Fil d'Ariane
Dans le sillage du #Metoo au sein de la "Grande muette", l'inspection des Armées publie les résultats de son enquête. Le dispositif actuel est jugé insatisfaisant. L'institution préconise une meilleure prise en charge des victimes de violences sexuelles et sexistes et d'alourdir les sanctions contre leurs auteurs.
La parole se libère au sein de la Grande muette, en France, l'inspection des Armées publie un rapport sur les violences sexuelles et fait 50 recommandations.
"Le dispositif actuel ne saurait satisfaire. Il a été précurseur et a posé des bases solides mais il doit maintenant évoluer", selon le rapport de 150 pages de l'inspection des Armées. L'institution rappelle que "les auteurs de violences sexuelles et sexistes ne peuvent avoir leur place" au sein des Armées.
Le scandale des violences sexuelles et sexistes dans les armées est revenu sur le devant de la scène après le récent témoignage dans les médias de Manon Dubois, victime d'agressions sexuelles lorsqu'elle travaillait dans la Marine. La jeune femme de 23 ans a depuis quitté l'armée. Mais sa prise de parole a entraîné une série d'autres témoignages.
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Parmi les 50 recommandations du rapport dont certaines seront mises en place dès juillet, figurent un durcissement des sanctions, dont la suspension de l'auteur présumé "dès lors que des faits crédibles lui sont imputables, sans attendre la constitution du dossier disciplinaire", une harmonisation des sanctions et des mesures disciplinaires pour la hiérarchie qui aurait fait preuve de négligence.
Un meilleur suivi des victimes semble indispensable. Le rapport propose notamment de "n'envisager une mesure de déplacement d'office qu'à (leur) demande ou sur avis médical", tout comme "limiter le départ de l'institution des victimes en veillant à leur reconstruction et à leur réhabilitation psycho-sociale".
Le rapport préconise enfin de réformer et renforcer la cellule Themis, chargée depuis 2014 d'entendre et suivre les cas de violences sexuelles et sexistes.
En 2023, 167 signalements pour violences sexuelles ou sexistes ont été adressés à la hiérarchie militaire et 59 à Thémis, soit un total de 226 cas ayant fait l'objet d'une enquête administrative au sein des armées, selon le ministère.
Sur ces 226 cas, "la moitié" ont fait l'objet de sanctions disciplinaires et 150 ont entraîné des poursuites en justice. Un tiers relèvent du harcèlement, un tiers d’agressions, 12% de viols et le reste d'outrages sexistes, selon la même source.
Les armées françaises comptent 200.000 militaires d'active, dont 16,5% de femmes (34.142 personnels), soit une des armées les plus féminisées au monde.
En février 2014, deux journalistes - Leila Minano et Julia Pascual - avaient déjà permis de mettre en lumière les violences sexuelles au sein de l'armée française. Elles avaient publié La Guerre invisible (coédition Causette et les Arènes), résultat d'une enquête menée pendant deux ans. Elles y dressaient un terrifiant constat, évoquant le cas de victimes, soit contraintes de quitter l’armée, soit mutées, mais toujours humiliées, affaiblies psychologiquement pendant que leurs agresseurs, eux, conservaient leur poste ou en trouvait parfois un autre, mais toujours au contact des femmes...
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