#MeTooThéâtre : les violences sexuelles en pleine lumière

"Violeur connu, violeur quand même", pouvait-on lire sur l'une des pancartes brandies lors d'un rassemblement samedi 16 octobre 2021 à Paris. Après le cinéma en 2017, le mouvement #MeTooThéâtre lève le rideau sur un fléau trop longtemps tu, et pourtant su. Des milliers de femmes, comédiennes, artistes, journalistes, témoignent depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux pour dénoncer des agressions sexuelles.
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©heroines95/twitter
Le mouvement #MeTooTheatre lève le rideau sur les violences sexuelles dans le milieu du théâtre en France. Des centaines de témoignages ont déferlé sur les réseaux sociaux pour briser l'omerta autour de ce fléau trop longtemps tu. 
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©courtoisie/Tay Calenda / Twitter
Un rassemblement a eu lieu samedi 16 octobre 2021 à Paris pour dénoncer les violences sexuelles dans le milieu du théatre en France, une première manifestation organisée par le collectif du mouvement #MeTooTheatre.
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C'était en 2012, elle avait 19 ans. "J'ai fait une amnésie traumatique quand je suis sortie de chez lui", raconte Alice sur Twitter. Depuis quelques semaines, les témoignages affluent sur les réseaux sociaux pour dénoncer violences et agressions sexuelles dans les coulisses du monde du théâtre. 


"Pendant le Festival d’Avignon, un producteur de théâtre m’embrasse de force pendant de longues secondes alors que j’essaie de le repousser. Il s’est excusé quelques minutes plus tard, 'désolé je croyais que tu étais comédienne'", rapporte une journaliste.

"Je débutais. J’y connaissais rien. J’avais envie d’apprendre. Ce metteur en scène s’est servi de mon inexpérience pour me faire miroiter un bel avenir pro, des rencontres exceptionnelles, pour m’attirer dans son lit et devenir odieux. Ça doit cesser", témoigne également cette comédienne.  

Sophia Antoine, comédienne depuis une vingtaine d'années, elle aussi a décidé de témoigner sur Twitter. "Mon parcours est jalonné d'agressions sexuelles, de remarques sexistes", affirme-t-elle. 

#MeTooThéâtre ou la fin de l'omerta

"On reçoit par mail ou sur les réseaux des centaines de témoignages, qu'on prend avec beaucoup de soin et de précautions. On n'est pas là pour lancer une chasse aux sorcières. L'objectif est qu'on se rende compte de manière quantitative de l'ampleur du phénomène et qu'on réagisse.", confie Agathe Charnet, cofondatrice du collectif MeToo Théâtre sur France Info lors du rassemblement organisé samedi 16 octobre 2021 place du Palais Royal, près de la Comédie Française et non loin du ministère de la Culture à Paris.

Plus de 200 femmes, autrices, comédiennes, scénaristes étaient présentes. Sur leurs pancartes, on pouvait lire "Il m'a violée, vous l'applaudissez", "Violeur connu, violeur quand même", "Agresseurs, hors de nos théâtres", ou encore "Notre colère n’est pas une comédie ". Sur un camion-estrade, lectures et témoignages se sont succédés.

"On demande une enquête au niveau national pour que des chiffres soient posés. Parce que les chiffres et les statistiques, c'est indiscutable. Et pour qu'on mesure également l'ampleur de ce phénomène dont on est témoins tous les jours dans nos milieux, explique une membre du collectif, qui réclame également un système de parité au sein des programmations, au sein des institutions pour que le rapport de force puisse changer".
 

"Violée pendant le premier confinement"

Le 7 octobre 2021, Marie Coquille-Chambel poste un message sur son compte twitter : "J’ai été violée par un comédien de la Comédie Française pendant le premier confinement, pendant que je faisais un malaise. Il est toujours membre de la Comédie Française, même si la direction est au courant d’une plainte déposée". Le post de la jeune femme, qui anime une chaine youtube sur le théâtre, enflamme très vite les réseaux sociaux. En moins de vingt-quatre heures, plus de 6 000 témoignages déferlent. "J’invite toutes les personnes harcelées sexuellement, agressées ou violées dans le milieu théâtral à témoigner avec le hashtag #MeTooThéâtre", poursuit-elle dans un deuxième tweet, lui-aussi largement partagé.
En juin 2020, la youtubeuse avait déjà secoué le milieu du théâtre lorsqu’elle avait porté plainte. Elle avait déclaré avoir été frappée à trois reprises et menacée de mort par un acteur de la Comédie Française. Le comédien, qui était son ancien petit ami, a été finalement condamné en juin 2021 à six mois d’emprisonnement avec sursis pour ces menaces de mort. On ignore si cette affaire est liée au témoignage posté par la jeune femme. "Je crois que l’omerta n’est plus possible dans le théâtre et je refuse qu’une autre puisse subir de telles violences", a-t-elle encore indiqué sur son fil twitter. 

Tribune, scandales et démissions

Depuis le déclenchement du mouvement #MeToo, en 2017, plusieurs scandales ont secoué le milieu du théâtre français. Au printemps, des dizaines de personnes avaient manifesté devant les locaux du Cours Florent, à Paris, pour dénoncer le "silence" de la prestigieuse école privée de théâtre face à des abus présumés de certains de ses professeurs, affirmations contestées par l’institution. Sous la pression publique et d’une grève du personnel appelant à sa démission, le directeur du théâtre des quartiers d'Ivry a quitté son poste, éclaboussé par une affaire de viol présumé. Une enquête préliminaire pour viol a été ouverte contre le metteur en scène, Michel Didym, ex-directeur du théâtre de la Manufacture de Nancy. Prévu en novembre à Lyon, son nouveau spectacle est, pour l'instant, reporté. Dans un courrier de plusieurs pages adressé à la justice, que le journal Libération s’est procuré, une jeune femme, Alice, l'accuse de l’avoir violée en 2012. 

Un collectif de personnalités et de professionnels du théâtre a signé le 13 octobre 2021, une tribune dans Libération appelant à "la libération de la parole " et à "l’urgence des actes". Signée par plus de 1 450 personnes, la tribune propose "des actes concrets pour repenser l’écosystème du théâtre tout entier". Première étape : prendre conscience de l’ampleur des violences sexistes et sexuelles dans le secteur grâce à une enquête quantitative et qualitative, écrit le collectif. "Les chiffres, c’est un argument tellement fort qu’on ne peut pas s’y opposer", souligne Agathe Charnet. "Ensuite, sensibiliser à ces violences toutes les structures qui accueillent des spectacles en leur sein", lit-on dans le communiqué. Le collectif propose de "désigner un référent dans l’ensemble de ces structures et que des journées soient dédiées à la question des violences sexistes et sexuelles".  

Du côté des autorités, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a indiqué donner toute son attention à ce dossier, répétant l'importance de "sensibiliser, former, recueillir la parole". Concernant la polémique provoquée par la participation de Bertrand Cantat à la musique d'un spectacle programmé en novembre au théâtre de la Colline à Paris, la ministre a répondu sur France Inter : "Je n'ai pas à intervenir dans la gestion de La Colline. Je regrette que Bertrand Cantat ait été invité néanmoins". La ministre a aussi fait valoir "la liberté de la création" et a souligné que le patron de la Colline, Wajdi Mouawad, ne pouvait "pas être accusé de la moindre complaisance en ce qui concerne la lutte contre les violences sexuelles et sexistes". Le spectacle Mère sera joué du 19 novembre au 30 décembre 2021 à Paris.

Les membres du collectif MeTooThéâtre ont lancé un compte Instagram pour recueillir d'autres témoignages. Avant que ne résonnent les trois coups, de nouvelles actions sont prévues, pour que le rideau ne retombe pas sur des violences sexuelles trop longtemps tues dans ce milieu.