#MeTooMcDonalds : des victimes de harcèlement sexuel témoignent devant le Parlement européen

Des victimes de harcèlement sexuel chez McDonald's dénoncent les négligences systémiques de l’enseigne lors d'une audition au Parlement Européen. "Nous ne pouvons continuer d'ignorer les voix des victimes", s'insurge la députée européenne Manon Aubry, l'une des initiatrices de cette audition.
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tee-shirt mcdo sexiste
©twitter/collectif Mcdroits
En France, un collectif d'ex-employé-e-s de McDonald's milite pour dénoncer les conditions de travail et le harcèlement sexuel au sein du géant du fast-food, à travers des manifestations et sur les réseaux sociaux. Ici, un tee-shirt conçu par les militantes.
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logo macdo
©AP Photo/Jens Meyer
De nombreuses plaintes ont été déposées partout dans le monde par des victimes de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise Mc Donald's, elles accusent le géant du fast-food de négligence systémique pour n'avoir pas suffisamment pris en compte leurs signalements. C'est le but de leur audition devant le Parlement européen.
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Ça se passe comme ça chez McDonald's... Harcèlement sexuel et négligence "systémique" de la part de l'entreprise, voilà ce que dénoncent des anciennes employées de McDonald's.

Américaines, Brésiliennes ou Françaises, toutes brisent d'une même voix l'omerta.  
Et c'est devant les membres du Parlement européen, à Bruxelles, qu'elles ont décidé de venir témoigner ce mercredi 7 septembre 2022 à l’invitation des eurodéputées Maria Noichl (S&D, Allemagne) et Manon Aubry (GUE-NGL, France). Sont aussi invités de nombreux représentants de fédérations syndicales et d'experts, ainsi que, à distance, par le biais de vidéos pré-enregistrées, la représentante du Congrès Américain Jan Schakowsky (D-IL) et le sénateur brésilien Paulo Paim (PT-RS), tous deux engagés politiquement sur les questions de harcèlement sexuel au travail.

Plus d'une centaine de plaintes

#metoomacdo
La mobilisation des employé-e-s de MacDonald's s'était faite aussi à travers les réseaux sociaux, avec le mot dièse #MeTooMacdonalds, reprenant la figure féministe de "Rosie", revêtue de l'uniforme obligatoire de l'entreprise de fast-food. 
©DR
Au cours des cinq dernières années, les employé-e-s de McDonald's aux États-Unis ont déposé plus de 100 plaintes et accusations au niveau fédéral pour harcèlement sexuel au travail.

Au Brésil, le plus grand marché sud-américain de l'entreprise, le Sénat a tenu des auditions sur le harcèlement et la discrimination systémiques auxquels sont confrontés les travailleur-euse-s .

En France, l'affaire remonte à 2020 : les médias français relaient les témoignages de 78 victimes de harcèlement.

Une plainte inédite a été déposée en 2021 auprès de l'OCDE par des syndicats représentant plus de 10 millions de travailleurs. L'organisation dénonce les défaillances de McDonald's pour remédier au harcèlement systémique dans ses restaurants à travers le monde.

Tanya, Mathilde, Jéssica, Gabriel et les autres...

Tanya Harrell, 26 ans, est une victime de harcèlement sexuel chez McDonald's aux États-Unis et cheffe de file dans la lutte pour la création d'un syndicat interne. Elle travaillait dans un restaurant de l'enseigne à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, en 2017. Elle a décidé de s'exprimer publiquement, a porté plainte pour harcèlement et a obtenu un règlement par McDonald's. 
 
Je suis une personne, je suis une femme et je compte. Je prends la parole pour unir ma voix aux voix de celles et ceux qui comprennent la douleur de ne pas être entendus.
Tanya Harrell, ex-employée McDonald's aux Etats-Unis
"Je suis une personne, je suis une femme et je compte. Je prends la parole pour unir ma voix aux voix de celles et ceux qui connaissent la douleur de ne pas être entendus. McDonald's a une influence incroyable, et s'ils le veulent, ils peuvent être moteur dans le bon sens. Alors aujourd'hui, nous prenons position et exigeons que McDonald’s soit tenu pour responsable", témoigne-t-elle.
 
Il me faisait des remarques du genre "tu as toujours ton beau petit cul".
Mathilde, porte-parole McDroits, France
"Il me faisait des remarques du genre "tu as toujours ton beau petit cul". Quand je lui demandais de s'expliquer, il me disait : "Je ne te le dirai que si tu touches mon sexe. Il a aussi souvent chanté des chansons à connotation sexuelle pendant les services", rapporte
Mathilde, 23 ans. La jeune femme a travaillé dans un McDonald's du Havre, en France, pendant trois ans, à partir de 2018, avant d'être licenciée pour avoir mené une grève contre le harcèlement moral et sexuel dans le restaurant. En 2020, elle rejoint le collectif McDroits pour lutter contre les pratiques de la multinationale, qui bafoue de nombreux droits, y compris ceux des femmes. Depuis, elle est devenue militante et est porte-parole du collectif.

Jéssica Carriel, 20 ans, ex-employée de McDonald's au Brésil raconte : "J'ai été harcelée sexuellement par un responsable. Il m'envoyait souvent des photos de ses parties intimes, et me proposait une promotion si je sortais avec lui. Il me touchait aussi, me touchait de manière inappropriée, devant les autres". 

Culture du silence

"Les entreprises comme McDonald's, qui violent systématiquement les droits des travailleurs ne doivent pas rester impunies. Nous ne pouvons continuer d'ignorer les voix des victimes", s'insurge Manon Aubry (eurodéputée, et députée française France Insoumise).

L'Union européenne doit combler les failles de cette directive pour en finir avec l'impunité des multinationales !
Manon Aubry, eurodéputée France Insoumise

Pour elle, l'actuelle proposition de directive "devoir de vigilance" de la Commission européenne est insuffisante. "En l'état, de nombreuses entreprises comme McDonald's ne seraient pas concernées, et les travailleurs, entre autres parties prenantes, n'auraient pas le plein droit de participer à la définition de la stratégie de vigilance des entreprises. L'Union européenne doit combler les failles de cette directive pour en finir avec l'impunité des multinationales !", ajoute l'eurodéputée.

Maria Noichl
Maria Noichl, eurodéputée (S&D, Allemagne).
©DR
Ce phénomène est bien plus vaste et n'est pas assez pris en compte, comme le craint Maria Noichl, notamment en raison de mécanismes de signalement qui n'encouragent pas les femmes à parler : "Environ un tiers des européennes qui ont subi des faits de harcèlement sexuel l'ont vécu sur leur lieu de travail. Et ce n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg (...) Et parfois, ce sont même les structures de l'entreprise qui empêchent une prise en compte efficace" .
 
Une multinationale, qui réglemente tout, depuis les uniformes jusqu’aux menus en passant par l'intérieur des restaurants, doit faire plus pour les travailleuses et les travailleurs.
Maria Noichl, eurodéputée allemande

"Une multinationale qui réglemente tout, depuis les uniformes jusqu’aux menus en passant par l'intérieur des restaurants, doit faire plus pour les travailleuses et les travailleurs : créer un environnement de travail sûr, exempt de violence, de coercition et de toute forme de peur", insiste-t-elleLa députée plaide pour une implication des victimes, des autres employés et des syndicats afin de "mettre fin à la culture du silence et de la violence et d'ouvrir la voie à un lieu de travail exempt de violence".

Quid du bien-être des travailleurs chez Macdo ?

"La proposition de directive européenne récemment publiée sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique néglige largement les mesures sur le lieu de travail, bien que les travailleuses signalent des niveaux élevés d'abus", estime de son côté le collectif de syndicats dans un communiqué. Cette coalition internationale est composée de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), de la Fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme (EFFAT) et du Lobby européen des femmes. Elle appelle les institutions européennes "à agir de manière urgente pour soutenir la lutte des travailleurs de McDonald's et des autres travailleurs du monde entier qui sont victimes de harcèlement et de violence sexuels sur leur lieu de travail".

McDonald's a refusé d'assumer la responsabilité de la sécurité et du bien-être de ses travailleurs, accusent les membres de cette coalition. L'entreprise a largement fait la promotion médiatique d'un récent rapport (Purpose & Impact Report) qui fait état de nouvelles normes internationales appliquées par l’enseigne. "Toutefois, les détails de ces nouvelles normes sont inexistants, en dépit de nombreuses demandes de précisions, notamment de la part des eurodéputées organisatrices de l’audition", regrettent les représentants des syndicats.

Au cours de l'hiver 2022, les députés européens discuteront de la proposition de directive de la Commission européenne sur la "Lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique". Les dispositions relatives au harcèlement sexuel au travail (article 30) doivent y être renforcées.

En 2019, la Conférence internationale du travail de l'Organisation internationale du travail (OIT) a adopté la Convention 190, premier traité international à reconnaître "le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement, y compris de violence et de harcèlement fondés sur le genre ". Entrée en vigueur le 25 juin 2021, mais jusqu'ici la Grèce, l'Italie et l’Espagne sont les premières et les seules à l'avoir ratifiée.