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— Kateya (@KateyaV) 16 juillet 2018
Dans la fanzone nantaise, un mec a sorti sa bite et s'est masturbé contre ma cuisse. Quand je l'ai vu je l'ai insulté en criant.
— La Dame en Noir (@DeNoirVetue) 16 juillet 2018
(Et après je suis partie car j'étais au bord des larmes)
J'ai été le dire aux policiers qui m'ont répondu qu'ils étaient là pour les actes terroristes.
— Kateya (@KateyaV) 16 juillet 2018
Les témoignages défilent. Parmi eux, celui d'une jeune femme décrivant l’agression homophobe qu’elle a subie. « On veut pas d’homo comme toi dans le quartier », lui disent ses agresseurs alors qu’elle refusait de se faire embrasser par une fille de leur groupe. Elle tente alors de trouver refuge dans un restaurant, ses agresseurs la poursuivent, « Ils ont tenté de me mettre un coup de pression mais ça n’a pas marché, ils se sont barrés quand j’ai pris des photos ». A celles qui lui envoient des tweets de soutien, elle répond : « Tout va bien merci, juste le choc, un peu de sang dans la bouche et un pantalon abimé ».
Une autre confie : « J’ai les larmes aux yeux parce que je ne pensais pas qu’autant de femmes avaient subi les mêmes choses que moi hier. Moi c’était au troisième but de la France. C’était le feu dans le bar. On était collés les uns aux autres, j’étais contente donc je sautais de joie. Il a fallu que cette joie retombe d’un coup et me refroidisse quand j’ai senti une main se glisser sous ma jupe. J’étais horrifiée et je suis restée stoïque pendant un long moment. »
Il y avait d’une part l’impuissance, la peur des personnes agressées, et de l’autre des personnes qui étaient complètement à côté de la plaque, ne prenant pas au sérieux ces témoignages, en les minimisant.
Kateya
« Ce que j’ai vu m’a glacée le sang. Il y avait des témoignages vraiment durs à lire, nous confie Kateya, jointe par téléphone, il y avait d’une part l’impuissance, la peur des personnes agressées, et de l’autre des personnes qui étaient complètement à côté de la plaque, ne prenant pas au sérieux ces témoignages, en les minimisant. En voyant cette quantité, je me suis dit que les gens verraient peut-être les choses différemment, en acceptant d’y voir un véritable problème. » En constatant l’ampleur du phénomène, la jeune femme invite toutes ces femmes à se rassembler derrière un hashtag #MeTooFoot.
Mais témoigner n’est pas sans conséquence. Suite à ces publications, l’une de ces jeunes femmes a demandé à Kateya de retirer son tweet, car même si son profil était caché, des internautes l’avaient retrouvée et depuis la harcelaient sur son compte Twitter en la menaçant de représailles.
— Kateya (@KateyaV) 16 juillet 2018
A la question, pourquoi ne portent-elles pas plainte ? « Ce n’est pas étonnant, le plus souvent, elles n’ont pas vu leur agresseur, on ne saurait pas le reconnaître, dans une foule si dense. Beaucoup pensent qu’on ne pourra pas retrouver l’agresseur et qu’on ne les prendra pas forcément au sérieux dans les commissariats », nous dit-elle.
C’était la fête voyons, c’était rien de grave !
Extrait d'un témoignage
Des actes minimisés et souvent même par l’entourage le plus proche. Kateya nous cite le cas d’une jeune femme, qui en arrivant au travail le lendemain, raconte ce qu’on lui a fait. Réaction de ses collègues : « C’était la fête voyons, c’était rien de grave », lui rétorquent-ils en rigolant. « En ne se voyant pas prises au sérieux, ces femmes ne vont pas en plus risquer une nouvelle humiliation en allant à la police », explique KateyaV.
Ouais donc vous êtes en train de dire que révéler les violences sexuelles faites aux femmes nuit aux hommes. Ok je comprend mieux. Bye.
— Kateya (@KateyaV) July 18, 2018
Du côté de la police, le service de presse de la Préfecture de Paris nous précise que le dossier est désormais entre les mains du ministère de l’Intérieur. Joint par mail, leur réponse nous renvoie sur leur site officiel publiant les statistiques, les derniers chiffres remontent au 5 juillet, et la liste recense crimes et coups et blessures à personnes, sans en préciser la nature, s’il s’agit de viols ou d’agressions sexuelles. Pas plus d’éléments et de précisions donc sur ce qui s’est passé durant le mois de juillet, pendant la Coupe du monde, du moins pour l'instant.
Michel Delpuech, préfet de police de Paris, interrogé sur Europe 1 ce mercredi 18 juillet, invite les femmes victimes à porter plainte, car "les hommes qui se sont rendus coupables de tels faits sont des délinquants". "Il faut que ces faits soient portés à la connaissance des services, pour que les investigations soient menées. Nos services seront évidemment sans complaisance avec les auteurs s'ils sont identifiés", a-t-il ajouté.
Une source policière jointe par Terriennes, qui a accepté de nous parler sous couvert d’anonymat, estime qu'il est très compliqué d’établir des statistiques précises et nationales sur ce phénomène, que ce soit le soir de la finale ou durant toute la durée de la compétition. Cette même source nous précise que comme lors de chaque événement de cette envergure, une campagne de sensibilisation interne à ce type de plainte est menée auprès des fonctionnaires de police. « Mais nous invitons aussi les médias à la plus grande prudence sur la quantification de ce genre d’infractions, le registre national relève les infractions, mais sans forcément faire le lien avec le contexte même si on le sait bien, ces occasions là, avec l’alcool et la chaleur sont des dates à risque. L’écart est beaucoup plus grand qu’en période dite normale. Et puis autre écart, entre la réalité du nombre d'infractions et celles qui feront réellement l'objet d'une plainte. C'est le fameux chiffre noir. A ce jour, nous sommes en train de prendre la mesure du phénomène lié à la Coupe du monde, même si cela restera difficilement quantifiable », nous dit-elle.
Twitter, c’est bien mais ce n’est pas suffisant et ça n’aide pas nos services. Il s’agit d’actes graves et répréhensibles ! Même si cela peut paraître difficile, il faut que ces femmes ou jeunes filles se rendent dans les postes de police
Une fonctionnaire de la police nationale
Une précision cependant, et un message. La personne que nous avons jointe est une femme policier, elle-même a connu ce genre d’agression: « J’appelle toutes les femmes, victimes, à ne pas seulement en parler sur Twitter. Twitter, c’est bien mais ce n’est pas suffisant et ça n’aide pas nos services. Il s’agit d’actes graves et répréhensibles ! Même si cela peut paraître difficile, il faut que ces femmes ou jeunes filles se rendent dans les postes de police, c’est ainsi qu’elles seront réellement entendues, et que l’on pourra lutter contre ces agressions. »
Bonjour @PoliceNationale, pouvez-vous par la même occasion appeler vos agent.e.s à prendre les plaintes et à ne pas humilier les victimes ? #payetaplainte pic.twitter.com/Yzj2tdQVYN
— Le Groupe F (@LeGroupe_F) July 19, 2018
Pour Ndella, la maman citée en tête d'article, c’est encore une fois le corps des femmes qui est sacrifié au nom du patriarcat. Militante afroféministe, elle a trois filles. Au téléphone, elle se révolte : « J’ai déjà dû leur faire prendre conscience très tôt de ce qu’était le racisme, et les discriminations que l’on subit. Et voilà que ce patriarcat leur fait vivre très jeune des attouchements comme si leurs corps appartenaient aux hommes. Alors comme ça, on peut toucher le corps des femmes sous prétexte qu’on est content ? Je suis très en colère de voir comment certaines personnes réagissent, en nous disant qu’à 17 ans on ne devrait pas laisser sortir nos enfants dans la rue. A 17 ans, elle a le droit de vouloir voir un match de foot et de profiter de la bonne ambiance qu’il y avait ce soir-là sans subir les conséquences des mauvais comportements des hommes. »
Alors comme ça, on peut toucher le corps des femmes sous prétexte qu’on est content ?
Ndella, militante afro-féministe
« Avec le racisme, c’est le même problème. Les gens sont plus choqués par nos réactions que par les discriminations et les violences que l’on subit. C’est inadmissible ! On ne va pas se taire sous prétexte que c’est la fête du foot ! Nos corps nous appartiennent, et on n’a pas à venir nous toucher comme si c’était normal et qu’on ne dise rien. Ce n’est pas normal que les gens soient choqués par notre résistance et par le fait que l’on dénonce cela … C’est pareil avec le racisme, quand on nous dit ‘Oui mais bon, vous n’avez pas d’humour' » , enchaine Ndella. Justement, elle réagit aussi aux accusations présentant les hommes racisés comme étant plus particulièrement des prédateurs sexuels : « Les hommes arabes ou noirs ne sont pas plus sexistes que les autres ! On vit dans une société patriarcale et ceux qui en abusent le plus dans nos sociétés ce sont en majorité les hommes blancs. »
Si tout le monde se lève lorsqu’un homme se met à toucher une femme dans le métro, il réfléchira à deux fois avant de le faire.
Ndella
Comment lutter contre ce phénomène ? Pour Ndella, une seule solution : résister au quotidien, militer, préparer, éduquer ses enfants, filles ou garçons. Et surtout écouter leur parole, et la parole des femmes en général.
« Quand elles subissent des violences, on ne les croit pas. On minimise les choses. La parole des femmes, il faut lui faire confiance jusqu’à preuve du contraire. Moi, je renverse la charge de preuves. Accueillir la parole des femmes avec bienveillance. On leur demande de prouver, on ne prend pas en compte le traumatisme subi. Et puis si on assiste à ce genre d’agression, intervenir ! C’est au niveau sociétal que ça se passe. Qu’on prenne la mesure de la gravité des violences qu’on nous fait subir, car ça se passe au quotidien, dans les transports, dans la rue, et pas seulement les soirs de foot. C’est aux hommes de se sentir concernés et qu’ils réagissent. Si tout le monde se lève lorsqu’un homme se met à toucher une femme dans le métro, il réfléchira à deux fois avant de le faire. »
La polémique du nouvel-an de Cologne en 2016
D'après le journal Libération, un viol aurait été commis lors de la nuit du réveillon à Cologne et plus de 400 plaintes ont été déposées pour des agressions à caractère sexuel. Après avoir interrogé près de 300 personnes et visionné 590 heures de vidéos, le procureur de Cologne, Ulrich Bremer, déclare dans une interview à Die Welt que plus de 60% des agressions n’étaient pas à caractère sexuel mais des vols. Sur 58 agresseurs, 55 n’étaient pas des réfugiés, mais pour la plupart Algériens et Marocains installés en Allemagne de longue date.
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>Après les violences de Cologne, penser le féminisme
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