Fil d'Ariane
En ce 20 novembre, "Journée mondiale du Souvenir Trans en mémoire des victimes de transphobie", retour sur ce mouvement lancé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. Suite à notre publication interrogeant l'émergence d'un #MeToo pour les personnes transgenres, des centaines de témoignages ont afflué sous le hashtag #MeTooTrans.
Les témoignages sont graves. Indicibles. Ils attestent l’urgence de la mobilisation. Initié le 10 novembre 2019 par une internaute trans interpellée par la publication de notre article A quand un Metoo des femmes transgenres ?", ce hashtag a libéré la parole des personnes transgenres sur les agressions, viols et outrances qu’elles subissent au quotidien. Depuis, les témoignages se succèdent sur les réseaux sociaux.
Je suis enseignante en université. J'ai été agressée par mes propres étudiants. Crachats, coup d'épaules puis on me fait tomber. Malgré tout j'ai donné les notes correctement.
— Zergmel0 (@zergmel0) November 13, 2019
6 autres agressions ont suivi en quelques mois.
Je ne sors plus, même pour les courses.#MeTooTrans
Terriennes a voulu relayer quelques-uns de ces témoignages, qui illustrent combien la transphobie, peu traitée par les médias, est présente, à tous les niveaux de la société.
#MeTooTrans quand un homme m'a envoyé un message privé (sur Facebook) pour me dire qu'il avait hâte de me violer et de voir que je serais pas écoutée ni défendue parce que trans.
— trou de la sécu de 25ans (@LJMaria1) November 10, 2019
Dans le témoignage qui suit, une jeune internaute raconte comment elle s'est retrouvée exposée aux propositions sexuelles d’un chauffeur de bus après que celui-ci a refusé de la déposer à l’arrêt demandé.
#MeTooTrans Quand je me suis retrouvée seule avec le chauffeur de bus, qu'il commence à me parler, entend ma voix, ne s'arrête pas à mon arrêt et au terminus me dit mot pour mot "Tu veux faire quoi maintenant ? Parce que moi je veux te péter au fond du bus ! T'es exotique"
— Glymounette (@Glymou) November 10, 2019
Une autre jeune femme évoque l'abus sexuel dont elle a été victime. Son agresseur était un homme qu’elle avait croisé dans la rue.
#MeTooTrans la première fois que je suis sortie en robe, un homme m’a suivi jusqu’à chez moi m’a bloqué devant mon immeuble, s’est masturbé sur moi puis a réussi à rentrer dans mon immeuble et a gravé la porte de mon appartement au couteau et a brisé des carreaux dans la cour.
— anal del rey (@ultraviolente_) November 10, 2019
Cette fétichisation, voire exotisation des personnes trans, est un phénomène loin d'être marginal, comme l'atteste le témoignage de ces internautes "abordés comme des expériences sexuelles en devenir avec la même sollicitude et les mêmes injonctions à se plier aux désirs légitimes de ces hommes cisgenres en quête de découvertes et de vécus sexuels extraordinaires," analyse Héloïse Guimin-Fati, femme trans et activiste.
#MeTooTrans
— Alex (@RockOnStone974) November 11, 2019
Être trans c'est être vu en permanence comme une expérience sexuelle pic.twitter.com/It0c27PR6I
Sollicitée par Terriennes, Lucile, la jeune initiatrice du mouvement interpellée par notre premier article, perçoit ces témoignages comme "la réalité d’un vécu quotidien des personnes trans, corrélé à d’autres problématiques comme le racisme. Le tout dans une dynamique réelle, décomplexée, trop souvent niée et parfois assumée de certains politiques et individus".
.#MeTooTrans quand une « amie » me soutient et me genre bien au masculin pour me mettre en confiance, en fin de compte me faire boire, me touche le sexe de manière non consentie, et apprendre après qu’en fait elle est attirée par les femmes et ne m’a jamais considéré comme un mec
— méga trans turbo génie (@kingsauciflard) November 10, 2019
Si les témoignages continuent d’affluer sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes trans dénoncent aussi le silence, voire l’inertie des collectifs féministes traditionnels et des associations LGBT sur la mobilisation.
Contactée par Terriennes, une internaute trans lie ce problème à une méconnaissance de la transidentité et à l’idée malsaine d’une anormalité des personnes trans.
Selon une estimation publiée dans l'ouvrage commun de Karine Espineira et Arnaud Alessandrin Sociologie de la transphobie (édité par Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine en 2015), pas moins de 85 % des personnes transgenres seront agressées au cours de leur vie.
Au delà d'une libération de la voix trans, ce MeToo pourrait enfin permettre d'ouvrir la voie vers plus d'écoute de la part d'une société considérant la transphobie comme un (épi)phénomène, dont on ne connaît pas, ou dont on préfère taire, la réelle étendue. Difficile de traiter un problème que l'on ne veut pas voir parce que la majorité le juge difficilement identifiable. Comment cette parole permettra-t-elle une réelle prise de conscience, suivie par de réels engagements pour lutter contre les discriminations et agressions transphobes ? L'urgence est sans doute dans la convergence des luttes contre les violences sexuelles, quelles qu'en soient les victimes. Elle sera au centre de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes du 25 novembre.