#Metoopolitique : harcèlement, agressions sexuelles, la parole se libère

De la "petite blague" sexiste à l'agression sexuelle, le milieu politique, comme tous les autres, n'échappe pas au sexisme et aux violences qu'il engendre. Depuis la tribune publiée dans le quotidien français Le Monde par 285 femmes appelant à écarter "les agresseurs sexuels du monde politique", la parole se libère sur les réseaux sociaux et les témoignages affluent. Un Metoo qui prend toute son ampleur à cinq mois de l'élection présidentielle. 
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©Assemblée nationale/officiel
Le monde politique mis en cause dans un nouveau mouvement de libération de la parole des femmes en France avec le mot dièse #Metoopolitique, lancé par une tribune signée par 285 femmes travaillant dans ce milieu.
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©#metoopolitique
"A la veille d’élections cruciales pour notre pays, nous exhortons les appareils politiques à écouter les victimes et à faire œuvre de prévention", écrivent 285 femmes, élues ou militantes dans un appel à un #metoopolitique. 
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©Assemblee nationale/journées du patrimoine
Des fresques de femmes dénudées ornent le plafond de la salle des pas perdus à l'Assemblée nationale... À quelques mois de la présidentielle française, 285 femmes politiques et membres de la société civile signent une tribune dans le quotidien Le Monde intitulée "Pour un #MeToo politique : les agresseurs sexuels n'ont pas leur place aux élections de 2022". 
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Du sexisme en politique ? De l'affaire Denis Baupin aux moqueries autour d'une robe à fleurs de Cécile Duflot, ou encore des caquettements de poule lors de l'intervention d'une autre élue sous les ors de l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse de procès ou de scènes aussi désolantes que célèbres, ces événements ont permis de mettre en lumière des actes qui, au quotidien, font bien des victimes dans les couloirs des institutions françaises et à l'ombre des partis politiques.

Et pourtant, de la "blagounette" sexiste à l'agression sexuelle, les choses ont-elles vraiment changé ?  

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©#metoopolitique

À cette question, qu'elles soient députées, maires, adjointes au maire, collaboratrices parlementaires, conseillères municipales, mais aussi membres de la société civile, citoyennes et militantes, elles sont 285 à répondre "non" et à réclamer un véritable #metoopolitique en signant, lundi 15 novembre 2021, une tribune publiée sur le site metoopolitique.fr et dans le quotidien français Le Monde.

Parmi les signataires figurent la députée et coordinatrice nationale de Génération Écologie Delphine Batho, ainsi qu'Albane Gaillot, députée du Val-de-Marne, Danièle Obono, députée parisienne, Alice Coffin ou encore Fatoumata Koné (présidente du groupe écologiste), toutes deux conseillères de Paris, Caroline De Haas, fondatrice de l'organisation féministe #NousToutes, Madeline Da Silva, maire-adjointe aux Lilas, en Seine-Saint-Denis et chargée de l'égalité femmes-hommes, mais également Aminata Niakate, avocate (que nous avions suivie dans Terriennes) et Camille Froidevaux-Metterie, philosophe, pour n'en citer que quelques-unes. 

"Nous, femmes travaillant dans le milieu politique, élues, collaboratrices, fonctionnaires, responsables associatives, militantes qui côtoyons régulièrement les hommes politiques, mais avant tout citoyennes, appelons le monde politique à une réponse d’ampleur aux violences sexuelles et sexistes commises par nos représentants". Ainsi débute leur appel. 

"Au sein du Parlement, des mairies, des conseils départementaux et régionaux, des hommes mis en cause, parfois condamnés pour viol, pour agression sexuelle, pour atteinte sexuelle sur mineur, pour violences conjugales, sont élus, malgré les discours affichés sur la lutte contre les violences faites aux femmes, malgré nos alertes répétées. Qu’est devenue la grande cause du quinquennat ?", poursuivent-elles, interpellant ainsi le président français Emmanuel Macron qui a fait de la cause des femmes "grande cause du quinquennat" . 

C’est dire à quel point la condition des femmes et des victimes leur est indifférente.
Tribune dans Le Monde, 15 novembre 2021

Selon elles, la campagne présidentielle pose problème, compte tenu de la situation "délicate" de plusieurs candidats ou "potentiellement candidats", "déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles. Cela ne les empêche pas, loin de là, de considérer qu’ils sont dignes d’occuper la magistrature suprême. C’est dire à quel point la condition des femmes et des victimes leur est indifférente. En juin 2022, nous élirons les membres de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, parmi les 577 députés, certains sont des auteurs de violences sexistes et sexuelles".

(Re)lire ► En France, dix-sept ministres femmes se dressent contre le harcèlement sexuel en politique

De la blague sexiste à l'agression sexuelle : des enquêtes dénoncent un climat nocif dans le milieu politique


Résultats de l'enquête de Chair Collaboratrice en 2019 :
►1 collaboratrice sur 2 rapporte avoir été victime de blagues sexistes ou sexuelles ou de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle

►1 collaboratrice sur 3 rapporte avoir été victime d’injures sexistes ou d’attitudes insistantes et gênantes

►1 collaboratrice sur 5 rapporte avoir été victime d’une agression sexuelle

En 2019, une l’association “Elues locales”, en partenariat avec le collectif #NousToutes, mène une enquête de terrain de vaste ampleur pour mesurer le sexisme dans les collectivités territoriales. Plus de 350 élus, dont 91% de femmes, élues à l’échelon municipal dans 300 collectivités, adressent des témoignages sur les violences sexistes et sexuelles. 40,1% des répondant.e.s déclarent subir du sexisme, dont 1/3 souvent. Dans l’immense majorité des cas, les propos sexistes ou à connotation sexuelle sont le fait de collègues élus.

Un rapport du HCE en 2019 indique que l’une des conséquences du sexisme en politique est  "parfois, l’abandon par les femmes de leur projet et le renoncement à toute responsabilité, préférant arrêter la politique que de subir du sexisme ou des violences". 

(Re)lire notre article Terriennes 
Etat des lieux du sexisme en France : agir en entreprise, dans les médias et en politique

Mettre fin à l'omerta et à l'impunité des agresseurs

Insultes sexistes, mains aux fesses et "gros lourds tactiles – doux euphémisme pour évoquer des agresseurs sexuels", les signataires de la tribune réclament que l'on écoute les victimes, les militantes et que l'on écarte des responsabilités "ceux qui ont été condamnés pour violences conjugales, pour harcèlement sexuel, pour viol". 
 
La parole des femmes s’est libérée, mais à quand une libération de l’écoute, une réelle prise en compte dans les partis politiques.
Tribune publiée dans Le Monde
"Il est urgent d’agir. La parole des femmes s’est libérée, mais à quand une libération de l’écoute, une réelle prise en compte dans les partis politiques ?", s'insurgent-elles. 

En conclusion, elles invitent élus et cadres des partis à signer un engagement en trois points contre les violences sexistes et sexuelles en politique, et souhaitent "que chacune et chacun, victimes et témoins, citoyennes et citoyens, interpellent les partis sur leur engagement et leur détermination à éradiquer ces violences en leur sein".

#metoopolitique : la parole se libère 

Depuis sa publication, la tribune a reçu de nombreux soutiens sur les réseaux sociaux. Mais surtout, ce qui frappe, ce sont les multiples témoignages postés par des femmes victimes d'agressions sexuelles commis par des élus ou hommes politiques et restés impunis. 
Une pétition #metoopolitique a été lancée en ligne sur le site de change.org. Le site créé à l'occasion de cette tribune invite à témoigner et fournit une liste des associations et lieux d'écoute pour les victimes, citant notamment la cellule de veille mise en place à l'Assemblée nationale afin de lutter contre le harcèlement, moral et sexuel, et les agissements sexistes. Un chapitre appelle aussi les cadres et dirigeant-e-s politiques à s'engager dans ce mouvement. 

Quelques heures après sa mise en ligne, le site www.metoopolitique.fr était inaccessible. Les initiatrices du mouvement évoquent un "hackage" et dénoncent une volonté de "museler la parole des victimes et empêchant l’engagement des élu·e·s en faveur de la prévention des violences sexistes et sexuelles en politique".
 
A l'occasion du 25 novembre "Journée internationale contre les violences faites aux femmes", de nombreuses manifestations sont organisées partout en France (et bien évidemment dans le monde), la première aura lieu ce samedi 20 novembre à Paris à l'appel du collectif NousToutes contre "TOUTES" les formes de violences sexistes et sexuelles et dans tous les milieux, le monde politique y compris...