comportement "prédateur", qui aurait pu lui valoir la prison à vie.

Les jurés devaient se prononcer sur le témoignage de trois femmes, parmi les plus de 80 qui ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement ou d'agression sexuelle. 

Si l'agression de Mimi Haleyi et le viol présumé de Jessica Mann étaient poursuivis en tant que tels, le viol d'une troisième femme, la comédienne Annabella Sciorra, bien que prescrit, aurait pu déclencher une circonstance aggravante. Après avoir demandé à réentendre le témoignage de l'actrice durant ses délibérations, le jury a finalement déclaré Harvey Weinstein non coupable de ce viol remontant à l'hiver 1993. 

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©capturedecran/ABC


Paroles de victimes

L'ex-producteur de cinéma, longtemps considéré comme l'un des plus influents d'Hollywood, avait plaidé non coupable et affirmait n'avoir eu que des relations sexuelles consenties. 

Tout au long du procès, la défense avait cherché à discréditer le récit des trois femmes. Les avocats d’Harvey Weinstein ont produit une série de courriers électroniques montrant que Mimi Haleyi et Jessica Mann avaient maintenu le contact, de leur propre initiative, avec l’accusé, après les faits présumés. Dans le cas de Jessica Mann, la victime présumée a même concédé avoir eu des relations sexuelles sans opposition avec Harvey Weinstein jusqu’en 2016. 

"Weinstein est un vicieux prédateur sexuel en série, qui a utilisé son pouvoir pour menacer, violer, agresser, tromper, humilier et faire taire ses victimes", avait déclaré le procureur de district de Manhattan, Cyrus Vance. 

Ce procès est considéré comme la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015, avant que le mouvement anti-agressions sexuelles ne commence, en octobre 2017. 
 

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La "machine Weinstein"

En 2020, celle qu'on a surnommé la tombeuse de Weinstein, Rose Mac Gowan, se confiait dans un entretien exclusif accordé à notre confrère Fabrice Leclerc de Paris Match. Lorsque le journaliste lui demande si le fait que le producteur soit devant la justice et doive répondre de ses actes l'apaise, l'actrice répond "Non. Parce qu’on ne se libère jamais de son agresseur. Aujourd’hui encore, je le sens souffler sur ma nuque. Je sens encore son sexe sur mon visage". 

Tous autant que nous sommes, nous voudrions simplement que la vie redevienne ce qu’elle était avant. Mais c’est impossible. Rose Mac Gowan

Elle évoque aussi une "machine Weinstein qui continue à intimider les victimes", citant les menaces qu'elle subit depuis qu'elle a osé parler. "Mon domicile était surveillé, on a retrouvé un traceur sur ma voiture. Mon portefeuille a été volé à deux reprises, la dernière fois, il y a encore quelques jours", confie-t-elle. 

Et de conclure : "Il ne faut pas oublier qu’une victime d’agression a perdu son innocence à jamais. Tous autant que nous sommes, nous voudrions simplement que la vie redevienne ce qu’elle était avant. Mais c’est impossible".

Un nouveau procès ?

Après l'annulation de la condamnation newyorkaise, tout est à refaire ? Le procès qui devrait s'organiser avant l'été 2024 va réveiller les traumatismes vécus par les victimes qui ont témoigné lors du premier procès de 2020, mais il pourrait aussi raviver la mémoire d'autres femmes, également victimes du producteur, et peut-être aujourd'hui plus préparées à l'exercice judiciaire qui se profile. 

Depuis 2017, des dizaines de femmes, dont Angelina Jolie et Gwyneth Paltrow ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement, d'agressions sexuelles ou de viols. Mais le délai de prescription a été dépassé dans nombre de ces affaires. 

>Le film She said, sorti en 2022, retrace l'enquête de deux journalistes du New York Times sur le tout puissant producteur.

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